Les nouveaux défis de la souveraineté

Les nihilistes vous diront sur un ton se voulant convaincant que le Maroc, ce pays des paradoxes par excellence, n’a pas fait grand-chose en 66 ans d’indépendance, tout en s’employant à brosser un tableau noir de la situation nationale. A les entendre argumenter, tous les (mauvais) ingrédients sont réunis pour que vous envisagiez sérieusement de quitter, si vous êtes un père de famille, le pays avec armes, femmes, enfants et bagages vers des cieux supposés plus cléments.

Ces pessimistes sur commande prennent souvent prétexte des insuffisances et autres dysfonctionnements qui minent le pays pour les présenter sous un jour apocalyptique. Or, la réalité est beaucoup plus nuancée qu’elle n’est dépeinte par ces oiseaux de mauvais augure qui pérorent dans les salons en comité restreints ou déversent leur fiel sur le pays via, soi-disant, des analyses savantes.

En Plus de 60 ans d’indépendance, le Maroc a réalisé, n’en déplaise aux partisans invétérés du « verre à moitié vide », des progrès dans plusieurs domaines qui lui permettent aujourd’hui, malgré les insuffisances constatées çà et là, de prétendre à un rang plus flatteur sur l’échelle du développement.

Il eut d’abord dans le domaine des droits de l’homme – dont le respect a connu au cours des dernières années un progrès notable – la création de l’Instance Equité et Réconciliation (IER) qui a permis aux Marocains, à travers un sérieux travail de mémoire, de se réconcilier avec leur passé pour mieux se projeter dans l’avenir. L’avenir c’est, sans conteste, le développement économique et social où le Maroc a accusé un retard considérable à cause notamment des années de plomb et du dérèglement éducatif provoqué par l’arabisation des programmes.  Un retard chronique que S.M le Roi Mohammed VI s’est attelé, dès son accession au trône en juillet 1999, à rattraper en lançant plusieurs initiatives visant à résorber le déficit social, mesures parmi lesquelles figure l’initiative nationale de développement humain (INDH), destinée à aider les couches vulnérables, que ce soit dans les villes ou les campagnes, à se prendre en charge à travers le soutien d’activités génératrices de revenus. Sur ce plan,  la réussite est remarquable puisque ce chantier, qui reste perfectible, a permis de faire reculer la pauvreté dans le pays, avant que la pandémie du Covid-19 ne vienne provoquer  une urgence sociale sans précédent en creusant un peu plus les inégalités qui restent flagrantes.

Le véritable défi réside dans la capacité des gouvernants à faire en sorte que les fruits de la croissance économique, dont le taux doit être à deux chiffres, pour que le Royaume prétende réellement au statut de pays émergents, puissent profiter à tous les citoyens, et non pas seulement à une petite minorité. A cet égard, le gouvernement est appelé plus que jamais à  mieux se préparer au monde post-Covid et de la guerre en Ukraine en vue de  positionner le Royaume, fort de sa stabilité politique inestimable et  de sa position stratégique inespérée, pour en faire un hub incontournable des échanges régionaux et un pôle mondial d’investissement dans les industries d’avenir. La prospérité sinon pour tous du moins pour le grand nombre est à ce prix.

C’est en étant conscient de ces atouts non négligeables que le Maroc, sous l’impulsion royale, a consenti de gros efforts dans le domaine des infrastructures notamment portuaires (Tanger Med, Nador West Med en devenir et port Dakhla Atlantique…), ferroviaires (la Ligne à grande vitesse), autoroutières et aussi dans le domaine énergies propres (le complexe Noor).

Objectif : mettre le pays sur les rails du décollage économique en attirant les investisseurs étrangers. La mayonnaise commence à prendre puisque le pays devient désormais la destination privilégiée des constructeurs aussi bien automobiles qu’aéronautiques. Cette ouverture sur la dynamique des délocalisations à haute valeur ajoutée doit impérativement s’accompagner d’une politique volontariste en la matière.

Le but étant d’encourager le « produire local » et réduire le fardeau des importations qui creuse dans des proportions ahurissantes le déficit commercial. L’un des principaux enjeux de l’après Covid est justement d’assurer au Maroc une autonomie stratégique dans des secteurs essentiels et de ne pas rester à la merci de la Chine, comme c’est le cas aujourd’hui, pour son consommable  industriel et technologique. Dans un contexte mondial marqué par l’explosion sans précédent des prix des matières premières sur fond de difficultés d’approvisionnement et d’inflation galopante,  il est salutaire de prendre son destin national en main. Il y va de la sécurité du pays et de son avenir. Les recommandations du rapport sur le nouveau modèle de développement recoupent dans bien des aspects cette nécessité de cesser de sous-traiter aux autres les produits qui exigent un know-how pointu. Devenir une terre inventive  ne se décrète pas.  Cela se construit en tenant le bon bout : l’investissement dans le capital humain et avec en parallèle, pour gagner du temps, la conclusion de partenariats win-win de transfert technologique. L’homme marocain est connu pour son potentiel créatif qu’il utilise hélas pour monter des combines et autres astuces, faute de sa canalisation dans des domaines productifs avec le soutien actif d’un État stratège qui trace un cap industriel ambitieux …    

Tout comme l’assistanat, le sous-développement n’est pas une fatalité. Le  Roi Mohammed VI nourrit de grands desseins pour le royaume et son peuple, ce qu’il n’a de cesse de montrer, depuis son accession au Trône, par le lancement de chantiers d’envergure  et la conclusion  d’accords de partenariat ambitieux comme le mégaprojet du gazoduc Maroc-Nigeria. Au gouvernement de transformer l’essai de la vision royale par le suivi et la mise en œuvre.        

Terre des braves, le Maroc millénaire, debout malgré l’adversité et les coups bas, qui tel un roseau plie mais ne se brise pas, a arraché son indépendance en 1956 au prix de moult sacrifices. L’immense défi consiste aujourd’hui à œuvrer d’arrache-pied en vue d’acquérir son indépendance dans les secteurs-clés, notamment alimentaire, énergétique et industrielle.

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