Le marronnier de chaque saison estivale au Maroc est le tourisme domestique et les prix jugés excessivement élevés pratiqués par les hôtels.
Cela fait plusieurs années que ce sujet revient au-devant la scène sur fond de plaintes du touriste local qui crie au scandale. Sans que rien ne soit fait pour remédier à ce problème qui de surcroît n’est pas insoluble. Étant donné que l’architecture de l’industrie marocaine des voyages a été conçue notamment dans sa composante hébergement classée pour le touriste international de séjour (TIS), il suffit juste d’élaborer une offre touristique qui soit adaptée au profil et aux attentes des familles marocaines. La formule idoine en la matière sont sans conteste les appart’hôtels avec salon, chambre pour les parents et une deuxième pour les enfants, dotés de toutes les commodités nécessaires (kitchenette et ustensiles de cuisine, coin vaisselle, linge…).
En somme, tout ce dont a besoin une famille marocaine-type pour se sentir dans son élément pour passer dans son pays natal des vacances agréables et pas chères. Ces meublés du tourisme destinés à la location existent à Agadir, Marrakech ou Tanger mais ils restent très marginaux dans le paysage touristique national toujours dominé par les hôtels et les riads qui sont hors de prix pour le touriste local, même issu de la classe moyenne. Résultat : Ils sont de plus nombreux à céder aux sirènes de l’étranger en passant leurs vacances dans destinations réputées offrant un bon rapport qualité-prix, notamment l’Espagne, la Turquie ou l’Égypte.
Châtiment
Quant au citoyen lambda payé au Smig et rivé en bas de l’échelle, jouer au touriste dans son propre pays pendant quelques semaines de l’année relève encore d’un luxe inaccessible… Du coup, de nombreuses familles issues des couches démunies en sont réduites à recourir au « tourisme chez la famille» en faisant des «descentes», parfois impromptues, chez l’oncle , la sœur ou la cousine habitant à Beni-Mellal, Agadir, Essaouira ou Tétouan…Ce tourisme familial, très intéressant pour la gratuité de l’hébergement et de la restauration, est incommodant pour les maîtres de céans qui doivent se serrer un peu pour faire de la place aux visiteurs de l’été. Ce ne sont pas des vacances, c’est un châtiment.
Conscients de la nécessité impérieuse d’offrir aux touristes nationaux un produit abordable et adapté à leurs habitudes de consommation et de voyages, les promoteurs de la fameuse Vision 2020 avaient pourtant prévu le Plan Biladi lancé en grande pompe par l’ex-ministre de tutelle Adil Douiri en même temps que le plan Azur qui a tourné à la grande imposture. Huit nouvelles zones touristiques intégrées d’une superficie entre 20 et 60 hectares, ont été identifiées dans sept régions comptant parmi les plus fréquentées par le touriste local. Or, sur 8 stations programmées dans le cadre de ce plan figé toujours au stade de vœux pieux, seules deux ont vu le jour, Imi Ouddar à Agadir et Ifrane, les autres de Sidi Abed, Ras El Ma et Benslimane semblent avoir été remisés au rayon des chantiers mort-nés.
On attend toujours la création dans le cadre d’un partenariat public-privé d’une capacité litière minimale de 30.000 lits dont 11.000 en résidences hôtelières horizontales (résidences touristiques aménagées en villages de vacances familiaux) et verticales (résidences touristiques) et 19.000 lits en campings. Plus grave encore, cette situation ne semble pas émouvoir les responsables du secteur, focalisés surtout sur les infrastructures destinées aux touristes étrangers susceptibles d’augmenter les flux touristiques en direction du Maroc.
Bouche-trou
Il ne s’agit après tout que du touriste local que les décideurs ont pris la fâcheuse habitude de caser définitivement dans la rubrique « bouche-trou». Ils ne se rappellent de son existence et à son bon souvenir qu’en période de crise lorsque les touristes internationaux désertent « le plus beau pays du monde » dans des proportions dramatiques. Comme ce fut le cas pendant les deux années de la ravageuse crise sanitaire et lors de la première crise du Golfe au début des années 90. Le touriste du cru est alors sollicité, voire courtisé en appelant de sa part à un «sursaut patriotique» pour assurer la survie des opérateurs nationaux. Le désintérêt envers le tourisme intérieur est d’autant plus incompréhensible que le pays regorge d’attraits riches et multiples (deux belles façades maritimes, arrière-pays enchanteur, paysages fabuleux, désert, neige, montagnes, lacs et rivières…) à faire pâlir de jalousie les pays les moins gâtés par la nature. Est-il à ce point compliqué de créer par exemple deux stations balnéaires (l’une sur la Méditerranée et l’autre sur l’Atlantique) dédiées au tourisme domestique avec un résidentiel aux normes et toutes les commodités autour (supermarchés, snacks, restaurants, marchands de souvenirs, paillottes, cafés, magasins, etc…) ? Autrement dit, un îlot de délassement où il fait bon séjourner en famille aux antipodes du massacre historique de la côte tétouanaise avec ses villas en front de mer et de la prédation immobilière, sous forme de faux complexes touristiques hideux, à l’œuvre dans plusieurs zones du littoral… Finalement, nul n’est touriste dans son pays !