L’OFPPT raconté de l’intérieur

Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences.

L’image renvoyée à l’extérieur par l’OFPPT est contredite par une série de témoignages en interne qui brossent un tableau moins reluisant du fonctionnement de l’établissement public dont le personnel de plusieurs régions affilié à l’UMT a décidé de porter jeudi 2 juin un brassard rouge en guise de protestation contre les agissements du DRH. Le ministre de tutelle osera-t-il secouer le cocotier ?  

L’enquête du Canard Libéré sur l’OFPPT intitulée « L’OFPPT remplit-il son Office » parue dans le numéro du 19 mai a fait délier les langues au sein de l’Office. Mâtinés de colère et d’indignation, plusieurs témoignages rédigés en arabe, truffés de révélations sur les pratiques peu claires prévalant dans les différents centres et instituts régionaux de l’organisme public ont été partagés dans des groupes « OFPPT social », une espèce de canal de l’actualité sombre de l’Office diffusant indiscrétions et non-dits, et qui sert d’exutoire aux bataillons des marginalisés et des sans voix. Le fait même qu’un tel outil existe en dit long sur le malaise social qui règne notamment dans les échelons les moins élevés de la hiérarchie.  

Dans un long post intitulé « le navire OFPPT à la dérive », un membre du groupe dénonce « la plus dangereuse cellule de prévarication » dans l’histoire de l’établissement, allant jusqu’à regretter l’époque de l’ex-directeur général Larbi Bencheikh que bien des cadres trouvaient sévère, voire autoritaire contrairement à sa successeure qui pèche, paraît-il, selon une source interne, par un excès de gentillesse. «Comme Mme Tricha (NDLR, la directrice générale) adore les marques de respect et d’attention, elle s’est fait tailler un entourage grouillant d’obséquieux qui lui font des courbettes », explique notre interlocuteur.  Un responsable est particulièrement pointé du doigt et semble cristalliser le mécontentement général, le directeur des ressources humaines, un poste qu’il occupe depuis l’époque de M. Bencheikh après avoir gravi tous les échelons. D’après les commentaires peu amènes dont il fait l’objet, on devine aisément que l’intéressé est loin d’être populaire dans les rangs du personnel. Comment parler dans ces conditions de capital humain dont se vante le site web de l’Office alors que le patron des RH mène manifestement une politique à rebours d’un bon climat social entre la direction et les salariés, sachant que  la gestion du personnel est un maillon essentiel dans la chaîne de la réussite et du développement d’une entreprise. D’ailleurs, plusieurs fédérations régionales de la Formation professionnelles affiliées à l’UMT (Fès, Beni-Mellal, Souss-Massa, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, Meknès-Azrou-El Hajeb) ont décidé d’initier jeudi 2 juin un mouvement de protestation avec port du brassard rouge dans les différents centres de formation et services administratifs. Les communiqués publiés à cette occasion dénoncent directement la direction de RH qu’ils considèrent comme la principale responsable de la dégradation du climat social dans les diverses centres de formation de l’établissement dans plusieurs régions du pays. Un autre témoignage, posté sous le titre « Les employés de l’Office professionnelle protestent contre la gestion chaotique de leurs salaires et leurs droits », dénonce justement avec force détails les « abus et provocations » qui caractérisent leurs affaires sociales, administratives et matérielles. L’auteur cite une série d’inconduites dont le retard dans le paiement des indemnités de transport, la manière dont elles sont calculées, le non-paiement des heures supplémentaires des formateurs, l’opacité qui entoure les prélèvements sur la retraite complémentaire et d’autres retenues sans préavis ni justificatif jugées abusives… Il y a de quoi se demander la raison pour laquelle Mme tricha n’a pas été tentée, à juste titre d’ailleurs, de changer de DRH. Mystère…  Sauf à considérer que la politique anti-ressources humaines que ce dernier mène lui convient parfaitement,  il est tout de même curieux, voire incompréhensible, que la directrice générale ait renouvelé sa confiance à un responsable important dans la hiérarchie qui fait l’objet  de nombreuses critiques, souvent précises, de la part de plusieurs cadres. Si l’intéressé est considéré au sein de l’entreprise comme l’homme fort de l’OFPPT, un autre post l’a qualifié de « pharaon des ressources humaines », décrivant un système de coterie dont les protagonistes auraient mis l’Office en coupe réglée en se livrant à des pratiques de « mauvaise gouvernance ». Une réaction de la même eau fustige la direction régionale de l’Office de Beni-Mellal-Khénifra dont le responsable est accusé de « marginaliser les compétences et de ne pas respecter les procédures administratives ».  Mme Tricha est-elle au courant de ce qui se passe dans les couloirs et les bureaux de l’Office ?      

A en croire un formateur, la véritable grande réalisation de l’OFPPT depuis que celui-ci a changé de patron c’est le retour en force de tous les directeurs centraux mis au placard par l’ancien directeur général pour indiscipline, insubordination et autres intrigues. « Ce sont eux qui commandent aujourd’hui à l’Office selon un esprit clanique », affirme-t-il.  Et la directrice générale dans tout ça ? « Vivant presque en lévitation dans son monde où elle n’a d’yeux que pour le propre et le clinquant, elle laisse faire du moment  que personne ne vient jamais la contrarier dans les réunions et que les responsables  lui cirent les escarpins tous les jours en la confortant dans ses certitudes d’excellente manager qui maîtrise son sujet », ajoute-t-il, certain que Mme Tricha n’est pas  « du genre  à donner un  coup de balai dans les  départements tentaculaires de l’Office ». En tout cas, il y a, selon toute vraisemblance, matière à secouer le cocotier comme le montrent clairement ces quelques témoignages. Ces derniers brossent en effet un tableau peu reluisant du fonctionnement de l’OFPPT en interne qui tranche avec l’image que les préposés à la com s’évertuent à dessiner à l’extérieur. Cette situation doit normalement interpeller le ministre de l’Inclusion économique, de la Petite Entreprise, de l’Emploi et des Compétences, le très brillant Younès Sekkouri qui depuis sa nomination en octobre 2021 ne s’est pas exprimé sur la Formation professionnelle. Celle-ci serait-elle une citadelle interdite ?

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