Pas de vaccin mais restez seringue !

Khalid Aït Taleb. Une improvisation chronique...

Devant les conseillers de la deuxième Chambre, le Premier ministre s’est défaussé sur les laboratoires Sinopharm et AstraZeneca, histoire de masquer le grand ratage gouvernemental sur la livraison des vaccins anti-covid.  

Le chinois Sinopharm et le britannico-suédois AstraZeneca sont les premiers responsables du grand retard accusé dans la livraison des vaccins anti-covid commandés par le Maroc. Et c’est le Premier ministre Saad Eddine Al Othmani, qui l’a affirmé mardi 19 janvier devant les conseillers dans le cadre de sa prestation mensuelle au Parlement.  Selon le Premier ministre, les deux laboratoires, avec lesquels le pays a pourtant signé des accords commerciaux, ne disposaient pas de suffisamment de stocks pour approvisionner le Royaume. Voilà qui change tout si la version othmanienne correspond à la réalité et reléguerait au rang de balivernes les enregistrements audio émanant de certains experts qui avaient lié le retard dans la livraison du vaccin chinois à leur recommandation de ne pas faire piquer les Marocains avec un « vaccin à base de virus atténué ».

Le fait que Al Othmani cherche à porter le chapeau aux deux laboratoires signe l’échec patent du gouvernement dans la sécurisation des doses de vaccins. La responsabilité gouvernementale est d’autant plus engagée que le Maroc est l’un des premiers pays à avoir signé – c’était le 20 août 2020 – un accord de coopération avec Sinopharm. Le premier volet de cette convention prévoit la participation du Maroc aux essais cliniques de phase III du vaccin (600 volontaires marocains). En contrepartie, et si les résultats s’avèrent concluants, le Royaume aura un accès prioritaire pour dix millions de doses, avant la fin de l’année.

L’accord en question est plus ambitieux puisqu’il fait état aussi d’une présence « stratégique » de Sinopharm au Maroc, avec en plus des essais cliniques, un transfert de technologie et d’expertise, via l’implantation d’unité de production dans la Cité Mohammed-VI Tanger Tech, le fameux projet de ville nouvelle lancé en 2017, au nord du Maroc dimensionné pour accueillir quelque 200 entreprises chinoises. L’objectif à terme étant de « s’ouvrir au Sud et au Nord», selon Nasser Bourita, le ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération africaine, de telle sorte que « le futur vaccin contre la Covid-19 soit accessible à tous, en particulier le continent africain ». Toutes ces promesses, qui avaient généré de l’autosatisfaction nationale à grande échelle, semblent s’être évaporées aujourd’hui. La réalité semble être tout autre, ce qui soulève un tas de questions. La partie chinoise a-t-elle renié ses engagements ou bien s’agit-il effectivement d’un problème de fabrication ? Une chose est sûre : il y a maldonne quelque part et ceux qui connaissent les dessous des cartes font assumer la responsabilité à l’exécutif qui n’a pas à leurs yeux bien verrouillé son contrat avec le laboratoire chinois. « Sinopham a dû certainement profiter de l’amateurisme du ministère de la Santé pour se sentir assez libre de privilégier qui il veut dans l’approvisionnement en vaccin », croit savoir un médecin.

Reculade

Ce qui fait ressurgir le spectre de la spéculation sur les vaccins anti-coronavirus qui avaient sévi sur les masques en plein confinement mondial. Cette situation semble avoir installé sur les vaccins aussi la logique de la vente au plus offrant au détriment de l’éthique. Or, le gouvernement Al Othmani a annoncé avoir commandé 65 millions de doses des vaccins chinois Sinopharm et britannique AstraZeneca, chacun nécessitant deux injections par personne. « Les préparatifs ont atteint des stades très avancés. Des exercices sur le terrain, couvrant toutes les étapes du processus de vaccination des citoyens, ont été mis en place», a expliqué encore récemment le ministre de la Santé Khalid Aït Taleb, dans un communiqué. Plus les jours passent sans que les vaccins arrivent comme prévu, plus l’affaire tourne au feuilleton en dégageant les relents du scandale. Car pendant que de nombreux pays occidentaux et arabes ont lancé leurs campagnes de vaccination de leurs populations, le Maroc en est réduit à rester dans le domaine de l’aléatoire avec des responsables qui se sont mis eux-mêmes en porte-à-faux avec plusieurs calendriers des piqûres annoncés à l’avance. De report en report, de reculade en rétropédalage, le gouvernement de plus en plus en difficulté a décidé de ne plus donner de date du démarrage des injections. Depuis quelques semaines, le gouvernement ne parle plus du vaccin chinois, sans expliquer pourquoi. Place désormais au produit de AstraZeneca dont la livraison de la première la commande, en vertu d’un accord signé le 18 septembre par M. Aït Taleb avec le représentant du laboratoire en question, a été annoncée pour samedi 16 janvier avant qu’un nouveau report ne soit annoncé… Visiblement, les Marocains, confrontés pourtant à l’arrivée du variant britannique du Covid, doivent encore prendre leur mal en patience dans un dossier de santé nationale où le gouvernement semble bel et bien avoir perdu la main. Circulez, il n’y a rien à prévoir… Mais restez seringue !

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