S’il ya un prédicateur que la France ne devrait jamais expulser c’est bien Hassan Iquioussen. Mais le profil de l’homme, qui défend un islam éclairé et prône le respect des lois de la république, fait curieusement peur au pouvoir… Décryptage.
Le ministre français de l’Intérieur d’origine Harki Gérald Moussa Darmanin a fini par avoir la peau de Hassan Iquioussen : son expulsion de France grâce à un arrêté du Conseil d’Etat en date du 30 août pour ses anciens prêches « contraires aux valeurs de la république ». Ce que démentent les propos de l’intéressé qui sont clairement en phase avec les valeurs et les lois de la république.
Le jugement du Conseil d’État est venu casser celui du tribunal administratif. S’il a reconnu que M. Iquioussen a défendu une vision «rétrograde de la place de la femme dans la société française », cette juridiction a rejeté en revanche les propos antisémites, antirépublicains ou encore complotistes prêtés à l’accusé tout en considérant que son expulsion serait « une atteinte grave et manifestement disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale ».
Mais le Conseil d’État n’a pas tenu compte des arguments de bon sens du tribunal, préférant se ranger derrière la volonté du locataire de la place Beauvau, ce qui a fait déplorer à l’avocate de l’expulsé « un État de droit affaibli » et « un contexte alarmant de pression de l’exécutif sur le judiciaire».
Mais l’imam, injustement stigmatisé, n’a pas attendu tranquillement chez lui à Lourches (Nord du pays) l’arrivée des policiers (qui étaient en planque non loin de sa ferme) pour y être cueilli comme un malfrat résigné.
La veille de son interpellation, il réussit à se faire la belle, au nez et à la barbe d’une équipe policière venue spécialement de Paris, à bord d’une voiture immatriculée en Belgique. Depuis, les spéculations vont bon train sur sa nouvelle destination: Belgique ? Turquie ? Ce qui est certain, c’est que le religieux n’est réapparu nulle part, alimentant les spéculations sur le pays qui a pu l’accueillir, sachant que le Maroc dont il est originaire a suspendu le 31 août-soit le jour même de l’annonce de la décision de son expulsion – le laissez- passer consulaire permettant son expulsion…En faisant marche arrière, les autorités marocaines ont visiblement rectifié le tir, l’intéressé étant né en France et n’entretient presque pas d’attaches avec sa terre natale qu’il dû visiter à deux ou trois fois tout au long de sa vie…
C’est que Iquioussen qui a vu le jour à Denain en France en 1958 est un homme qui se considère comme Français et assume sans complexes la citoyenneté de son pays natal en bonne musulman tolérant et respectueux de lois de la république. Pur produit de la France où il a grandi et étudié, il aurait pu être Français- et par conséquent à l’abri d’une mesure de refoulement – si son père ne l’avait pas dissuadé à sa majorité de faire la demande de la nationalité française, ce qui l’a obligé de solliciter à chaque fois des cartes de séjour de 10 ans pour rester en France.
La machine anti-Iquioussen s’est mise en branle puisqu’un avis d’expulsion lui sera notifié le 3 mai dernier après le refus de renouveler son titre de séjour. En juillet de la même année sera adoptée la loi contre le « séparatisme » rebaptisée « loi confortant le respect des principes de la République » perçue par les musulmans de France comme une attaque dirigée contre eux et que le patron des Insoumis Jean-Luc Mélenchon a qualifié de « bouillie d’amalgames » lors de son examen par l’Assemblée nationale. « Cette islamophobie rampante fait le jeu de l’extrême droite dont le gouvernement de Macron adopte de plus en plus les positions radicales», fait remarquer un observateur maghrébin de la scène politique locale…
Amende honorable
Mais au fait, que reprochent au juste les autorités françaises à Hassan Iquioussen ? Des propos antisémites et des discours jugées rétrogrades sur la femme tenus il y a longtemps et pour lesquels il s’est excusé ! « Le peuple juif est ingrat et a besoin d’être régulièrement rappelé à l’ordre», avait-il déclaré lors d’une conférence tout en évoquant l’existence d’un « complot international et millénaire», avec une connivence entre Hitler et les juifs d’Europe pour offrir la Palestine aux juifs. Ce qui peut être considéré objectivement comme un point de vue exprimé dans « le pays de liberté d’expression et de pensée » et non un délit gravissime, lui a valu tout de même une plainte pour provocation à la haine raciale qui sera d’ailleurs classée sans suite alors qu’il s’en est excusée publiquement. Ce qu’il convient de bien souligner c’est que M. Iquioussen a fait amende honorable sans jamais récidiver pour des paroles prononcées en 2004 ! Et c’est 18 ans et plusieurs ministres de l’Intérieur plus tard que ce qui ressemble à une non-affaire sera déterrée et remise au goût du jour pour tenter d’en faire une affaire d’État ou ne sait quel symbole . Pour quelle raison (inavouée) ? s’interrogent ses soutiens en France.
L’acharnement politico-judiciaire sur Hassan Iquioussen est franchement troublant.
Le profil de ce dernier est à rebrousse-poil de l’image du prédicateur musulman dangereux que M. Gerald Moussa Darmanin a cherché à dépeindre devant les députés. A l’inverse de ses affirmations, M. Iquioussen, fort d’une large audience sur les réseaux sociaux, défend le mariage civil, prône l’égalité homme-femmes, a condamné les attentats ayant visé la France et la Belgique et ne stigmatise pas les homosexuels (voir vidéo).
Il faut être aveugle et sourd pour ne pas voir qu’il est plutôt moderne (Costume-cravate, barbe finement ciselée et visage sympathique) et ne pas entendre que ses prêches à caractère éducatif délivrés en très bon français sont un appel à la tolérance et au respect des lois de la république et du vivre-ensemble. Dans l’un de ses prêches, il a conseillé aux jeunes maghrébins issus de l’immigration de brandir le drapeau français et non celui de leur pays d’origine lors des victoires du Onze de France pour exprimer leur joie et cesser de vivre cette « dichotomie » identitaire. « Soyez Français et assumez votre identité française », leur lance-t-il sur le ton de la conviction, avant d’ajouter : « Construisez votre société et améliorez-là », en affirmant qu’il n’ y a aucun mal à « aimer un non-musulman car « il y a des « non-musulmans aimables et (…) « au niveau comportement meilleurs que des musulmans ».
Imam éclairé
Dans une autre conférence, M. Iquioussen recommande à son auditoire musulman de ne pas hésiter à inviter chez lui ses voisins d’autres confessions pour « passer avec eux deux ou trois heures dans l’échange et le dialogue, la bonté et l’hospitalité».
« Vous allez voir que toutes les tentatives de « diabolisation d’une partie de la société française, vous musulmans », véhiculées dans les médias vont «fondre au soleil de votre bonté et gentillesse », fait-il remarquer, le regard espiègle. On n’expulse pas un homme qui plaide pour l’intégration des musulmans de France et leur demande de créer des liens de convivialité avec les Français de confession chrétienne ou juive…Troublant, non ?
Comment est-il concevable de chasser de son pays natal qu’il dit aimer même s’il n’en a pas la nationalité un homme qui se réclame publiquement de « l’islam du juste milieu qui prône la tolérance et le respect des autres » ? On a en effet du mal à appréhender les véritables ressorts de l’expulsion de cet imam éclairé qui défend à partir de son identité franco-musulmane qu’il vit en parfaite symbiose avec les valeurs de la république française (égalité, fraternité et liberté)… Un prédicateur qui exhorte avec les accents de la sincérité ses concitoyens musulmans de faire vivre ces valeurs au quotidien dans leur rapports avec leurs compatriotes d’autres confessions doit être en principe très désirable dans un pays travaillé par les démons de la haine, de la xénophobie et de la peur de l’étranger…
« En principe, la France doit être fière d’avoir produit un prédicateur musulman de cette qualité, ouvert et tolérant, dont le profil tranche avec celui de ces prêcheurs qui font dans les mosquées et sur les réseau sociaux la promotion d’un islam rigoriste souvent par inculture et méconnaissance de l’essence du message islamique », explique un proche de l’imam. Il est vrai que Hassan Iquioussen est un prédicateur qui dénote dans le paysage. Érudit, à l’esprit éclairé, ouvert et intelligent, il a, en plus de sa maîtrise de la religion et ses préceptes, un autre atout en main, sa connaissance de la France et de sa culture. Homme en paix avec lui-même, il véhicule la vraie image de l’islam, loin des stéréotypes habituels véhiculés par les médias, en recommandant à ses compatriotes musulmans d’agir en terre française en conformité avec l’esprit de l’islam qui est amour, tolérance, paix et respect.
C’est ce qui dérange probablement chez lui les milieux qui trouvent manifestement que son discours qui célèbre la fraternité entre toutes les composantes de la société française relève du politiquement et religieusement incorrect, voire dangereux… Paradoxal, non ? De quoi l’expulsion de Hassan Iquioussen est-elle le symbole ? Qui est vraiment visé à travers son expulsion ? L’homme ou ce qu’il représente pour des bataillons de jeunes musulmans de France…
Ainsi parlait Hassan Iquioussen…
« Je devrais avoir la Légion d’honneur, je suis le seul à éduquer les musulmans dans le respect de la citoyenneté », a lancé Hassan Iquioussen le mercredi 22 juin 2022 devant la commission des expulsions du tribunal judiciaire de Lille ». Ses paroles et ses prises de position en public le qualifient même à devenir un excellent ministre des banlieues et même plus. Jugez-en :
« La France est un beau pays, l’un des plus beaux pays où il fait bon vivre, la preuve il y a beaucoup qui veulent s’y installer et la preuve on est bien chez nous ».
« Nos parents ont construit la France et nous n’avons pas le droit de la détruire et la laisser se faner ».
« Il serait bien que les mosquées de France fassent une collecte pour participer à la réfection de Notre-Dame ».
« La liberté est un principe fondamental, inaliénable, un droit et nous musulmans nous croyons que les êtres humains sont nés libres et Dieu les a créés libres et que personne ne peut les forcer à abandonner leur religion ou adopter une autre religion (…) ». Un homme qui déclare sa flamme à la cathédrale de Paris victime d’un incendie en avril 2019 mérite-t-il en guise de remerciements d’être brûlé ?