Rejetées par la France et autorisées par le Maroc, les pilules du laboratoire américain Merck ne sont pas comme le prétend son fabricant, un excellent miracle contre les formes bénignes du Covid… Bien au contraire. Explications.
Du ministre de la Santé Khalid Aït Taleb à la détectrice du Médicament et de la Pharmacie Bouchra Meddah qui a refait surface après une longue éclipse, les autorités sanitaires marocaines se félicitent publiquement du feu vert qu’elles ont donné pour l’usage d’urgence du « Molnupiravir » pour soigner le Covid-19. Avec cette autorisation, le royaume a fait son entrée au club fermé des premiers pays au monde à approuver cet antiviral du laboratoire américain Merck, se sont-ils vantés dans les médias comme s’il s’agissait d’un véritable exploit a priori difficilement réalisable. Quel coup de maître ! Sincères félicitations. Standing ovation !
Commercialisées sous le nom de Lagevrio dans les pharmacies marocaines, ces pilules qui coûtent la peau des fesses (900 DH la boîte) permettent, selon leur fabricant, de soigner « des formes légères à modérées du Covid-19 chez les adultes ayant un test de diagnostic positif au SARS-CoV-2 et qui présentent au moins un facteur de risque de développer une forme sévère de la maladie». Or, ce médicament n’a pas pu obtenir l’avis positif de nombreux pays. A commencer par la France qui représente traditionnellement pour bien des responsables du cru la vigie et le modèle à suivre et même à copier, côté décisions et lois mais jamais ce qui marche… A force d’anticiper à chaque fois en forçant même sur la dose au nom de la lutte contre le Covid (fermeture des frontières depuis plus de deux mois…), Aït Taleb et compagnie auraient-ils chopé le virus de la grosse tête ?
S’appuyant sur un avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament, qui a jugé que « l’efficacité et la sécurité de ce médicament étaient présumées dans une indication restreinte par rapport à celle revendiquée par le laboratoire », la Haute Autorité de la Santé (HAS) a estimé, dans un avis rendu le 10 décembre, que Lagevrio ne remplissait pas les critères nécessaires pour obtenir cette autorisation.
Dans un communiqué, le ministère français de la Santé, qui avait annoncé fin octobre avoir lancé une précommande de 50.000 doses du traitement, dit prendre acte de cette décision. La HAS explique que les résultats d’efficacité avancés par le laboratoire fabricant (Merck) sont moins bons que ceux des traitements disponibles : 30% de réduction des risques de progression vers la forme grave de la Covid-19 (selon l’étude MOVe-OUT) alors que l’efficacité pour les anticorps monoclonaux casirivimab-imdevimab est d’environ 80% sur ce même critère. A cela s’ajoute une « discordance importante entre les données recueillies sur la première période de l’étude et celles recueillies sur la deuxième période». La HAS est allée jusqu’à considérer que « l’accès à Lagevrio en ville risquerait d’induire une perte de chance pour les patients, qui ne se verraient pas traités par un traitement plus efficace, le Ronapreve ». Ce dernier, nom commercial d’un traitement associant deux anticorps monoclonaux, casirivimab et imdevimab (Roche), a été autorisé en août par la même instance sanitaire.
Raisons objectives
Du coup, une question se pose d’elle-même ? Qui a donné le feu vert à la commercialisation du traitement de Merck et sur quelle base ? La direction du Médicament et de la Pharmacie, censée délivrer l’autorisation de mise sur le marché des pilules américaines en toute indépendance, a dit oui « après plusieurs mois de négociations avec le laboratoire américain », selon un membre du Comité scientifique et technique. Pas au terme de plusieurs mois d’étude du nouveau traitement ? !
La Grande Bretagne est le premier pays à avoir autorisé la commercialisation du « Molnupiravir » en annonçant le 20 octobre dernier en avoir commandé 480.000 doses.
Mais le pays de Boris Johnson, confronté à des taux de contaminations au Covid les plus élevés au monde avec une saturation jusqu’à ce jour des services hospitaliers, a des raisons objectives d’acheter ce médicament présenté comme un remède miracle. Pourquoi Aït Taleb et ses amis ont-ils besoin de faire entrer le « Molnupiravir » au Maroc alors que les indicateurs sanitaires nationaux (taux de mortalité, formes graves contaminations et occupations des lits…) sont beaucoup moins préoccupants ? Mais où est alors l’urgence d’autoriser un tel traitement autorisé justement pour un «usage d’urgence » ? La contradiction est aussi énorme qu’un lit d’hôpital… Comment justifier un tel choix qui ne s’impose guère a priori ? Désir urgent de lancer des marchés qui marchent ou forme urgemment grave de « l’anticipationite » ?