Il va sans dire qu’une agriculture durable et performante est tributaire de son degré de résilience aux changements climatiques que nous vivons au Maroc dans toute leur complexité. Rareté et retards des précipitations, décalage des saisons, vagues de chaleurs fréquentes en sont les principales manifestations.
C’est dire que la thématique de l’édition 2024 du SIAM, «Pour des systèmes de production durables et résilients », est d’un intérêt fondamental pour un pays agricole à revenu intermédiaire comme le Maroc confronté principalement au stress hydrique dont les conséquences sont pénalisantes à plus d’un titre. Une situation très contraignante qui induit une équation complexe : comment réduire la consommation en eau tout en produisant plus afin d’assurer la sécurité alimentaire nationale et maintenir la vocation exportatrice du secteur. A la lumière de ces défis majeurs, la durabilité des pratiques de production agricole, qui n’est pas seulement affaire de solutions technologiques innovantes, devient un enjeu stratégique, voire existentiel. Surtout si l’on sait que d’ici 2050, la demande alimentaire mondiale devrait augmenter entre 59 et 98 %. Ce qui pose la question de savoir comment produire plus tout en améliorant la résilience des systèmes de production agricoles. Pour le Maroc, le défi est clair : comment satisfaire une demande agricole en forte hausse et nourrir une population croissante alors que les ressources en eau sont en baisse continue. Or, cette réduction drastique de la pluviométrie s’est traduite au cours des dernières années par de mauvaises récoltes principalement dans la filière céréalière. Pour la saison en cours, le Maroc a annoncé, par la voix du patron de l’ONICL, son intention d’importer près de 10 millions de tonnes de céréales du fait de la baisse de la production nationale en blé dur, tendre, maïs et orge, qui enregistre son plus bas niveau historique depuis 1981.
Rectifier le tir et inverser la donne suppose une véritable politique de transformation du monde rural qui ne relève pas seulement des prérogatives du ministère de l’Agriculture.
Le recours massif aux importations pour assurer le pain à la population marocaine a de quoi interroger, mettant quelque part en lumière les ratages de la politique agricole nationale du fait de sa grande dépendance du ciel. Mais est-ce une fatalité que la culture céréalière qui représente près de 70% de l’activité agricole fasse toujours partie des impondérables? N’aurait-il pas été plus sensé et rentable de se donner les moyens pour investir très tôt dans les systèmes d’irrigation et de transfert d’eau pour sécuriser à l’avance, qu’il pleuve ou pas, les 60 ou 80 millions de quintaux en les sortant de l’aléa climatique ? De cette manière, on évitera au pays cette énorme incertitude qui pèse sur le PIB agricole qui reste fortement corrélé au taux de croissance et l’achat massif du blé russe, américain ou ukrainien. La crise sanitaire et la guerre en Ukraine, qui ont provoqué une hausse record des prix du blé en raison de la rareté de cette matière vitale, sont venus rappeler brutalement l’importance des questions agricoles et alimentaires et l’inanité du raisonnement de ceux qui ont relégué au second plan, voire dédaigné la culture céréalière confine dans la zones bour au profit des produits dits à haute valeur ajoutée adossés à l’irrigation comme l’olivier, le caroubier, avocat, fruits rouges et autres figues de barbarie très prisés à l’export. Ce n’est pas seulement l’impératif alimentaire qui est à l’origine de l’amenuisement des ressources hydriques y compris des nappes phréatiques. L’appât du gain a engendré de nombreux excès notamment l’usage peu soutenable des ressources.
L’accroissement des tensions géopolitiques devrait inciter les décideurs à réviser bien de leurs postulats pour une réorientation des priorités dans le sens qui renforce la souveraineté alimentaire du Royaume. Rectifier le tir et inverser la donne suppose une véritable politique de transformation du monde rural qui ne relève pas seulement des prérogatives du ministère de l’Agriculture. Il s’agit pour les différents départements concernés d’élaborer un plan de développement ambitieux pour le monde rural. Objectif : permettre, parallèlement à une réhabilitation de la filière céréalière par une sécurisation durable via des ouvrages d’irrigation modernes, à la communauté paysanne qui dépend pour sa survie de la générosité du ciel, qu’il pleuve ou pas, l’accès à des revenus stables et durables qui ne doivent pas être nécessairement à caractère agricole. L’agro-alimentaire et le tourisme vert peuvent parfaitement être un excellent levier de cette transformation vertueuse.