Le Maroc a besoin d’importer un million de têtes pour stabiliser les prix des moutons en prévision des célébrations de l’Aïd Al Adha. Mais encore faut-il les trouver. Explications.
L’affaire juteuse de la saison c’est évidemment l’importation des moutons en prévision de la fête du sacrifice même si le cheptel national, composé de 5,5 millions de têtes, peut couvrir les besoins du rite. Mais par souci de stabiliser les prix pour que la hausse reste limitée entre 15 et 20% par rapport à l’année dernière et permettre à la population de faire sa fête au mouton, le ministère de l’Agriculture s’est avisé de prendre le mouton par les cornes en lançant un programme d’importation d’un million de têtes. L’importation est libre. Il suffit juste de poser un dossier d’importation auprès de la direction du développement des filières de production. Seule condition : Fiche sanitaire du cheptel nickel et arrivée au Maroc dans de bonnes conditions.
En guise de motivation des importateurs des animaux vivants, il a été décidé, en plus de la facilitation des procédures d’importation, de leur octroyer une subvention de 500 DH par bélier ( elle était initialement de 300 Dh avant d’être revue à la hausse il y a quelques jours ! ), soit un total de 500 millions de DH. De quoi faire saliver les profiteurs de la crise du cheptel national provoquée par la sécheresse, la flambée des prix du fourrage et la multiplication des intermédiaires. Et le petit fellah du cru, il ne mérite pas de toucher un petit chouïa de ces subsides mirobolants ? Après les bovins du Brésil, place désormais, aux ovins européens! Excités par les marges assez substantielles de l’opération, les «chennaqas » de tout le pays sont entrés dans la danse depuis quelques semaines pour dénicher de bons ruminants de race.
Prix compétitifs
Or, trouver une marchandise de qualité qui correspond aux exigences du consommateur marocain s’avère un véritable casse-tête. Principale condition, il faut que la bête ait des cornes, enroulées de préférence, pour impressionner le voisin, sinon elle ne trouvera pas preneur au Maroc. Ce qui limite les opportunités dans un secteur dominé par des moutons sans cornes.
C’est donc un avis de recherche international qu’il faut lancer afin de se dégoter les bêtes qui taperont dans l’œil du Marocain lambda. Ce n’est pas la seule gageure. Le grand problème c’est la rareté de l’offre dans ce marché qui connaît surtout pendant cette période exceptionnelle de fortes tensions en raison d’une demande considérable. Parmi les principaux importateurs figure l’Arabie Saoudite qui, en prévision des célébrations de l’Aïd Al Adha, achète de l’étranger-auprès essentiellement de l’Australie- près de 6 millions de têtes de moutons. Ce pays-continent, préférant dealer avec cette richissime monarchie du Golfe qui ne chipote pas, est inaccessible pour les importateurs marocains. Du coup, ces derniers se sont tournés vers les pays voisins, principalement l’Espagne. La mobilisation bat son plein pour y dénicher du bon cheptel à des prix compétitifs. Ces derniers le sont au-delà des attentes : 750 DH pièce pour une bête de 50 kg issue de la race Mérinos. En plus de la modicité de son prix, cette espèce de petite taille, élevée principalement pour sa laine (voir encadré) dont quelques milliers de têtes ont déjà foulé le sol national, présente un autre avantage : une certaine similitude avec certaines races ovines marocaines. Ce qui permet aux moutons Mérinos de fondre facilement dans le cheptel du cru. Reste à savoir si sa chair est aussi délicieuse que celles des races du Sardi, Bergui ou Beni Guil. Ce qui est une autre histoire.
Ce sont les Marocains d’Espagne qui sont actionnés par leurs connaissances au Maroc pour acheter tout ce qu’ils trouvent comme moutons correspondant aux exigences du marché national. Du coup, des connexions se forment pour étendre le périmètre de recherche au-delà de l’Espagne. Les éleveurs issus des pays comme le Portugal, la France, la Roumanie et la Pologne sont également approchés. Une aubaine pour les détenteurs du cash. Tout le monde se frotte les mains. Un million de moutons importés c’est un transfert d’argent à raison de 1.000 DH par tête de près d’un milliard de DH dans le secteur agricole étranger. L’élevage national est-il entré dans une période de vaches maigres ?
Mérinos, la laine d’abord…
Souvent mélangée avec du cachemire, de l’alpaga ou de la soie, la laine du mouton Mérinos est très recherchée par de nombreuses industries. En raison de sa texture douce et souple, elle a la réputation d’être antibactérienne. Ce qui fait de l’élevage de la race Mérinos (agneaux ou brebis) un excellent business. Chaque mouton produit chaque année entre 3 à 6 kilos de laine. Initialement, cette race vivait en Asie Mineure avant qu’elle ne soit introduite en Espagne. Aujourd’hui les moutons Mérinos sont élevés principalement en Nouvelle-Zélande, en Argentine, en Afrique du sud, en Uruguay, dans l’ouest des Etats-Unis, en Australie mais aussi en France. Les moutons Mérinos se développent dans les climats tempérés et les riches pâturages. Le Mérinos présente aussi un intérêt pour la filière de la boucherie en raison de sa chair réputée tendre et savoureuse. Cette race se distingue aussi par sa résistance. Le mouton Mérinos peut en effet marcher sur de longues distances, notamment en alpage.