Station balnéaire Mogador : Pourquoi les Sawiris jettent leur dévolu sur Essaouira

C’est l’une des stations balnéaires inachevées du fameux et néanmoins fumeux plan Azur de Adil Douiri qui vient de faire de nouveau l’actualité, la société d’aménagement d’Essaouira Mogador (Saemog). Éclairage.

Ahmed Zoubaïr

Ce chantier n’arrête pas d’être relancé sans être complètement achevé malgré la succession à sa tête depuis le début des années 2000 d’une kyrielle de directeurs généraux dont un certain Amyn Alami (entre 2006 et 2012), co-fondateur avec Adil Douiri, devenu entre temps ministre du Tourisme (202-2007), de la banque CFG. Le dernier communiqué du Conseil de la concurrence, en date du 5 décembre, fait état du projet de rachat de la société par un consortium étranger, à travers l’acquisition de 100% du capital social et des droits de vote associés.

Dirigé par le milliardaire égyptien Samih Sawiris (cadet des frères Naguib et Nassef, 8 et 5 e place du classement Forbes des fortunes africaines), ce regroupement est composé, en plus de l’entreprise du chef de file « Orascom Investments LLC », des sociétés «Al Nowais Investments LLC» et «Eastern Investment LTD», toutes domiciliées aux Emirats-arabes unies, qui ont la réputation d’être un paradis fiscal. Aux côtés des trois enseignes figure une personne physique qui n’est que le frère du leader de cette opération : Samih Onsi Naguib Sawiris », installé aussi à Dubaï, aux Emirats Arabes Unis, qui se présente comme « l’actionnaire de référence et bénéficiaire ultime de la société Orascom Development & Management, société de droit suisse active dans le secteur de l’immobilier ».Le même investissement touristique en panne a fait l’objet d’un mémorandum d’entente et d’une signature officielle le mercredi 22 février 2023. Les signataires côté marocain sont la ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire Fatim-Zahra Ammor, son ex- collègue de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des politiques publiques Mohcine Jazouli, les responsables de la société d’ingénierie touristique (SMIT) et de l’agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE). La partie marocaine a conclu ce mémorandum avec un consortium dont le chef de file est le même Samih Sawiris mais avec un tour de table légèrement différent de celui annoncé par le Conseil de la concurrence : Besix et Sunrise Resorts & Cruises, figurant dans la configuration initiale, ont disparu de la dernière, remplacés par de nouveaux investisseurs.

Le montant de l’investissement promis par Samiris et consorts dans la première version est de 4 milliards de DH, 4000 emplois et une capacité de 2000 lits supplémentaires sur Essaouira. 

Vœu pieux

Les composantes du projet promises, la rénovation de l’hôtel Sofitel Golf sous une nouvelle enseigne luxe, la transformation du club house en boutique hôtel, l’aménagement d’une aire commerciale et un pôle de loisirs, une gamme de projets immobiliers haut standing (Une centaine de villas) et last but not least la construction d’un club Med 5 trident…Ce qu’il faut pour donner une taille critique à la station longtemps à la traîne et renforcer la visibilité internationale d’Essaouira dont les atouts sont à la fois balnéaires et culturels. Que vaut l’engagement des Sawiris pour la station de Mogador? « Je pense que c’est du sérieux cette fois compte tenu des garanties, suisse et émiratie», s’enthousiasme un professionnel du tourisme national.

Or, le magnat égyptien a ceci de particulier qu’il n’a encore démarré aucun projet au Maroc alors qu’il était attendu depuis des années sur l’aménagement de Oued Chbika à Tan Tan resté figé au stade de vœu pieux. Une station dont le développement avait fait pourtant l’objet d’une convention d’investissement dès 2007 entre l’État marocain et le groupe Orascom. Un premier planning avait été fixé pour 2015, prévoyant la construction de 8 établissements hôteliers 4 et 5 étoiles d’une capacité de 2500 chambres, tandis que la partie résidentielle faisait état de près de 2000 unités entre villas, riads et appartements, un parcours de golf, un port de plaisance, un complexe d’artisanat et des espaces de loisirs et de restauration. Rien de tout cela n’ayant été réalisé, Oued Chbika, dont l’Égyptien contrôle le foncier, a rejoint le reste des stations virtuelles du Plan Azur. Accusant la crise financière des années 2007-2008 et les attentats de Marrakech d’avril 2011 d’être à l’enlisement du projet, M. Sawiris reviendra plus tard à la charge avec la promesse que le voyagiste allemand FTI dont Orascom détient 30% du capital relancent ce chantier mort-né en partenariat avec des opérateurs hôteliers nationaux. On attend toujours… Or, FTI, considéré comme le 3ème voyagiste a l’échelle européenne, a déposé le bilan en juin 2024, après la faillite de la société mère FTI Touristik GmbH (4,1 milliards de chiffre d’affaires) en 2022-2023 et 11.000 salariés dans le monde). Un coup de tonnerre dans l’industrie du voyage européenne, cinq ans après la faillite de Thomas Cook. 

Ce dépôt de bilan troublant serait le résultat de l’affaiblissement de FTI en raison de la crise sanitaire. Le groupe a pourtant reçu une aide publique d’un montant de 595 millions d’euros du Fonds de stabilisation économique (FSE). Mais seuls quelques dizaines de millions sur cette subvention auraient été remboursés à ce jour, suscitant l’ire des TO concurrents TUI et DER Touristik. Résultat : le gouvernement fédéral a refusé d’apporter une aide supplémentaire au TO pour le remettre à flot. A la lumière du profil du milliardaire égyptien, les observateurs avisés de l’industrie touristique nationale s’interrogent sur les véritables intentions de Samih Sawiris et l’objectif réel qu’il cherche à atteindre en rachetant la station inachevée balnéaire d’Essaouira. En clair, il convient de savoir s’il agit en véritable aménageur-développeur avec une vision de vrai partenaire pour le Resort ou en spéculateur foncier et financier qui cherche à faire une plus-value…

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