Depuis quelques semaines, une crise interne dont l’issue est incertaine secoue l’Istiqlal. A la manœuvre, le patron de fait du parti et seigneur du Sahara Hamdi Ould Errachid qui cherche à renforcer son emprise sur le parti et ses instances dirigeantes.
C’est lui qui est à l’origine de deux propositions de réforme du fonctionnement des instances istiqlaliennes, entérinées lors d’un conclave qu’il a organisé autour de ses partisans à Harhoura dans la région de Rabat.
La première résolution vise à interdire à l’avenir aux députés et aux conseillers parlementaires ainsi qu’aux inspecteurs du parti et membres des organisations parallèles de siéger ès-qualités au Conseil national. Ce qui n’est pas du goût des intéressés qui sont décidés à la bloquer de toutes leurs forces. La deuxième résolution, elle, est dirigée contre les représentants du parti dans les régions. Elle vise à les empêcher de siéger également ès qualité dans le même Conseil national.
C’est par un communiqué diffusé, le vendredi 27 mai, au nom de l’Istiqlal alors qu’il a été rédigé en fait par Ould Errachid et ses fidèles au terme de leur « retraite d’étude» à Harhoura, organisée dans le dos du secrétaire général Nizar Baraka, confiné malgré lui pour cause de Covid.
Dans un communiqué, diffusé le vendredi 27 mai, au nom de l’Istiqlal alors qu’il a été rédigé en fait par Ould Errachid et ses fidèles au terme de leur « retraite d’étude » à Harhoura, organisée dans le dos du secrétaire général Nizar Baraka, confiné malgré lui pour cause de Covid, on apprend que le comité exécutif a concocté un rapport détaillé élaboré par une sous-commission, composée de membres du comité exécutif, sur un projet d’amendement des statuts du parti qui fera l’objet d’un vote lors d’un prochain congrès extraordinaire. Dont aucune date de la tenue n’a été avancée…
Le projet de réforme vise officiellement à réduire le nombre des membres dans le Conseil national statutairement composé de 527 membres élus par les congrès régionaux, 440 membres issus des organisations parallèles et autres « Alliances professionnelles », les membres du comité de la présidence, les membres (sortants) du comité central, les ex-membres du comité exécutif, les inspecteurs du parti et les parlementaires…
Il est vrai que l’Istiqlal a souvent été critiqué sur la composition pléthorique de son parlement qui remonte à la période de sa fondation. Une réorganisation de cette instance dans le sens de la souplesse et de la visibilité est a priori la bienvenue. Sauf que l’initiative de Ould Errachid et ses amis cache des arrière-pensées. Le nabab du Sahara cherche à travers l’opération de dégraissage du Conseil national dont la composition actuelle ne lui est pas totalement acquise à en prendre le contrôle total. L’objectif est inavoué. Il s’agit de border Nizar Baraka en tant que patron du Comité exécutif en l’empêchant de prendre tout seul pratiquement les décisions stratégiques engageant le parti, à l’image de la participation ou non au gouvernement et le choix des candidats à la ministrabilité. Les dernières tractations qui ont permis le retour de l’Istiqlal au pouvoir après plusieurs années d’opposition ont fait grincer bien des dents jusque dans le camp des soutiens de M. Baraka. Celui-ci a été accusé d’avoir donné son imprimatur à l’entrée dans le gouvernement Akhannouch à des ministres qui n’ont rien à voir avec l’Istiqlal et que les militants ne connaissent ni d’Ève ni d’Adan. C’est le cas de tous les titulaires des portefeuilles au nom du parti, sauf le chef Nizar Baraka, qui est le seul istiqlalien du groupe ! Cette affaire a laissé des traces profondes après avoir suscité sur le moment une fronde dans les rangs des ténors du parti. A l’image du chef du groupe parlementaire, Noureddine Mediane, dont la députation a été récemment invalidée par la cour constitutionnelle qui s’estime avoir été trahi lui et ses amis par le petit-fils de Allal El Fassi. Ceux qui connaissent les dessous des cartes savent que Nizar Baraka s’est laissé imposer sans opposer la moindre résistance des ministres en dehors de la sphère istiqlalienne en contrepartie de son entrée au gouvernement.
C’est sur ce terreau de la contestation anti-Nizar – où l’intéressé a perdu le peu d’estime dont il jouissait jusque-là selon un ex proche – qu’a prospéré l’idée de réforme des statuts du parti visant à réduire son poids dans la prise des décisions politiquement stratégiques au profit de Hamdi Ould Errachid et ses partisans. Une initiative qui a peu de chances de passer comme une lettre à la poste car porteuse de divisions. Elle s’est heurtée au rejet des parlementaires, députés et conseillers, les puissants inspecteurs du parti, les dirigeants des organisations parallèles comme la Jeunesse du parti et l’Alliance des Économistes istiqlaliens qui sont vent debout contre le projet de réforme incriminé, tout en appelant à la « défense de l’institution du secrétaire général » et non pas de Nizar Baraka. La nuance est de taille.
C’est un Nizar Baraka, fragilisé et en mal d’ascendant sur ses troupes, qui a tenté, lors d’une réunion, organisée lundi 13 juin, avec les membres des groupes parlementaires, de calmer les esprits et d’éteindre le feu de la contestation.
Nizar est conscient que ces dissensions internes risquent de rejaillir sur la majorité dans son ensemble et de mettre en péril la participation de l’Istiqlal au gouvernement. Le ministre de l’Équipement et de l’Eau a intérêt à se mouiller davantage pour contenir les vagues impétueuses qui risquent de déstabiliser le bateau istiqlalien et lui faire perdre le gouvernail…
De la domination fassie au giron sahraoui
Le clan de Hamdi Ould Errachid est très représenté au sein de l’Istiqlal où le patriarche est à la manœuvre, tirant les ficelles et orientant les décisions. On lui prête une grande influence qu’il tire notamment de sa puissance financière qui lui permet de mettre la main à la poche. Le dernier congrès du parti, qui a fait adouber son nouveau protégé, aurait été financé sur les deniers de l’homme fort de Laâyoune et de l’Istiqlal.
Parti dominé historiquement par les familles fassies, l’Istiqlal a basculé sous l’influence sahraouie au lendemain des résultats des élections communales de 2015. Le président de la deuxième Chambre Naam Miyara est le gendre de Hamdi qu’il a également imposé à la tête de l’UGTM en remplacement de Hamid Chabat dont l’Istiqlal s’est débarrassé avec le soutien actif de Ould Errachid.