Un concept riche de sens

Par Safae Alami et Imane Azizou.

Ce dont l’administration publique a un pressant besoin, c’est d’insuffler un vent de renouveau au développement technologique et digital sans pour autant  négliger la dimension humaine.

Bon n’accepte le changement que dans la nécessité et on ne voit la nécessité que dans la crise ». Cette phrase de Jean Monnet met en exergue la réalité du besoin d’adaptation des organisations, publiques ou privées, aux nouvelles modalités d’interaction et de travail. Face à l’adversité, il faut savoir se démarquer et se réinventer en mettant en place les mesures nécessaires, garantes de proactivité et d’agilité. Plus que jamais, la priorité est axée sur la mise en place d’une politique digitale réellement efficace et pleine de promesses.

Ce contexte sans précédent met à l’épreuve l’administration publique et l’oblige à évaluer continuellement l’efficacité et la résilience de sa plateforme digitale face à un mode de management virtuel qui s’impose. En effet, cette crise inédite du Covid-19 a révélé la fragilité de cette administration qui a éprouvé de grandes difficultés en l’absence d’un Système d’information (SI) adéquat. C’est dire que le management à distance a introduit de nouvelles contraintes à ces administrations, trop peu ou pas du tout préparées. Bien évidemment, outre la résistance culturelle et institutionnelle manifestée face au changement par certains fonctionnaires réfractaires à la digitalisation, une plateforme digitale qui n’est pas assez mature a une véritable influence négative sur la qualité du passage au tout numérique qui nécessite beaucoup de tact et de flexibilité.

Ainsi, pour la majorité des administrations publiques, les principales perturbations relevées sont dues d’abord à une inadéquation du plan de gestion de crise. Une telle situation n’ayant pas été envisagée et ayant modifié brutalement l’organisation du travail. L’autre source de déception concerne le manque de coordination et de communication visant la synchronisation des services pour pouvoir bien travailler à distance.

A ce titre, l’administration de nouvelle génération est celle qui saura offrir un environnement de responsabilisation et de confiance, mais aussi celle qui fera le choix de l’empowerment pour ses équipes dans un climat propice à l’échange et au partage. Si la généralisation du télétravail a renforcé cet engouement pour la digitalisation des processus, reste enfin la nécessité de distiller des valeurs internes de solidarité, de saine collaboration et de conscience de l’intérêt général. Cette nécessité constitue autant une opportunité stratégique qu’un changement radical de fonctionnement à travers de nouvelles pratiques RH permettant de rendre cette fonction beaucoup plus stratégique. C’est dire que le rôle de la transformation numérique des RH s’est dévoilé comme jamais dans cet environnement organisationnel anxiogène pour devenir une réalité observable susceptible de transformer le quotidien de l’administration.

Pour que cette mutation digitale, qui s’applique également aux ressources humaines, soit réussie, il semble donc crucial que la politique RH soutienne cette transformation profonde de notre rapport au travail, ce qui va revaloriser les métiers administratifs dans un contexte où l’hybridation du travail devient plus la règle que l’exception. En cela, la révolution digitale a positionné la fonction RH comme un levier de performance capable d’anticiper les risques humains -notion si étrangement en friche dans les discours managériaux -, de maîtriser les bonnes pratiques exigées par le distanciel et de les adapter lors du passage au mode hybride. Encore faut-il passer par un processus de métamorphose douce, qui s’applique à renforcer l’aptitude de l’administration publique à repenser sa plateforme digitale et à réinventer certaines pratiques et styles managériaux en vue d’offrir plus de traçabilité et donner un cap porteur de sens à chacun.

En définitive, ce dont l’administration publique a un pressant besoin, c’est d’insuffler un vent de renouveau au développement technologique et digital sans pour autant négliger la dimension humaine, omniprésente dans toute interaction sociale au travail. Car en effet, il n’y a pas besoin d’avoir étudié le modèle de Palo Alto pour comprendre l’importance des rapports sociaux qu’entretient la personne dans son quotidien.

A cela s’ajoute l’arrivée de la génération Z sur le marché de travail, plus fidèle à l’autorité de compétence qu’à l’autorité hiérarchique et qui préfère un style de management en mode matriciel basé sur la confiance, la responsabilité et la qualité relationnelle. Dans cet environnement dit extrême, la digitalisation des processus demeure un gage d’efficacité, de fonctionnalité et l’image de modernité projetée par le numérique n’en sera que plus renforcée. Dans ce cas, toutes les entités doivent faire des pas de géant pour migrer vers la dématérialisation des processus et se recentrer sur la constitution d’un vivier de compétences capables d’agir avec souplesse et flexibilité.

Ce constat appelle à une réaction urgente car seul un établissement public éminemment bien géré peut mieux cerner les défis futurs et inventer un modèle ambitieux et pérenne de conduite du changement et bâtir une culture tournée vers l’apprentissage. D’autant plus que le Maroc s’est engagé dans une politique de transformation numérique et d’accélération de la digitalisation, prémices d’une nouvelle normalité, qui constitue une véritable source d’opportunités et de performance.

Les années passant, on peut faire le constat que de nombreuses évolutions ont déjà marqué l’ère de l’anthropocène, et aujourd’hui plus que jamais, nous devons réagir rapidement et avec justesse à la brutalité de cette crise sanitaire qui se fait sentir avec acuité et dont les délimitations ne sont pas clairement identifiées. Ceci impose une nécessité d’innovation radicale et continue – que l’on parle de transformation digitale, de courage managérial, de sensemaking collectif ou d’intelligence situationnelle – qui convienne au contexte actuel de plus en plus contraignant et plus agressif que par le passé. En revanche, il est illusoire de croire qu’on peut tout maîtriser comme si nous connaissions le futur, faute de quoi on risque d’écraser dans l’œuf toute nouvelle initiative de développer des réflexions ou stratégies novatrices.

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