Dans cet article, Patrick Simon, président de l’Association Marocaine de Développement du Géoparc Jbel Bani (AMDGJB) lance un appel pour valoriser le formidable potentiel oasien du sud du Maroc pour en faire une source de revenu pour la population locale.
Par Patrick Simon *

Dans le contexte du Territoire Soutenable du Géoparc Jbel Bani (TSGJB), qui s’intègre globalement dans les limites géographiques du Bassin Versant du Draa- -Oued Noun au Sud du Maroc, qui est géré par L’Association Marocaine de Développement du Géoparc Jbel Bani ((AMDGJB) – autorisée depuis le 10 Avril 2015 sous Autorisation 1954-36-Tata), nous avons pris en compte les défis majeurs auquel il est actuellement confronté ! Pour cela nous avons eu à considérer ces forces que représentent cette économie oasienne millénaire avec sa richesse en biodiversité et biomes spécifiques, adaptés aux conditions arides et semi-arides.
Aussi nous-nous sommes obligés de tenir compte de cette vulnérabilité accrue qui s’accroît face aux changements climatiques, notamment avec le stress hydrique, mais également par les pressions anthropiques liées aux activités économiques qui, avec une orientation potentielle vers l’exploitation minière et les énergies renouvelables, pourraient prochainement impacter les écosystèmes oasiens et ruraux. C’est en ce sens que nous définissons les nécessités de considérer les aspects culturels et vernaculaires dans la gestion des terres en prenant acte des défis de gouvernances à prendre en compte pour intégrer la protection des sols et de la biodiversité dans les priorités des communautés locales et des politiques régionales. En cela nous avons à prendre en compte ces véritables enjeux à mettre en forme pour trouver ces équilibres en développement du « TSGJB » afin de freiner l’exode rural qui se dessine à l’horizon 2025-2035.
C’est en ce sens qu’en tant qu’AMDGJB, nous œuvrons à définir des Plans d’Actions considérant cette aire biogéographique adaptatif au TSGJB permettant d’évaluer la biodiversité et permettant d’anticiper les impacts des changements climatiques sous forme de plusieurs actions qui pourraient être entreprises pour définir un modèle de « biome adaptatif durable du TSGJB » !
Nous préconisons pour cela, en faisant appel aux capacités universitaires d’établir un inventaire et une cartographie détaillée de la biodiversité actuelle pour ce territoire partagé entre Désert et Océan, Montagnes et Désert en préconisant des études de terrain approfondies pour identifier les espèces végétales et animales présentes, et en se concentrant sur les espèces endémiques, rares ou menacées façonnée en cette aire vernaculaire et historique oasienne.
Pour ce faire nous considérons comme fondamental de cartographier les différents types d’habitats et écosystèmes (oasis, zones arides, zones montagneuses), en utilisant des outils de télédétection et de SIG (Système d’Information Géographique) et en évaluant l’état de santé des écosystèmes et identifiant les zones à haute valeur écologique.
Il s’agira pour cela de modéliser les impacts persistants des changements climatiques et du stress hydrique en utilisant des modèles climatiques régionaux pour projeter les évolutions des températures, des précipitations et de l’évapotranspiration sur l’ensemble du bassin versant. Il s’agira pour cela de d’évaluer l’impact de ces changements sur la disponibilité de l’eau dans cet équilibre biodiversité/populations en ces milieux, la distribution des espèces et la productivité des écosystèmes en identifiant les seuils de tolérance des espèces et des écosystèmes face au stress hydrique et aux changements de température. Il s’agira pour cela d’intégrer les connaissances écologiques et les savoirs locaux pour mener des études « ethno botaniques et ethno biologiques » pour documenter et conforter les connaissances traditionnelles des communautés locales sur l’utilisation des plantes, des animaux et la gestion des ressources naturelles.
Il s’agira pour cela, en s’appuyant sur la jeunesse et la société civile, les NEET(s) de ces terroirs, d’impliquer activement les communautés locales dans la collecte de données et la validation des modèles afin d’identifier les pratiques traditionnelles et savoir-faire en gestion des terres qui favorisent la conservation de la biodiversité et la résilience des écosystèmes.
Fort de ces constats nous nous efforcerons de développer des scénarios prospectifs afin d’élaborer différentes thématiques d’évolution d’un biome TSGJB en tenant compte des changements climatiques, des politiques de développement, exploitations minières et en énergies renouvelables projetées, pour tenir compte des pratiques vernaculaires de gestion des terres.
Il s’agira de nouveau pour cela afin de trouver les atouts partagés de développement territorial, d’évaluer les conséquences de chaque scénario sur la biodiversité, les services écosystémiques et la parfaite réceptivité et bien-être des communautés locales.
Nous nous donnons pour objectifs ces actions en tant que stratégie d’adaptation et de conservation intégrée qui consiste :
* d’aboutir à une compréhension approfondie de la biodiversité actuelle et de sa vulnérabilité face aux changements globaux.
* d’aboutir à un modèle de biome dynamique et adaptatif qui intègre les impacts des changements climatiques et du stress hydrique.
* d’aboutir à des scénarios prospectifs pouvant être compris et partagés pour anticiper les défis futurs et identifier les trajectoires de développement les plus durables.
* d’aboutir à une stratégie de conservation et d’adaptation intégrée qui propose des mesures concrètes pour protéger la biodiversité, restaurer les écosystèmes dégradés et promouvoir des pratiques de gestion des terres durables.
* d’aboutir à des outils de sensibilisation et de communication pour informer les communautés locales, les décideurs politiques et les acteurs économiques de l’importance de la biodiversité et de la nécessité d’agir.
Pour rendre cela possible et adaptable à une stratégie définie de développement territorial ciblée, il va de soi que cela ne peut qu’exister que par la volonté de mise en œuvre d’une gouvernance adaptée par une approche multi-acteurs et participative !
Aussi définissons-nous, pour atteindre ces résultats d’adapter ces multi-acteurs du TSGJB aux défis futurs d’une économie éco sociétale porteuse d’emplois durables, en définissant qu’un besoin de gouvernance forte et concertée est indispensable, en proposant ainsi de nous impliquer en tant qu’AMDGJB, comme véritable « Pôle de compétitivité territorial » !
AMDGJB se donne ainsi le rôle d’une coordination intersectorielle renforcée entre les ministères de l’environnement, de l’agriculture, de l’énergie, des mines et des collectivités territoriales, de l’Agence Nationale de Développement des Zones Oasiennes et de l’Arganier (ANDZOA), afin de considérer un certain nombre de points :
-La mise en place de mécanismes de participation et de consultation pour assurer une appropriation locale des stratégies de conservation et de développement durable
-Le renforcement des capacités locales en matière de gestion de la biodiversité, d’adaptation aux changements climatiques et de développement de projets durables
-L’implication active des communautés locales dans la prise de décision et la gestion des ressources naturelles, en reconnaissant leurs droits et leurs savoirs traditionnels
-La mise en place de cadres réglementaires et d’incitations économiques qui favorisent la protection de la biodiversité et l’adoption de pratiques durables
-La promotion de la recherche scientifique et de l’innovation pour développer des solutions adaptées aux contextes locaux
-La mise en place de mécanismes de suivi et d’évaluation pour mesurer l’efficacité des actions entreprises et ajuster les stratégies si nécessaire.
Afin de rendre ces plans d’action réalisable en de véritables exemples de systèmes de partage des terres tenant compte des aspects culturels et vernaculaires, nous définissons comme utile et indispensable d’agir avec des acteurs choisis in situ, formés en tant que «médiateurs en développement territorial» permettant de régénérer plusieurs systèmes traditionnels de gestion des terres en s’inspirant des modèles adaptés au contexte actuel :
1/-L’Agdal : Système ancestral de gestion collective des ressources naturelles (pâturages, forêts) basé sur une mise en défens temporaire pour permettre la régénération. Ce système intègre des règles sociales et culturelles fortes et pourrait être adapté pour la protection des sols et de la biodiversité dans des zones spécifiques.
2/-Les systèmes de gestion communautaire des oasis : Traditionnellement, la gestion de l’eau des parcelles cultivables et des palmiers dattiers est souvent régie par des règles communautaires complexes qui tiennent compte des besoins de chacun et assurent une certaine équité. Ces systèmes pourraient être revisités pour intégrer des objectifs de conservation des sols et de la biodiversité.
3/-Les pratiques d’agroforesterie traditionnelle : L’association d’arbres, de cultures et d’élevage est une pratique ancienne dans de nombreuses régions du Maroc. Elle contribue à la fertilité des sols, à la conservation de l’eau et à la diversification des revenus. La promotion et la modernisation de ces systèmes par la Perma Entreprise pourraient être une voie pour concilier les nouvelles productions agricoles que nous préconisons tout en considérant la protection de l’environnement.
4/-Les formes d’organisation collective pour la gestion des parcours : Dans les zones de pâturage, des formes traditionnelles d’organisation existent pour la gestion des transhumances et l’utilisation durable des ressources pastorales. Ces systèmes pourraient être renforcés et adaptés pour intégrer des objectifs de conservation des sols et de la biodiversité tenant compte des formes nouvelles d’élevage qui sont en train de se propager!
Par ailleurs et afin de consolider les objectifs de développements territoriaux ciblés que nous considérons afin de donner des objectifs Éco sociétaux durables au TSGJB, nous définissons comme essentiel de pouvoir intégrer ces aspects culturels et vernaculaires qui perdurent ?
Il nous paraît essentiel de souligner que la transition vers des économies basées sur l’exploitation minière et les énergies renouvelables doit impérativement intégrer des évaluations environnementales et sociales rigoureuses par des mesures d’atténuation et de compensation adéquates pour minimiser les impacts sur la biodiversité et les communautés locales.
Un dialogue ouvert et inclusif entre les différents acteurs est indispensable pour concilier les objectifs de développement économique, de protection de l’environnement et de bien-être social à l’horizon 2035,
5/-En documentant, en valorisant, en définissant la conservation des savoirs locaux et les pratiques traditionnelles de gestion des terres, en impliquant les communautés locales dans la conception et la mise en œuvre de ces projets en développement durable préconisés.
6/-En reconnaissant et sécurisant les droits fonciers collectifs et les systèmes de gouvernance traditionnels, en adaptant les politiques publiques pour tenir compte de ces spécificités culturelles et de ces pratiques locales dominantes.
L’AMDGJB préconise pour cela les plans d’action et une stratégie de développement territorial axés sur les productions agricoles liées au développement territorial d’une Cosmétique Verte Marocaine Vernaculaire ».
Avec pour première phase :
Établissement d’un inventaire ethnobotanique en valorisation des savoirs locaux (sur 6-12 mois) en menant cette étude approfondie à l’échelle du TSGJB, en collaboration étroite avec les communautés locales, les anciens, les femmes détentrices de savoirs traditionnels : l’objectif étant d’identifier et de documenter les plantes aux propriétés cosmétiques avérées ou potentielles, leurs usages traditionnels, les méthodes de récolte et de transformation ancestrales pour mise en œuvre :
-d’une base de données exhaustive des ressources végétales à potentiel cosmétique,
-des savoirs associés à des pratiques traditionnelles,
-l’identification des espèces les plus prometteuses en termes d’efficacité, de durabilité et de potentiel de valorisation économique.
Avec pour deuxième phase :
Des recherches et développements appliqués (sur 12-24 mois) afin d’établir des partenariats avec des laboratoires de recherche appliquée en cosmétique, des universités et des centres techniques spécialisés, l’objectif étant d’analyser scientifiquement les propriétés des plantes identifiées et ainsi développer des formulations de cosmétiques verts innovantes et adaptées au marché et formulées sous une dénomination « d’Origine Géographique Marocaine Sud Maroc ». Pour cela il s’agit de privilégier des procédés d’extraction et de transformation respectueux de l’environnement et des savoirs traditionnels. Ayant pour objectif de prendre soin de développer des prototypes de produits cosmétiques verts (soins de la peau, des cheveux, etc.) validés scientifiquement et conformes aux normes de qualité et de sécurité internationales nous saurions identifier des filières de production durables répondant à des techniques d’adaptations des cultures au stress hydrique.
Avec pour troisième phase :
La structuration de filières de production durables (sur 18-36 mois)
-en organisant et formant les communautés locales (jeunes, femmes, agriculteurs) à la culture, à la récolte, à la transformation primaire et au conditionnement des plantes à usage cosmétique, en mettant l’accent sur les pratiques agroécologiques d’agroforesterie et de permaculture, des techniques d’économie d’eau,
-en créant des coopératives ou des groupements d’intérêts économiques (G I E) pour mutualiser les moyens,
-en assurant la qualité et en facilitant l’accès au marché.
Un soin tout particulier sera ainsi appliqué dans la mise en place de filières de productions durables, traçables et certifiées, garantissant le respect de la biodiversité et des écosystèmes oasiens par la création des premiers emplois locaux dans la production et la transformation de matières premières.
Avec pour quatrième phase :
Le développement de marques et commercialisation (sur 24-48 mois) labellisées et certifiées « d’origine géographique TSGJB Sud Maroc ». Avec comme mission :
-d’accompagner la création de marques de cosmétiques vertes valorisant l’origine géographique, les savoirs traditionnels et les ingrédients naturels du TSGJB,
-en développant des stratégies de marketing et de communication ciblées pour positionner ces produits sur les marchés nationaux comme internationaux de la cosmétique verte.
NB : Pour cela, devront être explorés toutes les formes de canaux de distribution adaptés (circuits courts, e-commerce, partenariats avec des acteurs de la cosmétique naturelle).
NB : Ces lancements de marques de cosmétiques verts identitaires devraient être développés de manière compétitive pour assurer des revenus pour les communautés locales et créations d’emplois durables dans l’ensemble des filières allant de la commercialisation, au marketing et à la logistique.
Avec pour cinquième phase :
Une attention particulière portée à la gouvernance et à la pérennisation des process ainsi développés en mettant en place une structure de gouvernance multi-acteurs (Professionnels du Cosmétiques, AMDGJB, communautés locales, entreprises, chercheurs, institutions publiques) pour assurer le suivi, l’évaluation et l’adaptation continue de la stratégie
– cela en développant des mécanismes de partages équitables des bénéfices et de réinvestissements dans la conservation de la biodiversité et la formation prioritairement des populations du TSGJB,
– en formulant la promotion d’une législation et des politiques publiques territoriales favorables aux développements de la « cosmétique verte vernaculaire ».
Ce projet doit permettre l’engagement à garantir la pérennisation d’un modèle de développement économique local, créateur d’emplois durables, respectueux de l’environnement et valorisant le patrimoine culturel en positionnant le TSGJB « le territoire comme un pôle d’excellence » en matière « de cosmétique verte marocaine et de la valorisation de la biodiversité aride ».w
* Président de l’Association Marocaine de Développement du Géoparc Jbel Bani A Tata le 1er mai 2025