La dernière Coupe d’Afrique des Nations nous aura ramenés à la réalité de notre football et de notre sport en général. Elle nous aura également confirmé que le football est mariné de politique, de religion et de sorcellerie.
Coup de sifflet final pour la Coupe d’Afrique des Nations 2021. Les Marocains ne l’oublieront pas de sitôt. Encore une fois les résultats de notre équipe nationale jettent le doute chez les marocains sur l’idée soporifique que le Maroc est une Nation de football. Ses performances moins que modestes nous enseignent que l’Afrique de 1976 (date de notre seule coupe d’Afrique gagnée) n’est plus celle de 2022. Cette compétition nous aura au moins ramenés à la réalité de notre football et de notre sport en général. Elle nous aura également confirmé que le football est mariné de politique, de religion et de sorcellerie.
Politique pour le sport ou sport pour la politique ?
Les deux à la fois, puisque le but est le même, celui de renforcer le pouvoir politique et lui permettre de gagner en prestige et en influence. Le sport en général a toujours été mêlé aux évènements politiques nationaux et internationaux. Ses valeurs universelles promues mondialement lui donnent sans équivoque une dimension diplomatique exploitée à des fins politiques. L’histoire et les faits l’ont bien démontré. En effet, le passé récent des manifestations sportives pullulent en événements illustrant cette vérité. L’Allemagne nazie, l’Italie de Mussolini, les anciennes dictatures d’Amérique latine, l’ex-URSS et les pays de l’Est n’ont ménagé aucun effort pour faire du sport le reflet du modèle idéologique et politique parfait de l’époque. La saga continue de nos jours avec les USA qui font du boycott des rendez-vous sportifs internationaux un moyen de pression privilégié contre les Etats réfractaires à leur vision du monde. On rappellera le boycott des jeux olympiques d’hiver de Sotchi en 2014 en Russie par les chefs d’État occidentaux (Absents à la cérémonie d’ouverture des jeux) et aujourd’hui le même boycott des jeux olympiques d’hiver de Pékin.
Le sport rapporte et le football encore plus, qui se trouve le plus investi d’enjeux politiques, économiques et sociaux en raison de son immense popularité et de sa large médiatisation par les chaînes spécialisées ainsi que par les réseaux sociaux vecteurs idoines pour atteindre tous les foyers. Ceci explique les importantes enveloppes financières qui lui sont consacrées en termes d’infrastructure, d’encadrement et de formation des équipes.
Dans de nombreux pays, notamment en développement ou dictatoriaux, le football est instrumentalisé par les politiciens en vue de conserver ou de conquérir le pouvoir. Lorsque la politique est dans l’impossibilité de rassembler les citoyens, ou lorsque le pouvoir est empêtré dans les problèmes générés par sa mauvaise gouvernance, le recours au sport pour anesthésier la population est l’un des remèdes miracles. En temps de paix où lorsque l’ennemi fictif ne peut être exhibé et servir à la propagande et au lynchage médiatique, le football prend le relais pour contribuer à la cohésion sociale ou pour calmer les tensions sociétales.
Les dirigeants politiques de nombreux pays profitant du temps de l’euphorie d’une compétition gagnée, s’adjugent sans vergogne les performances sportives de leurs équipes nationales pour les considérer comme étant le fruit de leurs prouesses politiques et managériales. Les exemples sont nombreux à travers l’histoire du sport en général et du football en particulier. Tout récemment, le bel échantillon de cette perfidie nous est parvenu d’Alger, lorsque la coupe arabe (Qatar 2021) gagnée par l’équipe d’Algérie, fut remise sans scrupule au Général Chengriha par le Président algérien en personne.
Le monde entier avait compris la signification du geste, mais surtout où se situait le vrai centre du pouvoir en Algérie. Même les joueurs de l’équipe algérienne qui ont mouillé le maillot pour gagner le trophée, n’avaient pas imaginé que celui-ci finirait entre les mains de l’armée. Ils avaient, le temps d’une sombre cérémonie, fait figure de soldats ayant ramené un butin de guerre au Général de corps d’armée à l’issue d’une bataille. Voyez de quoi est capable la force de frappe algérienne semblait être le message que le pouvoir algérien voulait transmettre au reste de la planète. Avis au voisin de l’Ouest ! La risée du monde était à son paroxysme. Sa stupéfaction l’était encore plus. Sur un registre politique d’une toute autre nature, on se rappellera le refrain lourd de sens «Black-Blanc-Beur » célébrant la diversité raciale d’une équipe de France ayant gagné la coupe du monde de 1998. Les dirigeants français y avaient perçu l’expression de la réussite de leur politique d’intégration, aujourd’hui largement remise en cause et qu’Eric Zemmour candidat aux élections présidentielles prochaines veut remplacer par une politique d’assimilation aux valeurs et mode de vie à la française. Je me suis toujours demandé par ailleurs si l’hymne national tonné au début de chaque match international ne relevait-il pas d’une annonce d’une bataille rangée ? N’est-ce pas l’expression en musique et en chant d’une attitude identitaire qui s’affiche sur le terrain, mais encore plus dans les tribunes ? Ce sentiment d’appartenance est encore plus exacerbé quand l’hymne national d’un pays est sifflé par des supporters acquis à une cause autre que footballistique. Le match France-Algérie du 6 octobre 2001 au stade de France en est une illustration parfaite.
Le sifflement de la Marseillaise par de nombreux spectateurs avant le coup d’envoi de cette rencontre pourtant voulue amicale et surtout au caractère réconciliant entre deux pays aux relations tendues, avait été aussi regrettable que troublant. Le comble aura été l’envahissement du terrain avant la fin du match par des supporters dont certains brandissaient le drapeau algérien en terre gauloise. L’évènement ne sera jamais oublié par les français et jamais pardonné. Ses stigmates servent aujourd’hui encore de bois au feu de l’âtre de l’extrême droite. Gagner à tout prix, peut également porter les dirigeants politiques comptant sur les retombées bénéfiques du sport, à prier ou tout au moins à bénir les prières des joueurs et des supporters.
Dieu a-t-il une équipe favorite ?
C’est du moins ce que croient un certain nombre de joueurs et de supporters implorant Dieu par le geste et par les formules d’usage spécifiques à leurs pratiques religieuses. Mêler Dieu au foot est une absurdité humaine supplémentaire. Qui de nous n’a pas observé ces joueurs prier à leur entrée au stade où faire le signe de la croix au nom du Père du Fils et du Saint-Esprit. D’autres joueurs se prosternent individuellement ou en groupe après un but ou après une victoire pour rendre grâce à Dieu d’avoir guidé leurs dribles, ajusté leurs passes et précisé leurs tirs au but. Les joueurs de l’équipe égyptienne ont excellé pour ne pas dire exagéré dans les louanges faites à Dieu durant tous les matchs de la CAN. A croire que Dieu était dans les tribunes pour admirer et encourager les pharaons (bien que le nom rappelle l’histoire de ces cruels mécréants du passé). Dieu les a-t-ils abandonnés en finale ? La question ne sera jamais posée.
Les images de tels comportements diffusées régulièrement à travers le monde, laisseraient croire que nous sommes dans une mosquée ou dans une église et non sur un terrain de foot. A ce rythme, bientôt les joueurs qui ne montreront pas leur obédience religieuse seront qualifiés de mécréants. Pire, les résultats négatifs de leur équipe seront attribués aux joueurs incrédules, égarés du droit chemin. Admettons ces pratiques et imaginons un peu les scénarios suivants : D’abord celui d’une équipe d’un pays dont les joueurs sont musulmans et une autre dont les joueurs sont chrétiens, tous implorant Dieu pour les guider vers la victoire.
Ensuite celui de deux équipes dont les joueurs sont de la même origine et de la même religion et sollicitant la bénédiction du même Dieu pour les assurer du triomphe. Voilà dans ce cas comme dans l’autre, de quoi donner du fils à retordre au Tout-Puissant en le mêlant à un match de football. C’est fermement croire que notre créateur est dans le divertissement en suivant en tant que spectateur des matchs de foot tout en influant sur le résultat de la partie sur la base de critères dont lui seul détiendrait les impénétrables secrets. Admettons qu’une telle folle pensée soit vraie, cela pourrait être agaçant pour les équipes des pays musulmans, puisque c’est toujours les Etats chrétiens qui sont plus forts, raflent les médailles et gagnent toujours la coupe du monde. Dieu exauce-t-il les prières des Chrétiens en ignorant les autres croyants ? Sacrés allemands au grand palmarès footballistique, bénis de Dieu ! Mais qu’à cela ne tienne, on ne manquera pas de se rassurer en cas de défaite en ramenant la déroute à des forces maléfiques.
Ballon rond et forces occultes
C’est malheureusement à l’occasion de compétitions sportives importantes et de matchs de football en particulier, que revient la discussion sur la superstition, la sorcellerie et les forces occultes, rappelant des croyances sociales biens ancrées en Afrique et dans bien d’autres contrées. La scène footballistique nous a depuis longtemps gratifiés d’actes surréalistes de fétichisme et de magie noire. Les citer ici demanderait des pages entières tant ils sont nombreux et amusants malgré leur caractère lugubre. Mais rien n’arrête les subterfuges pour augmenter les performances d’une équipe ou neutraliser le jeu de l’équipe adverse. Qu’importe pour les auteurs, celle-ci sera davantage déstabilisée si elle prenait connaissance de manière délibérée ou par pure coïncidence des objets et pratiques magnifiant les forces maléfiques « en présence ». La dernière CAN organisée au Cameroun ne pouvait échapper à ce phénomène, notamment lorsque les équipes d’Algérie et du Maroc ont peiné à marquer devant leurs adversaires malgré les multiples occasions claires et si simples qui leur étaient données. Au Maroc le débat autour de la débâcle a beaucoup plus porté sur le manque de chance et le mauvais coaching que sur la question de la sorcellerie.
En Algérie, ce fût un tollé général embrasant les débats sur les plateaux télévisés et sur la toile autour des esprits maléfiques auxquels les adversaires des Fennecs ont fait appel. Comble de la risée et malgré un communiqué niant les faits, les dirigeants algériens ont été soupçonnés d’avoir recouru à des religieux pour conjurer les sorts et prêter main-forte aux joueurs et à leur staff. L’élimination prématurée de l’équipe algérienne portait au sommet l’idée que ce ne pouvait être que la conséquence de pouvoirs surnaturels et non une simple déroute sportive peu digne des galons des généraux d’Alger. C’est encore la faute des autres. Cette fois-ci, les « sorciers » de Côte d’Ivoire ont épargné au Maroc les sortilèges et les foudres de la propagande algérienne.
Dimanche dernier en finale de la CAN, l’équipe sénégalaise a-t-elle fait appel à des marabouts pour venir à bout de l’équipe égyptienne ? Au vu du jeu plaisant développé par les lions de la Terranga et de la tactique de jeu adoptée pour engloutir les pharaons, la réponse par la négative est plus qu’évidente. Charlatanisme, Sorcellerie, et « Rokiya » arrivent, ainsi à semer le doute sur le travail de fond pour construire une équipe, développer un fond de jeu et une stratégie tactique face à l’adversaire. Ces croyances finissent par faire accepter ou excuser la pire des performances et les déboires d’une équipe, voire la faillite de la politique sportive d’un pays.
Dans la sourate 7 (Al Aâraf) versets 116 à 122, Dieu dit au sujet des sorciers maudits osant défier Moïse : « ….et nous révélâmes à moïse : ‘jette ton bâton’ ; et voilà que celui-ci se mit à engloutir ce qu’ils avaient fabriqué. Ainsi la vérité se manifesta et ce qu’ils firent fût vain. Ainsi ils furent battus et se trouvèrent humiliés. Et les magiciens se jetèrent prosternés. Ils dirent :’nous croyons au seigneur de l’univers, au seigneur de Moïse et d’Aron’». Encore quelques mois pour la coupe du monde et une année pour la prochaine coupe d’Afrique, pour vérifier si la leçon de la parole divine a été réentendue et si notre continent y sera dignement représenté sans charlatans. Mais pas uniquement les jeteurs de sorts.