Khouribga, une ville française… (36)

Nous célébrons le centenaire de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nomment les indigènes des Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, est conscient du caractère exceptionnel de l’Office, prononcé ‘‘Loufisse’’ par les autochtones, et décide d’en confier l’exploration et l’exploitation au seul ‘‘Magasin’’ (ma5zen) afin d’éviter la rapacité du secteur privé. La découverte fortuite des phosphates chez les Ouled Abdoun, faite en 1917, à l’occasion des travaux de la ligne de chemin de fer Casablanca/Oued-Zem, va booster l’économie du Maroc. À son retour au Maroc en 1917, Lyautey s’est mis à inviter des artistes ; c’est ainsi qu’il invite Majorelle. Souffrant d’une maladie pulmonaire, Majorelle recherche les climats chauds et secs ; en 1910, il découvre l’Égypte. Réformé à cause de sa maladie, il échappe donc à la Première Guerre mondiale, la seconde plus grande boucherie mondiale (1 million de tués) après celle des guerres napoléoniennes (6 millions). Ce record napoléonien sera battu plus tard par Hitler qui le multipliera par 10 ! Ce « bon à rien » a mis la barre très haut en prélevant 2.5% de la population mondiale : son record est estimé à 60 millions ! Pas mal pour un bon Aryen ! Majorelle, le réformé/échappé de la première boucherie mondiale, arrive au Maroc en 1917 sur invitation de Lyautey – qui venait de claquer la porte du gouvernement français d’Aristide Briand en démissionnant avec fracas de son poste de ministre de la guerre. Majorelle donne une première exposition dans le hall de l’hôtel Excelsior à Casablanca en 1918.

En 1919, il épouse Andrée Longueville, née à Lunéville et arrivée avec lui au Maroc. Puis il fait sa première expédition dans le sud du pays. Il publie à son retour Carnet de route d’un peintre dans l’Atlas et l’Anti-Atlas, journal relatant son périple. Il peint le plafond de l’hôtel La Mamounia de Marrakech. En 1922, il acquiert une palmeraie au nord-ouest de l’actuelle médina de Marrakech et fait appel, en 1929, au cabinet d’architectes Robert Poisson et Paul Sinoir pour la construction d’une « villa atelier » qui rappelle le style de Le Corbusier, alternant le traditionnel inspiré du Maroc avec une architecture mauresque (les fenêtres et le sol), et le moderne érigé dans un style Art déco en vogue à cette époque. Majorelle implante dans le jardin de nombreuses espèces : orangers, cocotiers, bananiers, yuccas, jasmins, bananiers, bougainvilliers, fuchsias, cactus et agaves. Il y aménage des bassins, jets d’eau, pergolas et allées. Cette villa sera rachetée plus tard, en 1980, par le couple Yves Saint Laurent et Pierre Bergé. De nos jours, elle est devenue la Fondation Jardin Majorelle et est l’un des hauts lieux du tourisme au Maroc avec près de 600 000 visiteurs annuels.

La Fondation Jardin Majorelle comprend également le musée Yves Saint Laurent de Marrakech, inauguré en octobre 2017. Lyautey va créer le service des Beaux-Arts qui sera à l’origine d’une découverte majeure : les tombeaux de la dynastie des Sa3dyines qui étaient jusque-là oubliés et murés depuis plus de deux siècles. Cette dynastie, célèbre pour la bataille des Trois Rois ou bataille d’Oued Ma5azine (4 août 1578), bataille décisive ayant mis fin au projet d’invasion du Maroc par le roi portugais Sébastien Premier. Elle eut lieu sur les rives d’un affluent du fleuve Loukkos qui arrose la ville de 9sar Kébir dans la province de Larache. Les Sa3dyines ont régné entre 1554 à 1636. Sous le règne d’Ahmed le Victorieux Doré (Mansour Dahbi), son empire s’étendait jusqu’au bled des « Assoudanes », en réalité seulement jusqu’à Tombouctou et Gao dans l’actuel Mali. Ce n’est pas que les historiens marocains exagèrent, mais c’est juste à cause d’un problème de langue arabe. Le sultan « doré » a ainsi été nommé, car il est allé piller l’or des « Assoudanes » (Noirs en arabe), car les Arabes nommaient « pays des Noirs » tous les pays subsahariens, ce qui a donné le nom de «Soudan» aux géographes Chrétiens. (A suivre)

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