Nous célébrons le centenaire de la ville de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates ‘‘Loufisse’’ voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nommaient les Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, était le seul à être conscient du caractère exceptionnel de ce ‘‘Loufisse’’. Depuis 1870, le décret Crémieux no 136 attribuait d’office la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie. Il a été complété par le décret no 137 portant sur la naturalisation des indigènes musulmans et des étrangers résidant en Algérie pour qui la qualité de citoyen français n’était pas automatique et ne sera que rarement attribuée aux indigènes musulmans qui restent sous le régime de l’indigénat. La France a vite compris l’intérêt majeur à s’attacher les Juifs d’Algérie.
En mai 1865, lors de son deuxième voyage en Algérie, Napoléon III reçoit une pétition de 10 000 Juifs algériens lui réclamant leur naturalisation collective. C’est ainsi qu’Albert 3ayache devient Français… Né dans une famille de cinq enfants, le petit Albert fera ses études du côté de la frontière franco-marocaine. En 1932, il est nommé au lycée d’Oujda.
En 1934, l’Oranie voisine devient la « petite Hitlerie ». Choqué par les campagnes antisémites des fils de Pétain, Albert 3ayache se met à informer Juifs et Musulmans sur les liens qui les avaient toujours unis dans les pays du Maghreb et à les mettre en garde contre les intrigues de la France visant à les monter les uns contre les autres. Albert 3ayache est fait prisonnier par les Nazis en juin 1940. Evadé, il revient en août 1941 au Maroc, où il avait été nommé au lycée Lyautey à Casablanca en 1939 puis révoqué, parce que Juif, de son poste de professeur lorsque les fils de Pétain abrogent le décret Crémieux de Napoléon III…
Albert 3ayache se met à s’occuper des syndicats miniers de Jerada (anthracite), de Touissite & Boubker (plomb et zinc) et des violentes répressions dans les mines de phosphates de Khouribga. Les militants français étaient expulsés alors que les militants marocains étaient arrêtés et torturés. Dans les mines de phosphates de Khouribga, La7cen Ma3ti fut un des organisateurs des grèves de juin 1947 et d’avril 1948, déclenchées pour l’augmentation des salaires, l’amélioration des conditions de travail et surtout l’octroi du droit syndical aux zoufria. Il fit échouer les tentatives scissionnistes de Force Ouvrière qui précisément partirent de Khouribga, avec Louis Léandri et René Cavalier.
Ce fut lui qui affirma la solidarité des travailleurs marocains avec leurs camarades français, dont les revendications depuis longtemps posées furent à l’origine d’une nouvelle grève, le 26 avril, qui dura jusqu’à la mi-mai 1948 ; grève très dure à laquelle les autorités du Protectorat répondirent par une violente répression, des centaines d’arrestations et de licenciements. La7cen, comme on l’appelait, parut épargné ; mais, le 29 novembre 1948, il fut arrêté et condamné à trois mois de prison sous prétexte qu’il aurait empêché ses compagnons de travail de célébrer la fête du Trône.
Sa peine terminée, interdit de séjour à Khouribga, il vint à Casablanca où il s’employa à organiser les travailleurs du secteur privé. Il fit partie de la première délégation syndicale reçue le 29 avril 1949 par le Sultan Mohamed Ben Youssef qui se prononça en faveur du droit syndical pour les travailleurs marocains. Il s’appliqua à organiser les militants nationalistes et participa aux luttes contre les discriminations dont les travailleurs marocains faisaient l’objet. La7cen Ma3ti fut arrêté en décembre 1952 ; il fut parmi les fondateurs de l’UMT (Union Marocaine du Travail) en mars 1955, qu’il quitta en 1960 pour adhérer à l’UGTM (Union Générale des Travailleurs Marocains), fondée par le parti « Indépendance » (Isti9lal en arabe) de 3allal Le Fassi – Cf. Kronik 69 in Le Canard Libéré 675. (A suivre)