Khouribga, une ville française… (72)

Nous célébrons le centenaire de la ville de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates ‘‘Loufisse’’ voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nommaient les Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, était le seul à être conscient du caractère exceptionnel de ce ‘‘Loufisse’’. Depuis 1870, le décret Crémieux no 136 attribuait d’office la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie. C’est ainsi qu’Albert 3ayache devient Français… Fait prisonnier par les Nazis en juin 1940. Evadé, il revient en août 1941 au Maroc et se met à s’occuper des syndicats miniers de Khouribga. Un autre syndicaliste, La7cen Ma3ti, prendra sa relève et sera parmi les fondateurs de l’UMT (Union Marocaine du Travail) en mars 1955. Cf Le Canard Libéré 676 Kronik 70. Dans les années soixante, un troisième gars, Arsalane Al-Jadidi (Le Gars d’Al-Jadida) sera le syndicaliste des phosphatiers, affilié à l’UMT. Très vite, il devient la figure de proue des luttes revendicatives des ouvriers de l’OCP à Khouribga. Il conduit des mouvements de débrayage longs et durs. En 1969, la grève des zoufria de loufisse va durer presque un trimestre. Ce sera la plus retentissante. Lors de cette période syndicale, le Gars d’Al-Jadida devient une star nationale. Il apprend très vite les codes pour plaire aux zoufria. Une excellente prépa à l’Ecole des Mines de 5ribga, qui lui sera très utile lorsqu’il passera du syndicalisme à la politique. Aux USA, l’épicentre du mouvement hippie est à San Francisco, dans la maison bleue de Maxime Le Forestier, Lizzard, Luc et Psylvia nageaient dans le brouillard, enlacés, roulant dans la weed en écoutant Tom à la guitare et Phil à la kéna jusqu’à la nuit noire…

Dans la France de De Gaulle, c’était la révolution de Mai 68. Cf. Le Canard Libéré 309 à 329 (numéros de septembre à décembre 2013). Au Maroc, c’était le temps du radicalisme politique et du raidissement répressif des pouvoirs publics. Cette période fut traversée, de bout en bout, par un bras de fer à répétition entre le Gars d’Al-Jadida et le patron de Loufisse, un certain Karim L3amrani. Elle ne cessera qu’avec la victoire du Gars d’Al-Jadida et le départ de Karim L3amrani de la direction de l’OCP. Faire carrière en politique, c’est renier ses propres convictions. La logique du Gars d’Al-Jadida c’était de donner du temps au temps et gérer la chose politique en fonction des opportunités et de la conjoncture du Maroc de ces années de tentatives ratées de putschs militaires des Iznogoud qui se succèdent. En 1972, le Gars d’Al-Jadida est nommé ministre du Travail. Son Premier ministre n’est autre que son ancien adversaire à Khouribga : l’ancien patron de loufisse, un certain Karim L3amrani. Un syndicaliste, qui plus est fraîchement sorti du rang, fait ministre par son ancien patron…, cela fait tiquer plus d’un Marocain. Sarcasmes et rires sous cape, gabardine, gandoura, jellaba, 9aftan, dfina et même des rires sous ta7tia (sous-vêtement en Marocain). Lorsqu’il était ministre, il se raconte qu’il s’est oublié dans un meeting, emporté par la foule comme chantait Edith Piaf, il s’est laissé aller à qualifier son roi de « sloughi ». Pour ceux qui ne connaissent pas ce mot, on rappelle que le sloughi, également appelé lévrier arabe ou lévrier berbère, est un lévrier originaire d’Afrique du Nord.

La Fédération cynologique internationale le classe dans le groupe 10, lévriers, section 3, standard 188. En 1998, la Fédération cynologique internationale (FCI) indique que le Maroc, qui en détient le standard, dispose du plus grand nombre de sloughis. Lors de ce meeting populaire, dans une diatribe contre le président algérien Boumediene, le géniteur des séparatistes Polisario, le Gars d’Al-Jadida, cria fort « Si le président algérien Boumediene est un loup, Sidna (notre seigneur) est un sloughi». Le roi le convoqua le lendemain pour le rappeler à l’ordre: « J’ai bien compris ton message mais évite ce genre de métaphore à l’avenir». ‬(A suivre)

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