Khouribga, une ville française… (76)

Nous célébrons le centenaire de la ville de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates ‘‘Loufisse’’ voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nommaient les Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, était le seul à être conscient du caractère exceptionnel de ce ‘‘Loufisse’’. L’année du débarquement des Américains au Maroc, la semaine du 8 au 16 novembre 1942, a marqué les mémoires. Certains poèmes racontent comment les tribus des Sma3la du côté d’Oued Zem, à l’est de 5ribga, se débrouillaient pour fabriquer leur propre détergent. D’autres expriment la rareté et le prix excessif des textiles. Les Nass El Ghiwane, ceux que Martin Scorsese a appelé « Les Rolling Stones de l’Afrique » évoquaient dans l’une de leurs chansons, 3am jou3a (littéralement, l’année de la faim), cet épisode parfois décrit comme “3am lalimane (l’année de l’Allemagne)”, évoquant les morts enterrés à la hâte sans linceul, les mariées qui n’ont rien à porter et les réquisitions abusives de cheptel par les Ouled La97…

(Fils de Pétain en Français). Les Américains avaient pour objectif Casablanca, Port-Lyautey et Safi. Les forces terrestres de Noguès reçurent ces alliés à coups de canon et bloquèrent leurs débarquements à Casablanca et Safi. Les hommes d’Eisenhower manquaient d’entraînement ; aussi les professionnels de l’armée d’Afrique leur causèrent-ils de grosses pertes pendant trois jours. Noguès avait fait fuir au Maroc espagnol les membres des commissions d’armistice de l’Axe. Il avait engagé par ailleurs une forte répression contre les milieux réputés gaullistes, tandis qu’il faisait comparaître les auteurs du putsch manqué de Rabat devant un tribunal où ils allaient jouer leurs têtes. Au Maroc, seuls quelques officiers et contrôleurs civils avaient été associés à la conspiration, car Rigault, collaborateur de Lemaigre-Dubreuil, avait volontairement laissé de côté la seule organisation gaulliste pourvue d’armes, celle de Valabrègue.

Le chef des conjurés, le général Béthouart, ne disposa que de quelques jours pour préparer son action, lorsque la date du débarquement lui fut communiquée par Rigault qui lui transmit un horaire inexact. Il se réserva l’arrestation à Rabat du général Noguès, Résident général, avec l’aide du régiment du colonel Magnan. Il devait y prendre le pouvoir et constituer un cabinet, avec les contrôleurs civils Gromand et Boniface pour le seconder. Il avait chargé son adjoint, le général Desrée, d’accueillir pacifiquement à Casablanca les deux colonnes alliées qui devraient y faire leur jonction. Il annoncerait alors la rentrée en guerre derrière le général Giraud et inviterait l’amiral Frix Michelier à accueillir pacifiquement à Casablanca la flotte alliée.

Ainsi, Michelier, complètement isolé, ne pourrait-il que s’incliner. Dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942, après avoir fait arrêter par les frères Guillaume, résistants civils, les généraux Lascroux et Lahoulle, Béthouart fit encercler, à 1 h du matin, la Résidence générale par les hommes du colonel Magnan. C’est alors qu’au lieu de s’emparer de Noguès et de discuter ensuite, comme le préconisait Magnan, Béthouart commit l’erreur de lui envoyer l’un de ses officiers pour lui demander de se rallier à la résistance et d’en prendre la tête. Il attendit en vain une réponse pendant plusieurs heures, au lieu d’arrêter immédiatement Noguès, comme le lui proposait le colonel Magnan, mais son envoyé ne revint pas. Pendant ce temps, Noguès ne perdit pas de temps : il appela, car Béthouart avait omis de lui couper le téléphone, l’amiral Michelier à Casablanca. Selon cet amiral, les États-Unis auraient été incapables, après leurs désastres maritimes initiaux dans le Pacifique, de disposer des navires nécessaires à une telle entreprise. En outre, le Service de Renseignements de la marine, « capable de déceler la moindre sortie d’une barque de pêche du port de New York », fut formel : aucun navire des États-Unis ne s’annonçait au large, et donc aucune trace du débarquement massif allégué par Béthouart. (A suivre)

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