Le Parti du bon sens 97 : Le miracle…

Comme vous, Lhaj Miloud a le cœur gros… Un enfant est mort de la plus horrible des façons… Il a agonisé, des jours durant, sous les yeux d’un monde impuissant… Oui, le monde entier a pu suivre en direct les tentatives désespérées pour le sauver… Hélas, cinq jours après sa chute dans ce sinistre puits, il est mort… Mort d’avoir trop longtemps attendu… Ni les efforts surhumains qui ont été déployés, ni les moyens conséquents mis en œuvre, ni les prières d’une foule unie dans la douleur et le désespoir… Rayan est mort et enterré… Les croyants diront que le bon Dieu a rappelé son ange auprès de lui… C’est vrai que la foi aide dans ce genre d’épreuve terrible… Où on ne comprend plus… Où on se dit que quelque chose ne tourne pas rond, que c’est trop injuste… Parce qu’il en faut de la foi pour supporter l’insupportable et accepter la fatalité… Se dire que c’était « mektoub », et qu’il faut se plier à la volonté divine…

Le monde entier a rendu hommage au peuple marocain, à sa mobilisation et à sa dignité, à l’abnégation et au dévouement dont ont fait preuve les équipes de sauveteurs qui auront tout fait pour accomplir le miracle… Mais Lhaj Miloud, quant à lui, constate un sentiment d’inachevé… L’impression que quelque chose a foiré dans le dispositif mis en place pour essayer de sauver Rayane… Il ne s’agit pas de critiquer ou de sous-estimer les efforts des équipes… Certes, l’enfant aurait pu mourir instantanément, parce qu’il s’agit quand même d’une chute de 32 mètres… Et qui s’apparente peut-être à une lente glissade vu l’étroitesse du puits… Mais on sait qu’il n’en à rien été puisque les caméras introduites par les sauveteurs ont bien détecté les mouvements du corps… Il était donc encore vivant, quarante huit heures après sa chute…

Il aura attendu de longues heures durant qu’on vienne le chercher… Que les secours se mettent en branle et que les moyens soient mobilisés… Rien de plus désespérant que d’imaginer ce chérubin, seul dans le noir et le froid, gémissant de douleur, tétanisé par la peur et appelant désespérément à l’aide… Rien de plus poignant que de l’imaginer essayant de s’agripper en vain aux rebords humides et glissants de son piège mortel… Oui, l’enfant était vivant deux jours après sa chute… Dès lors, l’équation était à la fois simple et implacable, sachant qu’un être humain peut survivre trois minutes sans respirer, trois jours sans boire et trente jours sans manger… C’est un médecin qui a rappelé ce principe basique à une des nombreuses antennes de télévision présentes sur place… Une règle qu’aucun sauveteur ne saurait perdre de vue… Et pourtant !

Trois jours… Un adulte bien portant ne saurait tenir plus de trois jours sans boire sous peine de périr de déshydratation. Les équipes multidisciplinaires et hautement compétentes qui ont été mobilisées savaient donc exactement à quoi s’en tenir… La question insidieuse qui vient donc à l’esprit de Lhaj Miloud, comme à celui de toute personne pourvue de bon sens, est donc la suivante : pourquoi les sauveteurs ne se sont ils pas fixés comme deadline ce délai fatidique ? Ils ont avancé mètre par mètre, prenant toutes les précautions possibles et imaginables pour éviter le moindre faux pas, tout incident malencontreux qui aurait pu être fatal à l’enfant… On nous a rappelé, et à juste titre, que le sol était friable, qu’un effondrement pouvait se produire à tout instant… Les opérations ont été menées avec minutie et professionnalisme, alliant la science des ingénieurs topographes à l’expérience séculaire de Ba Ali, un maître puisatier chevronné et respecté…

Le seul hic, c’est que dans cette opération, le facteur temps était le critère déterminant… Parce que l’enfant ne pouvait pas survivre au-delà de 72 heures… Les équipes, qui continuaient inlassablement leurs tentatives, savaient donc pertinemment à partir de vendredi qu’elles ne pourraient sortir qu’un cadavre ! Parce que les tâtonnements et la panique des débuts ont fait que des heures précieuses ont été perdues avant que les professionnels ne prennent les choses en main… Et qu’à l’impossible nul n’est tenu ! Les sauveteurs ont soulevé des montagnes, au propre comme au figuré, en déployant des trésors d’ingéniosité et de patience… Privés de sommeil et refusant même, pour certains, de s’alimenter ou de se reposer avant d’avoir délivré l’enfant de sa terrible prison… Mais, avant l’heure, ce n’est pas l’heure et après l’heure, ce n’est plus l’heure ! Les heures perdues au démarrage de l’opération n’ont pu être rattrapées… Et les forces du petit ange l’ont abandonné… Il s’est éteint doucement, et aujourd’hui, le monde entier est en deuil… De Chefchaouen à Rabat et Paris en passant par Londres, Washington et Tel Aviv… A l’exception d’une seule capitale, dont je vous laisse deviner le nom! Minables jusqu’au bout, les pensionnaires du «Bouya Omar » voisin !

On y avait cru jusqu’au bout… Main hélas, de miracle il n’y en eût point… A moins que l’on ne considère comme véritable miracle, la communion inédite, la solidarité et la compassion dont ont fait preuve à cette occasion les pays et les peuples, les stars et les anonymes, les puissants et les faibles… L’histoire de Rayan aura permis au monde d’oublier ses problèmes et ses querelles permanentes pour se fédérer autour d’un enfant… La tragique mésaventure de l’enfant martyr a uni un monde éploré autour de lui… Il n’était plus question de religion, de race ou de statut social… Tout le monde s’est identifié à cet enfant qui était devenu le fils, le petit frère ou le petit-fils de chacun… Oui, c’est peut-être cela, le vrai miracle ! Il nous reste maintenant à agir pour éviter que ce genre de malheur ne se reproduise à l’avenir… Nos enfants doivent être protégés et ne doivent pas être livrés à eux-mêmes dans un environnement hostile…

Il n’est pas normal que des puits soient creusés en toute illégalité et ne soient pas rebouchés ou sécurisés… Un vaste chantier qui interpelle les autorités, les communes et les associations… Pour que la mort de Ryan ne soit pas vaine… Repose en paix, petit ange !‭

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