J’aime le mois de mai… Il y règne une atmosphère printanière… Enfin, le beau temps après la saison dite pluvieuse ! Oui, effectivement, c’est loin d’être le cas depuis quelques années, les saisons se suivant et se ressemblant comme deux gouttes d’eau… Nos infortunés paysans en savent quelque chose, eux qui ne savent plus comment faire face aux conséquences de l’inexorable changement climatique… Une pensée émue donc, en passant, à nos agriculteurs qui font contre mauvaise fortune bon cœur, avec fatalisme et humilité…
Et que tous ceux qui, confortablement installés dans leurs bureaux climatisés, n’en arrêtent pas moins de râler et de se plaindre du manque de photocopieuses ou de la qualité du café du distributeur, en prennent de la graine ! Qu’ils pensent à tous ces braves gens qui ne comptent pas leurs heures et ne ménagent pas leur peine pour nous fournir nos «cinq fruits et légumes» quotidiens… Mais revenons à nos moutons ! En mai donc, on peut enfin se découvrir sans crainte, après un mois d’avril indécis. Le ciel est bleu, la lumière éclatante et il flotte dans l’air des parfums suaves… Sauf dans les embouteillages, je vous le concède, où vous avez intérêt à entrer en apnée pendant de longues secondes pour ne pas inhaler les fumées toxiques de véhicules rarement aux normes ! On sent que les vacances approchent à grands pas et, cerise sur le gâteau, des arômes subtils viennent vous chatouiller agréablement les narines…
Il faut dire que c’est la période où des vendeurs de maïs grillés fleurissent à tous les coins de rue, en toute illégalité mais pour notre plus grand bonheur ! Des jeunes chômeurs, qui s’occupent comme ils le peuvent, prennent donc d’assaut chaque après-midi les endroits stratégiques du quartier…Ils y installent leurs étalages bancals recouverts d’épis de maïs gorgés de soleil et avantageusement mis en valeur! Même les automobilistes, qui pestent en permanence contre leur prétendue incivilité, ne manquent pas de passer commande à l’occasion, marchandant souvent comme ce n’est pas permis ! Curieusement, ce sont les propriétaires des grandes berlines qui rechignent à débourser 5 dirhams pour un épi de maïs grillé au charbon de bois et généreusement arrosé d’eau salé…
Des épis que ces pauvres bougres achètent 3 dirhams pièce et qu’ils arrivent rarement à écouler en totalité… Aux petits bourgeois qui trouvent la «marge bénéficiaire» trop large, je propose de s’approvisionner directement au marché et de faire griller leurs épis de maïs par la bonne dans le jardin de leur villa, au bord de la piscine…
Autrement plus bucolique, avec des économies «substantielles» en prime, n’est-ce pas ?
Quant à moi, je m’arrête chaque jour devant le même vendeur, toujours d’humeur égale, en dépit de sa condition précaire… Un jeune homme courageux qui se reconvertit périodiquement en fonction des saisons, tour à tour vendeur de «handiya», de «saïkouk» ou de melons…
Il propose sa marchandise sans jamais se départir de sa bonhomie, se faisant au fil du temps une clientèle d’inconditionnels… Un jeune homme qui m’a informé, au détour d’un échange, qu’il était bachelier et avait étudié à la fac de Ben M’sick pendant deux ans… Avant d’être obligé d’interrompre ses études pour aider les siens…
Et promettant, dans un large sourire, qu’il comptait bien les reprendre un jour… Lorsque les circonstances le permettront… Alors, si vous le croisez, les amis, n’hésitez pas à lui laisser quelques dirhams de plus… Il le mérite vraiment !