Notre langue maternelle…

Dès son plus jeune âge, le petit Marocain doit apprendre à «dompter» trois alphabets différents, l’alphabet arabe, l’alphabet latin et l’alphabet amazigh, le tifinagh… Qui dit mieux ? Des alphabets qui s’écrivent de droite à gauche ou de gauche à droite, selon le cas… Et qui sait, avec la normalisation en marche, on lui demandera peut-être bientôt de se mettre également à l’alphabet hébreu… De quoi y perdre son latin, n’est-ce pas ? Très tôt, il découvrira que sa langue nationale n’est pas sa langue maternelle, subissant ainsi un traumatisme culturel qui le marquera à vie !  Traumatisme majeur qui viendra s’ajouter à celui d’une circoncision tardive à un âge où l’enfant est particulièrement vulnérable… Contrairement à nos amis et cousins Juifs, qui la pratiquent une semaine à peine après la naissance… Si vous n’avez toujours pas compris pourquoi le Juif est apaisé et le musulman torturé,  voilà donc un début d’explication que Lhaj Miloud vous livre pour méditation en ces longues soirées d’hiver…  Last but not least, cinquante pour cent du programme scolaire sera consacré à l’enseignement du Coran, de l’éducation Islamique, des ablutions et de la Sunna…

On lui décrira les premiers temps de l’Islam et l’épopée du Prophète comme l’âge d’or de la civilisation Islamique… On lui expliquera que, dans sa grande mansuétude, notre religion tolère les croyants des religions révélées… C’est-à-dire qu’elle ne les persécutera pas, tant qu’ils rasent les murs, et que leurs lieux de culte restent discrets… Que l’Islam n’a rien contre les mariages mixtes, à condition qu’il s’agisse d’un mariage entre un Musulman et une  Chrétienne ou une Juive… Et à condition également que le mari s’engage à convertir sa chère moitié…  Et le plus tôt sera le mieux ! L’inverse étant Haram, cela va de soi !

On le convaincra, dans des mosquées surpeuplées, que les Musulmans sont persécutés sur terre et que  le Jihad est un devoir sacré pour tout Musulman adulte… On lui martèlera que l’application de la Chariaa est l’objectif suprême, et que le jour où la Oumma sera régie par la loi divine, tous nos problèmes se résoudront comme par enchantement… Ce sera l’Eden sur terre… Le tout, bien sûr, dans une langue qu’on lui affirme être sa langue maternelle, et qui, de toute façon, est une langue sacrée, la langue du Livre Saint… Donc, circulez, y a rien à voir !

Le Maroc a connu une politique d’arabisation de l’enseignement dont la plupart des observateurs objectifs s’accordent aujourd’hui à reconnaître les dégâts… Car la langue n’est pas neutre… Ce n’est pas seulement un assemblage de mots et de phrases… Elle véhicule une culture et des valeurs… Elle peut figer dans le temps comme elle peut ouvrir des perspectives, et créer des ponts vers les autres civilisations, vers le progrès et la modernité… La langue française était, jusqu’à la fin des années quatre-vingt, un instrument d’ouverture et de promotion sociale… Beaucoup de nos meilleurs cadres, qui ont porté à bout de bras nos administrations et nos entreprises, étaient issus de familles modestes et de villages du Maroc profond…

Lhaj Miloud en est une illustration concrète, lui qui a pu s’élever dans l’échelle sociale, et apporter sa modeste  contribution au développement du pays grâce à un enseignement bilingue et de qualité… Quelle régression depuis ! Voyez autour de vous… Ces jeunes bacheliers, issus de l’enseignement public, qui ne savent ni s’exprimer ni rédiger correctement ni en français ni en arabe !  Des « nilingues » qui ont le plus grand mal du monde à suivre les cursus de l’enseignement supérieur moderne… Des générations de Marocains ont été sacrifiées sur l’autel de l’arabisation, avec un ascenseur social définitivement en panne… Et un écart qui se creuse toujours davantage entre nos jeunes,  arabophones et francophones ou berbérophones… Jusqu’au jour où les frustrations, l’exclusion et les incompréhensions aboutiront à une grande impasse… Après tout, comme le français, l’arabe est considéré par les berbéristes purs et durs comme la langue d’un colonisateur…

Alors, « colonisateur pour colonisateur, laissez-nous choisir le nôtre », s’était écrié un célèbre écrivain maghrébin ! Boutade ? A peine ! Et de grâce, ne nous faîtes pas le coup de l’identité arabo-musulmane… C’est une insulte à notre diversité et à notre identité plurielle ! Alors, s’il vous plaît, arrêtons les dégâts, et rendons-nous à l’évidence! Nos langues maternelles sont la darija, le tachelhit, le tamazight et le tarrifitte…  Ce sont elles qui doivent bénéficier d’un enseignement prioritaire ! Quant à nos langues de travail et de communication externe, Lhaj Miloud propose de les choisir en fonction du besoin et de l’intérêt économique… Arabe, français, anglais, espagnol, allemand ou autres ! Sans sentimentalisme mal placé ni  nationalisme exacerbé ! Hassan II disait qu’était analphabète, celui qui ne maîtrisait qu’une seule langue ! C’était déjà dans les années quatre-vingt ! Et prions, en arabe classique, pour un monde meilleur… Encore que le bon Dieu apprécierait certainement que chacun s’adresse à lui avec les mots qui viennent spontanément et du fond du cœur… Ceux que sa mère lui a appris, dans sa langue maternelle !

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