Point de vue : La coupe est pleine

« Il n’est pire désordre en ce monde que l’hypocrisie des puissants » Georges Bernanos

Le championnat pour la coupe du monde de foot-ball au Qatar se déroule sous les meilleurs auspices. La cérémonie d’ouverture a été magnifique et le tournoi est en train de le devenir. Les terrains sont superbes et les pelouses des stades font rougir de jalousie les fins tapissiers. L’accueil et l’organisation sont au top niveau et l’ambiance est un plaisant festival de sons et lumières. Ceux qui le nient, sont vite désavoués par les visages radieux des supporters en liesse présents en terre qatarie et par un niveau de compétitions de grande facture faisant vibrer des stades pleins à craquer.

Le Qatar est au centre du monde ces jours-ci, malgré les commérages de ses détracteurs qui ne cessent de le qualifier de verrue collée au territoire de l’Arabie Saoudite et de pays à peine plus grand que la Corse.

Brahim, Neymar et le reste :

Aussi parfaite sera l’organisation de ce festival mondial du football, les politiques et les médias occidentaux chercheront à y trouver des failles et iront jusqu’à inventer le motif de la maltraitance des chameaux dans le désert après avoir épuisé tous les griefs possibles et imaginables. Ils ne lâcheront rien et le sujet reviendra sur les plateaux télé et radio et sur les manchettes d’une presse aigrie et agitée tant que le Qatar continuera à émerveiller le monde et que l’organisation sera chaque jour parfaite. Ils sont à l’affût du moindre couac, bien que la coupe soit déjà pleine de leur glaire vénéneuse. Ils n’arrivent pas à admettre qu’un pays arabe puisse être à la hauteur des grands événements et qu’il puisse se hisser au podium des pays développés.

Il y a 10 ans lorsque le Qatar avait été désigné pays organisateur avec probablement des connivences qui restent à prouver (avec le Président Sarkozy notamment), les assauts contre ce pays n’avaient pas la même intensité. Durant la décennie écoulée, le Gaz qatari n’a pas cessé d’irriguer les économies occidentales et les européens ont continué à dérouler le tapis rouge à ces richissimes arabes porteurs de contrats juteux et qui font jouer en prime des stars comme Neymar ou Messi au PSG, ou financent  les tiki-taka du F.C Barcelone.

Comme par enchantement, à la veille de l’ouverture du mondial, un ouragan de dénigrement médiatique et politique s’est abattu sur le Qatar. C’est dire que le réchauffement n’est pas uniquement climatique et qu’il peut  également causer le dérèglement des esprits surexcités. C’est le prolongement d’une attitude itérative d’un Occident moralisateur qui n’arrive pas à se débarrasser des clichés véhiculés sous la colonisation et bien après, réduisant l’arabe au sanguinaire serrant un couteau entre les dents, au bédouin errant dans le désert, au charlatan et au quidam qui ne tient pas parole. Tant de sobriquets qui ont servi les exactions d’une colonisation dite « civilisatrice » et qui ont motivé ses conquêtes, au même titre que le mobile du noir sauvage qui a servi à l’expansion de l’esclavage. Quant à l’arabe des temps modernes, c’est le gros cheikh distribuant des Dollars dans des soirées mondaines, l’émigré qui vient manger le pain des autres, ou le Mohamed ou Brahim (même berbère), l’épicier bien gentil et serviable, mais toujours suspect et dont les enfants sont de potentiels délinquants ou de futurs terroristes.

Faites entrer l’accusé :

L’Occident justicier voue aux gémonies un Qatar qu’il accuse d’être un Etat policier comme si ce pays avait présenté une demande d’adhésion à l’Union Européenne. Que l’on soit d’accord ou pas avec ce procès, la clause de démocratie a-t-elle jamais été une condition à remplir pour abriter une manifestation sportive mondiale ? Les occidentaux y répondent à leur façon en faisant honteusement l’impasse sur l’attribution de l’organisation de la dernière coupe du monde (2018) et des jeux olympiques d’hiver (Sotchi  2014) à la Russie et celle des doubles J.O d’été (2008) et d’hiver (2022) à la Chine. Deux pays qui ne sont pas à ma connaissance inscrits au registre des droits de l’homme. Pour argumenter leur délire, certains médias font même circuler que le Qatar impose une application, qui serait un moyen de subtiliser les données des utilisateurs, d’épier ces derniers et de connaitre leurs fréquentations. On recommande même aux supporters de faire disparaître toute application ou référence aux sites Lgbt ou sites de rencontres, synonyme de prison au Qatar. Hallucinant ! On aura tout dit sur cet Etat et sur ses valeurs. Sauf que pour une fois, la femme musulmane n’est pas mise en avant car libre de ne pas porter le voile et que le porc n’a pas été réclamé comme plat principal au menu des restaurants qataris. Un oubli peut-être. En guise de circonstances aggravantes, on reproche au Qatar d’avoir interdit aux spectateurs de consommer de l’alcool autour et à l’intérieur des stades, ces mêmes pourfendeurs  européens qui ne cessent de fustiger la consommation de ce breuvage durant les compétitions sportives chez eux, le qualifiant de carburant des violences et de l’insécurité, se donnent le droit d’incriminer le Qatar pour avoir privé les supporters de cet « élixir de jouvence » et de porter en conséquence atteinte aux libertés individuelles.

Voilà une contradiction flagrante avec l’objectif du sport et sa devise « un esprit sain dans un corps sain», que l’Occident vit tous les jours dans ses stades envahis de publicités de marques d’alcool, entrainant une perception favorable à sa consommation sans se soucier des conséquences désastreuses sur la jeunesse et sur la santé publique. Ceci étant, les contempteurs du Qatar, ont sciemment oublié de donner un tout petit crédit à ce pays dans la mesure où il n’a pas interdit le sponsoring d’une grande marque d’alcool, ni sa promotion dans les stades.

Mais le Qatar n’est pas au bout de ses sacrilèges. Comment se permet-il de ne pas offrir une tribune au mouvement Lgbt en terre musulmane et d’interdire aux joueurs et spectateurs d’exprimer leur soutien au libertinage en brassard ou en tenue aux couleurs arc en ciel dont ce mouvement s’est accaparées?  

S’agissant de l’exploitation d’une main d’œuvre dans des conditions de travail et de vie « insupportables et inhumaines », l’on est en droit de se demander à qui  profite ce crime si ce n’est aux grandes entreprises occidentales qui se servent dans le coffre de la générosité qatarie. N’est-ce pas une filiale du Groupe Vinci qui a été mise en examen par la justice française au sujet des conditions de travail de ses ouvriers au Qatar ?  Il est vrai qu’au cours des dix dernières années, les rapports faisant état de l’exploitation du travail des migrants se sont multipliés, avec l’appui en 2014, d’une plainte des syndicats internationaux auprès de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Les négociations avec cette Institution ont conduit à des  avancées  notables dans l’amélioration du cadre de vie et de travail de centaines de milliers d’ouvriers au Qatar, mais les médias et politiques occidentaux n’en ont cure.

Et puis quoi encore ?

Bien des choses aussi hilarantes que saugrenues! Même si la FIFA a permis au Qatar d’organiser le mondial en cette fin d’automne, nombreux sont les envoyés spéciaux des médias occidentaux qui continuent à vérifier si la climatisation est en marche dans les stades pour persister à blâmer l’impact carbone de ces jeux. Ils vont même jusqu’à faire le décompte du nombre d’avions et de véhicules utilisés pour transporter les supporters. A les voir tenir ces balivernes, on finirait par croire que lors des précédentes éditions de la coupe du monde, les supporters s’étaient rendus aux pays organisateurs à pieds, à bicyclette, à la voile ou en planeur. Sur un plan financier, de nombreux observateurs occidentaux ont invectivé le Qatar pour la somme considérable (220 Milliards de Dollars) consacrée à l’organisation du Mondial. En réponse, je les renvoie à la célèbre réplique de Feu Hassan II à l’endroit d’un journaliste étranger ayant osé lui demander combien avait coûté les festivités de la fête du Trône :

« Quelles que soient les dépenses occasionnées, ça ne vous regarde pas…. on ne vous a jamais présenté la facture ».

Plus étonnant encore et comble de l’absurdité, un reporter sportif  d’une chaine TV française si chère à Eric Zemmour a même estimé qu’il y avait trop de mosquées au Qatar. A-t-il fait le compte des églises en France? Non, bien entendu ! Pour lui, Dieu n’est pas du tout le même sous tous les cieux ! Pour peu, il aurait fait une aussi brillante observation en constatant qu’à Doha, il y avait également trop d’arabes.

Cerise sur le gâteau, on accuse la FIFA de connivence avec le Qatar. La réponse de G. Infantino Président de cette Instance est venue aussi audacieuse que poignante: « Les critiques sur le Mondial sont hypocrites. Pour ce que nous, les Européens, avons fait au cours des 3000 dernières années, nous devrions nous excuser pour les 3000 prochaines années avant de donner des leçons de morale aux autres. Ces leçons de morale sont justes de l’hypocrisie ». Infantino servira à monter la mayonnaise des débats et commentaires pervers des divers médias qui réclameront sa tête. Macron qui constate dans un Tweet  en marge du dernier match de l’équipe de France, que « des changements concrets sont à l’œuvre » (sans être précis) tout en apportant son soutien au Qatar, n’est pas épargné non plus par la cavalcade populiste de ses adversaires qui lui reprocheront à jamais d’avoir fait outrage à la nation.  

Rendre au Qatar ce qui appartient au Qatar

Je ne défends point le Qatar. Je réagis juste contre les deux poids deux mesures dans le traitement des Hommes, des événements et des pays par un Occident aveuglé par sa suprématie outrancière. Ceci étant, il faut quand même reconnaître au Qatar d’avoir posé les questions justes et appropriées pour concevoir sa stratégie de développement et se faire une place au soleil: Qui sommes-nous ? Comment devons-nous être? Comment y parvenir? Par le gaz certainement, mais pas uniquement, puisque le Qatar a compris que cette ressource n’est pas éternelle.

Ce pays a eu l’intelligence de créer un Fonds d’investissement souverain (QIA), son bras financier qui lui a permis de se positionner dans une multitude de secteurs dans lesquels il a placé quelques 460 milliards de Dollars. Même le secteur de la haute « fashion » en France n’y échappe guère, comme  c’est le cas également de l’hôtellerie parisienne du luxe. Parallèlement, le Qatar a investi le monde du Soft Power  en misant sur le monde de l’image et de la télévision (Groupe de la Chaine Al Jazeera) ainsi que sur le sport  (Groupe de  la chaine Bein sport). Deux créneaux qui permettent au Qatar d’être présent dans toutes les contrées du monde. Le Qatar a gagné en visibilité ce qui lui permet de jouer dans la cour des grands, rendant impossible sa disparition tant redoutée par ses Emirs et ses partenaires.

Le Qatar (comme d’ailleurs les Emirats Arabes Unis), offre de surcroit une source d’inspiration pour les autres pays arabes notamment du Maghreb, au moins pour poser les mêmes questions sur leur destinée et sur la manière d’y parvenir tout en y apportant les réponses idoines. Il est clair que les Etats du Maghreb ne disposent pas des mêmes atouts (sauf l’Algérie), mais une politique économique intégrée aux ressources diversifiée aurait pu conduire ces pays vers une situation plus confortable et pourquoi pas, réussir ensemble un jour le pari d’organiser une coupe du monde.

Mais l’Algérie qui dispose de richesses gazières à profusion et qui devait suivre le même chemin emprunté par les pays du Golf et contribuer par voie de conséquence à conduire la Région vers un avenir prospère, reste rivée au passé, sème la discorde et dilapide les fonds de sa fortune gazière dans la course aux armements et la défense des causes perdues. Cette fois-ci, la coupe n’est pas seulement pleine, elle déborde !

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