Ramadanesques

Comme chaque année, nous assistons à une transition matérielle dans un continuum espace-temps débordant de spiritualité, aspirant aux bénédictions de l’Eternel et implorant la miséricorde, l’absolution, et la pleine rémission. Ramadan … ce mois de restrictions sévères qui coïncide avec nos épreuves professionnelles les plus douloureuses … Voyez-vous, beaucoup se complaisent dans les propos douçâtres qui font l’éloge de l’acte et font miroiter euphoriquement ses vertus spirituelles et thérapeutiques, d’autres perpétuent machinalement l’acte et s’insèrent dans l’approche anthropologique et folklorique qui reflète leur apathie spirituelle … d’autres décrochent complètement … Bref, à chacun son Ramadan. Pesons nos mots et tempérons nos esprits ! La contrariété atteint son apogée avec l’état d’urgence sanitaire et ce confinement nocturne imposé, une situation visiblement sensible et irritable … Comment rompre avec la rupture pour être dans la continuité ? Comment se situer dans le temps alors qu’il nous accable et absorbe ? Comment faire preuve d’empathie alors que l’égoïsme rôde partout ? Comment garder des pensées fluides et fécondes avec une coupure d’alimentation ?

Et cette ambiance ramadanesque ? En temps normal, vous assistez à une querelle qui dégénère en rixe, c’est normal, vous y assistez au mois de Ramadan, c’est de la ‘‘ramadanite’’ ou ‘‘Tramdine’’. Mine contrariée, grimaces convulsives, une apparence misérable : notre congénère surexcité est partagé entre le sentiment du devoir spirituel et la contrariété de l’assujettissement aux usages. Il est à la recherche de la petite bête, voire de la bête noire, pour s’en prendre à ses semblables et purger l’acrimonie de ses humeurs. C’est le genre de créatures à qui on devrait accorder une dérogation absolutoire pour qu’elles aillent cuver leur rage ailleurs.

Et ce confinement nocturne ? Une option contrariante, une condamnation carrément de nos habitudes et de notre habitus … Si l’on comprend bien, le virus jeûne lui aussi et il doit certainement roupiller le jour, par contre, il s’épanouit bien le soir. A vrai dire, la délectation de Ramadan est vicieusement nocturne, après la rupture du jeûne, et jamais diurne. Vous vous souviendrez plus de vos activités et escapades nocturnes et beaucoup moins de vos peines journalières, mais là c’est le forfait-Ramadan : jeûnez et terrez-vous comme des cloportes. D’un autre côté, et avec un brin de chauvinisme et de foi, vous vous efforcez de regarder les programmes et les séries ramadanesques au goût de chiottes, un vrai supplice de la platitude dont vous êtes conscients mais que vous vous refusez d’admettre par complicité accablante, un danger pour vos propensions naturelles.

C’est un abonnement à perpète, on dirait : toujours les mêmes tronches, les mêmes balourdises, les mêmes grimaces et singeries à vous couper l’appétit. Il faudrait être un crétin avéré pour passer 30 jours à consommer ça. On se demande toujours qui c’est le malin qui nous impose ça chaque année … C’est le genre de question politiquement incorrecte, mais au final, on a l’impression que Ramadan rime avec conneries télévisées et que la rupture du jeûne ne s’accomplit que par la crétinisation.

Beaucoup sont en proie à la faim et la soif et ne peuvent pas trouver une explication logique à cela. Comment visualiser le pesant spirituel de ce supplice ? Un proverbe dit bon repas doit commencer par la faim … C’est notre consolation pour l’instant.

Traduire / Translate