La violence a toujours fonctionné comme une industrie socialisée et institutionnalisée aux étendues tentaculaires et intimidatrices … des fois on a l’impression qu’elle vire au ludique et à l’absurde, un exercice ressenti comme un exutoire à un malaise social, comme, entre autres, se défouler sur les foules. C’est une manière de s’expliquer et d’expliquer les choses en s’enfermant dans une logique insane. C’est quand même assez surprenant de constater que la violence n’est que la face cachée du concept illusoire de la sûreté. Les contractuels ! Hypothéqués, ils ne font que prioriser leur carrière en caressant l’espoir de se voir réhabilités, tandis que le système, face à des intérêts divergents, est prêt à se salir les mains et la conscience. Visiblement, le délire et le cauchemar ne faisaient que commencer et le premier passage au tabac n’était qu’un avant-goût des intentions, un prélude correctionnel, et là vous avez quand même l’impression que nous manquons affreusement de civilisation, surtout que nous nous sommes offerts en pâture à l’indignité et à la honte du monde.
Les bastonnades données dans la jouissance grossière et perverse, les coups de pied en vache, les coups de patte, les claques, les rafles exhibitionnistes, on dirait une séance de défoulement jubilatoire. Et puis merde ! – ce ‘‘grand mot’’ qui nous ‘‘console de toutes les misères humaines’’, comme disait Flaubert – Avec cette pandémie de merde, il ne manquait plus que ça : passer d’un extrême à l’autre et pousser le bouchon trop loin. Et cette violence salope destinée à rudoyer les femmes et à les tripoter et peloter comme des mascottes, c’est de la perversion affichée … Probablement en manque de prestations particulières nécessaires à leur équilibre psychosomatique, les pervers déploient leurs pratiques hors normes comme une vengeance de leurs traumas ou de leur vie de merde. De toute évidence, il ne manquait à ces bourreaux vicieux que le besoin de bisouter et de dégrafer leurs braguettes pour apaiser leurs hormones bestiales.
Tout le monde cherche à défendre ses intérêts, mais quand c’est un prof qui le fait, ça fait chier le monde juste parce qu’il veut rester fidèle à sa cause. Reconnaissons que nous assistons au drame et à la dégradation de ce métier. Exercer le métier d’enseignant c’est comme rôtir le balai ; on ne fera jamais fortune, ni des étincelles, avec ce métier. En tabassant, on perpétue les mêmes peurs paniques et endémiques, et à défaut d’être des années de plomb, ces années seront les années de matraque.
Le diktat, politiquement correct, exige que les profs se rétractent et présentent des excuses pour avoir commis la grossière erreur d’ouvrir leurs gueules et de charrier, mais qu’il se rassure, nous sommes tous coupables par association, et les excuses, absolutoires ou pas, on peut s’en torcher.
Essayons de comprendre le concept autrement … Il ne s’agit pas de déglinguer les enseignants, mais plutôt l’enseignement, et les apprenants sont absurdement pris en otage. D’un point de vue éthique et existentiel, c’est déconcertant, mais les bourreaux oublient que même avec le dos à moitié brisé, un guerrier peut ramper à plat ventre et poursuivre la lutte jusqu’au dernier souffle. Tout le monde est prêt à digérer l’impassibilité du tuteur, mais, de grâce, qu’on manifeste tout le respect que ce métier mérite; la violence n’est qu’une volonté de museler les masses et d’étouffer l’affaire, et les francs pourparlers valent mieux que les parties de bras de fer.