Vivre à Casablanca et y mourir

Comme la violence, le foot et le sexe, l’insécurité est une industrie salutaire pour l’autorité. Elle représente ce qui vous hante le plus dès que vous sortez de chez vous jusqu’à votre retour. C’est une sorte de diversion préméditée qui vous plonge dans l’angoisse pour vous détourner de l’essentiel.

Deux indices de l’insécurité, les gardiens de voitures et les mendiants. Dans un pays où les ratés, les ringards et les repris de justice veulent s’occuper de la sécurité de votre bien, eh bien sachez qu’il y aura toujours parmi eux des sous-merdes qui viendront plomber votre humeur et saper votre vie, si ce n’est votre journée. Ils ont tous de la merde à la place du cerveau. Comme ils sont au bas de la chaîne sociale, ils veulent avoir de l’ascendant sur vous. Vous leur rappelez ce qu’ils détestent le plus dans ce pays : vivre décemment. Personne ne sort du lot ; ils ont tous des histoires tragiques et piteuses, mais on ne peut pas non plus se taper et cautionner toute leur misère. Leur seul argument à la con, c’est faire ça ou aller foutre le bordel et terroriser le monde. Deux options, soit vous êtes complice(s), soit vous êtes factieux. Bref, leur vie pathétique ne les dispense pas de la prendre en mains.

Et les mendiants … lls pullulent comme des rats et vous donnent l’impression que vous êtes au pays des gueux. Donnez-leur autant que vous voulez, vous ne réglerez jamais leurs problèmes ; ils sont là à vie. Reconnaissons que c’est une misère que nous engraissons avec notre solidarité foireuse ; plus on donne, plus on se complait dans l’illusion et dans l’erreur. Et eux, plus ils en reçoivent, plus ils en veulent … et ça repart comme en quatorze. Tout le monde est mécontent, mais tout le monde simule muettement une satisfaction égoïste. C’est de cette manière-là que nous subissons et cautionnons la fatalité de cette misère. En parler ne veut pas dire régler le problème pour autant, alors pestez comme bon vous semble, ce sera juste la buée de votre haleine que vous allez recevoir pour dissiper votre illusion. De là, vous pourriez vous rendre à l’évidence que la misère est faite et entretenue pour vous dégriser de votre enchantement et vous faire vivre l’enfer sur terre.

Et puis cette ville de Casablanca, complètement bigarrée, on dirait un cocktail Molotov prêt à exploser. Avec tous les chantiers qu’il y a à Casablanca, vous avez l’impression qu’elle ressemble à Kandahar ou Falloujah : elle est en reconstruction comme si elle a subi des bombardements intensifs. Casablanca, une ville salope qui a du chien et qui peut vous offrir une chienne de vie ou même une vie de chien. Comme un hôpital qui entretient les maladies, Casablanca entretient les folies et les misères des gens. C’est l’équivalent d’un foutoir ou d’un dépotoir.  Et pour couronner ce beau bordel, les vols à l’arraché et les agressions. Vous et votre bien êtes une cible parfaite pour ce ramassis de racaille qui ne fait que pomper l’oxygène en espérant se reproduire et perpétuer une espèce véreuse. Sans demander la permission, ni pardon, ils soldent leurs comptes avec la société à travers vous.

Casablanca a perdu son âme d’antan, et les seuls coins où ça continue à vibrer encore, c’est les bars et les boîtes de nuit : un monde à part où ça putasse et ça salope à fond. Des fois, vous avez l’impression que Casablanca, comme votre vie, ressemble à une gueule complètement balafrée. La qualité de vie y est au degré zéro et vous y moisissez lentement mais affreusement. Continuer à vivre à Casablanca, c’est comme s’assurer d’une crise cardiaque ou du moins d’un ‘pétage de plomb’.

Casablanca ou ‘Casa Negra’, ‘Casa by night’ ou ‘Casa day light’, des titres ou des surnoms allégoriques pour travestir nos sentiments vitaux et nos dissentiments d’idées et d’opinions. Au diable !

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