Absolution absolue

Le PJD serait bien inspiré de changer d’emblème. Mettre une lessiveuse à la place de la lanterne pour symboliser le  talent très éclairant, par ailleurs, qu’il a montré pour blanchir deux de ses ministres, Mustapha Ramid et Mohamed Amekraz, pourtant coupables tous les deux d’un gros délit social qui a défrayé la chronique.      

Ils ne sont pas fautifs. Et donc n’ont rien à se reprocher. Il faut même décerner la médaille de la bravoure à ces valeureux ministres du PJD !  C’est ce qui ressort de la lecture du dernier communiqué du secrétariat général du parti relatant les conclusions  du rapport de la commission Intégrité et Transparence au sujet de cette affaire Ramid et Amekraz, qui n’ont pas déclaré leurs collaborateurs à la CNSS.

Tout en reconnaissant à demi-mot que la non-immatriculation à la CNSS  des  salariés est illégale et relève de la responsabilité de l’employeur, Al Othmani et ses frères n’ont pas hésité à absoudre leurs congénères mis en cause: Le ministre de l’Emploi qui a même été félicité pour avoir agi avec célérité pour rectifier le tir « et se conformer à la loi » en déclarant en catastrophe les deux assistants de son cabinet d’avocat à la Caisse et le ministre d’État en charge des Droits de l’homme et des Relations avec le Parlement pour avoir « pris en charge une grande partie des frais médicaux de la défunte (Jamila Bichr, son ex-secrétaire) tout au long de sa maladie, avant que l’affaire ne soit révélée dans les médias et les réseaux sociaux ».

Et pour parer le comportement indigne de MM. Ramid et Amekraz, des atours de la vertu, les défenseurs de l’injustice sont allés jusqu’à conclure que «Mustapha Ramid et Mohamed Amekraz n’ont pas manqué aux règles d’intégrité et de transparence liées à la gestion des affaires publiques et à leurs responsabilités publiques.» Évidemment, ils étaient dans leur droit de violer le droit et tous ceux qui ont osé dénoncer par voie médiatique leur comportement indigne n’ont fait que  « surfer sur la vague pour mener une Kabale contre le parti ». Ce sont ces esprits malveillants qui confondent PJD et PJ, qu’il conviendrait de juger en leur demandant des comptes !

Ce chef d’œuvre de fuite en avant, d’indécence et du déni du droit dévoile une autre compétence des islamistes au pouvoir : rendre licite, moralement et politiquement correct ce qui est interdit et illégal….

Quelle grande fatwa, admirable de rectitude et d’objectivité  ! Ce chef-d’œuvre de fuite en avant, d’indécence et du déni du droit et de la loi dévoile une autre compétence des islamistes au pouvoir: rendre licite, moralement et politiquement correct,  ce qui est illégal et appelle au moins à la démission des accusés au lieu qu’ils se cramponnent indignement à leurs maroquins en s’en remettant  aux leurs, à la fois juges et parties, pour être absous sans même faire pénitence !  

En tant que principal parti de la majorité, le PJD  devrait, dans ces conditions, déclarer qu’il ne souscrit pas au principe constitutionnel de la suprématie de la loi, que par conséquent, tout individu, de préférence un responsable islamiste, ayant violé la loi, peut fixer lui-même, après le décès de la victime exploitée à fond de son vivant,  le montant de l’aumône à accorder aux ayants-droit pour étouffer le scandale, et qu’il  mérite de ce fait le soutien du PJD et même des félicitations publiques même s’il ne s’acquitte pas de ses obligatoires sociales ou fiscales. C’est magnifique, non ? Ce n’est pas donné à n’importe qui de se fendre d’une telle jurisprudence qui mérite d’être enseignée dans les écoles de la mystification politique.  

En défendant l’indéfendable au nom de l’aphorisme insensé qui leur est très  cher (soutiens ton frère, qu’il soit victime ou agresseur »),  les islamistes se trahissent encore une fois et lèvent un coin du voile  sur la nature de leur idéologie que les plus avisés des citoyens connaissent parfaitement. À savoir que cette enseigne ne reconnaît que l’obole, la fameuse sadaka, comme valeur suprême. Celle-ci représente en effet l’alpha et l’oméga de sa politique caritative déployée en underground, via une flopée d’associations,  dans les quartiers populaires et périphériques, à coups de prise en charge des frais des obsèques, de circoncision et de scolarité des enfants, d’achat du mouton de l’Aïd, des médicaments, etc. C’est cette politique de la sadaka à la petite semaine qui lui a permis d’accéder au pouvoir en 2012 et de s’y maintenir jusqu’à aujourd’hui. Cette stratégie qui prospère toujours sur le terreau fertile de la pauvreté et de l’exclusion, les islamistes la conduisent depuis qu’ils sont aux affaires avec les moyens de l’État (les communes qu’ils contrôlent dans leur majorité, les secteurs sociaux via l’Entraide nationale, placés sous leur férule notamment …). Cerise sur le gâteau, cette générosité douteuse, menée avec l’argent des autres, est aux antipodes des préceptes de la religion dont Ramid et ses amis se réclament qui recommandent pourtant la discrétion et  le désintérêt dans toute «bonne action». Ce qui est loin d’être le cas du PJD dont le moindre petit soutien social est utilisé comme levier pour siphonner les voix électorales des exclus et des démunis dont ils font des obligés à chaque rendez-vous électoral.

La compétence et l’expertise qui ne sont pas islamistes,  ils s’en foutent comme de leurs premières babouches dès lors que les autres sont là pour gérer le pays en s’occupant des grands dossiers, ce qui ne les empêche pas d’en tirer indûment le bénéfice politique… Ainsi va l’islamisme au pouvoir. Du pipeau. Un bide total. Un vide sidéral. Une vertu virtuelle.

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