Au-delà du cahier des charges de la Fifa…

Le Maroc a trouvé son cap stratégique ou de bonne espérance : la coupe du monde 2030. L’échéance de tous les défis pour une nation qui s’est résolument projetée dans cet avenir proche, porteur pour la société  d’une transformation tous azimuts qui a déjà commencé, notamment dans le domaine des chantiers structurants.
On  a vu comment  Casablanca embellit et se met à niveau, au grand plaisir des habitants, à la faveur de l’arrivée de Mohamed Mhidia, un wali fonceur qui a sorti la métropole d’une longue léthargie en bousculant des élus habitués à une autre façon de faire… Question de méthode et de vision. La vision d’un  Roi, un grand Roi, Mohammed VI, qui  n’a pas attendu que la FIFA confie l’organisation du Mondial 2030 au trio marocain, espagnol et portugais pour préparer  son royaume à jouer dans la cour des grands. Preuve, la mue urbaine de Rabat  et de Tanger conduite sous la houlette du même Mhidia. Les jalons de la métamorphose de la capitale ont été  posés par le programme de développement de la ville 2014-2018 « Rabat ville lumière, Capitale marocaine de la culture ». Résultat : Rabat n’est plus cantonnée dans le statut de capitale qui abrite seulement  son centre politique et  les administrations du pays. Rabat est aujourd’hui une cité rayonnante, qui a reconstruit son identité autour de la densification de son offre culturelle, le renforcement de son image écologique et l’amélioration des facteurs d’accessibilité aux différents services urbains. Tanger n’est pas en reste, qui a été bercée elle aussi  par les vagues du renouveau rehaussé par la ligne à grande vitesse, le fameux Bouraq, qui relie Casablanca et Rabat en passant par Kenitra.T rait d’union entre l’Atlantique et la Méditerranée, point de rencontre entre l’Europe et l’Afrique, Tanger a réussi à se réapproprier sa vocation de carrefour stratégique de premier plan. Elle n’est plus cette ville décrépie et marginalisée, recroquevillée sur elle-même et balayée par les vents du chergui qui font fuir les estivants, vivant seulement de trafics divers depuis qu’elle a perdu en 1956 son statut international. Implantation d’enseignes hôtelières et commerciales étrangères. Émergence d’immeubles modernes et de nouveaux quartiers résidentiels avec des malls à taille humaine. Artères agrandies, trémies, ponts et nouveaux ronds-points construits…
Pôle économique stratégique avec ses atouts touristiques indéniables, son fort potentiel agricole et la richesse de sa filière halieutique, Agadir est en train de vivre à son tour une belle renaissance sur tous les plans, à la faveur de son programme de développement urbain d’un montant de 6 milliards de DH, lancé en février 2020 par le souverain et dont les nouveaux acteurs locaux, l’équipe  communale pleine de bonne volonté et le dynamique  wali de région Saaid Amzazi, s’emploient  à  concrétiser les projets de mise à niveau.

Le Maroc doit s’appuyer sur le cap 2030 pour  gagner une autre bataille non moins cruciale, celle des normes où  le pays cumule bien des insuffisances rédhibitoires dans bien des secteurs.


Rabat, Tanger, Casablanca, trois grandes villes, dont les stades  abriteront les matchs du mondial 2023, mises sur les rails de la transformation urbaine. Reste une autre cité et non des moindres, Marrakech, la perle du sud, également ville hôte du mondial 2030.
Si la première destination touristique du Maroc arrive à maintenir son attractivité, au grand bonheur des prestataires de service du secteur, il est indéniable que la ville pâtit d’un certain de dysfonctionnements urbains, notamment les embouteillages qui rendent la circulation chaotique et les problèmes épineux de stationnement. Un projet d’un parking à étages, approuvé en 2016 par la mairie et qui  curieusement n’a toujours pas vu le jour,  contribuerait sans doute  à résorber ce point noir.  
Côté mobilité, il y a un pari courageux à tenter pour protéger le principal capital de la ville, en l’occurrence Marrakech intra muros qu’il s’agit éventuellement de transformer, sinon en totalité du moins partiellement, en zone piétonne. Un centre-ville sans circulation automobile est un pur bonheur et tout bénef : réduction des nuisances, amélioration du cadre de vie des habitants et des touristes, encouragement des déplacements à pied et stimulation du commerce. Joyaux du tourisme mondial, Marrakech gagnerait à emboîter le pas aux  villes qui ont déjà  adopté la piétonisation  de leur « downtown » en ligne avec les exigences du développement durable. En attendant, le Maroc doit s’appuyer sur le cap 2030 pour  gagner une autre bataille non moins cruciale, celle des normes où  le pays cumule bien des insuffisances rédhibitoires dans bien des secteurs. A commencer par celui hautement sensible de la restauration- la dernière intoxication mortelle de Marrakech est une sérieuse alerte- qu’il s’agit de réorganiser en profondeur dans sa partie commerce de bouche qui échappe  scandaleusement aux règles d’hygiène et de contrôle. Ce sont toutes ces enseignes improbables de bouffe populaire à la sauce marocaine que sont les snacks, gargotes, boui-boui, rôtisseries, sandwicheries mobiles  et autres laiteries qui ont essaimé un peu partout à travers le territoire. Ces commerce de bouche , très peu regardants sur la propreté, l’origine de leurs produits et leurs dates de péremption, encore moins leur composition, ont besoin d’une véritable reprise en main afin de les mettre en conformité avec la réglementation ERP ( établissements recevant du public) en termes d’hygiène, accessibilité, sécurité des clients et du personnel… Tout un programme qu’il va falloir déployer étant entendu que  la coupe du monde de football est un moment unique de convivialité planétaire  qui remplit les hôtels, cafés, lieux de restauration, bars et autres magasins…Il faut faire en sorte que la gastronomie marocaine, atout important du patrimoine national, soit au cœur de la fête du mondial, loin de tout  couac ou mauvaise surprise. Une fête qui se déroule principalement  au-dehors, dans la rue et au contact de la population. Dans ce sens, les élus ont un rôle crucial à jouer en créant des espaces urbains de qualité, inclusifs et accessibles à tous. Dotés aussi des lieux de détente et de divertissement  et qui favorisent les interactions sociales. En un mot, le défi, par-delà le cahier des charges de la Fifa en termes d’exigences infrastructurelles, est de faire émerger dans la perspective 2030 des Villes Accueillantes et hospitalières, agréables aussi bien pour les habitants que pour ses visiteurs. Belle ambition. Pari jouable.

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