Biden, le retour de l’Amérique

L’Amérique raisonnable est de retour, au grand soulagement des Américains et du reste de la planète. Cette Amérique-là porte un visage sympathique, souriant et rassurant : Joe Biden. C’est le visage de l’espoir d’un pays très divisé dont le nouveau président démocrate veut tourner la page trumpiste en l’engageant de nouveau sur le chemin de l’unité mise mal par l’ère Trump. Il faut dire qu’en quatre ans de pouvoir, le républicain Donald Trump, qui continue à crier à la fraude électorale en refusant de reconnaître la victoire de son rival, a réussi à coups de gestes imprévisibles et politiquement incorrects, voire irrévérencieux et outranciers à bouleverser dans le mauvais sens les codes de la politique en interne et à l’international. C’était sa façon de gouverner, un mélange de populisme, de culot et de provocation, une personnalisation du pouvoir dans une démarche narcissique et d’entretien du culte du chef, poussée à l’extrême.

Avec lui, tout était permis, n’hésitant pas à pousser le dédain jusqu’à s’asseoir sur la loi et les règles de droit. Si cette façon de faire plaisait à son électorat qui voyait en lui un bon président, elle a choqué jusque dans son propre camp et révulsé les alliés traditionnels de l’Amérique notamment européens qu’il prenait un malin plaisir à malmener devant les caméras. Détracteur du multilatéralisme (retrait des USA des Accords sur le climat, de l’UNESCO, de l’OMS…) qu’il n’a cessé de déstabiliser et farouche partisan du protectionnisme (guerre commerciale avec la Chine et l’Europe), ce produit de la téléréalité américaine à la moue spéciale, la mèche toujours rebelle à l’image de son tempérament d’enfant terrible, a été au fond battu par le coronavirus. N’était le « virus chinois» comme il l’a surnommé qui en quelques mois a réduit à néant son bilan économique très défendable et tué plus de 230.000 Américains, le magnat de l’immobilier se serait certainement offert le second mandat auquel il tenait comme à la prunelle de ses yeux. Pour preuve, il a recueilli au moins 68 millions de voix, soit cinq millions de plus qu’en 2016.

Ce qui montre que sa popularité est restée intacte et qu’il a même réussi à élargir son audience électorale ! Reste à savoir si le trumpisme en tant que phénomène politique survivra à son promoteur et si ce dernier n’est pas tenté par une nouvelle candidature en 2024, au cas où il ne serait pas rattrapé par une kyrielle de procès engagés contre lui en plein mandat. Nourrir l’ambition d’un retour aux affaires ressemble fort bien à son tempérament de bagarreur, plus enclin à vouloir prendre sa revanche qu’à devoir accepter la défaite. En attendant, il est visiblement bien décidé à perturber le processus de passation de pouvoir et à ne pas faciliter la tâche au vainqueur…

Il faut bien reconnaître que le trumpisme, gouvernance du chaos, a fait des dégâts dans le monde que  Joe Biden aura fort à faire pour réparer. S’il est un continent qui ne regrettera pas Donald Trump c’est bien l’Afrique qui n’a guère fait partie tout au long de sa présidence de l’agenda politique du président US battu.

Le continent n’oubliera jamais sa grossièreté, « pays de merde », qu’il a utilisée pour qualifier Haïti, Salvador et plusieurs pays africains lors de son évocation en janvier 2018  d’un projet visant à limiter le regroupement familial et l’accès à la loterie pour la carte verte. Le même mépris, il l’a affiché et exercé à l’égard des Palestiniens tout en faisant siennes les positions de Benyamin Netanyahou. Le point d’orgue de cette attitude pour le moins irresponsable aura été sa reconnaissance, dans une entorse flagrante au droit international et des résolutions onusiennes, de Jérusalem capitale d’Israël et le déménagement de l’ambassade US dans la ville sainte. Son dernier coup de force a pour nom trompeur le « deal du siècle », censé régler le conflit israélo-palestinien alors qu’il n’est en fait qu’un soutien des vieilles revendications de la droite messianique israélienne en faveur du « Grand Israël » sans Palestiniens ! Les dindons de la farce de ce pseudo plan de paix, rejeté avec véhémence par les dirigeants palestiniens, sont les Emirats arabes-Unis et Bahreïn qui ont cédé au forcing trumpien en signant chacun en septembre dernier un accord de paix avec l’Etat hébreu. La présidence Biden, dont la bonne volonté ne fait aucun doute, sera beaucoup moins apaisée que ne l’a été celle de son prédécesseur. Reste à savoir si le nouveau locataire de la Maison-Blanche, confronté à de nombreux défis intérieurs et extérieurs, aura assez d’énergie pour restaurer la grandeur de l’Amérique et faire oublier les errements des années Trump…

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