Déclin scolaire en mode accéléré

Le made by Morocco existe!  Le Canard l’a rencontré au détour de quelques microtrottoirs diffusés sur les réseaux sociaux, où certains candidats livrent leurs réactions à chaud à la sortie de l’examen. Rien d’instructif. Ni de constructif. Pas la moindre once de phrase correcte. Pour la plupart, ils parlent de triche en se désolant que la surveillance était trop draconienne à leur goût. Le ton est plus léger que l’air. Volontiers insignifiant…Mon Dieu, quel désastre !

Le langage des sondés est proprement effarant. Entre dialecte national et langue de la rue, teintés de clownerie, à les écouter, on ne dirait pas des bacheliers qui préparent leur avenir, mais des sauvageons, ces individus qui n’ont reçu aucune éducation. Ni à l’école ni à la maison. De quoi en perdre son latin.  Rester interdit devant ce Maroc éducatif cru, sans filtre qui dit beaucoup de vérités et quelles vérités…

Pas besoin de réfléchir longtemps, nous sommes en face d’un échantillon représentatif produit depuis belle lurette par l’école publique marocaine. Des bataillons entiers certifiés incultes, qui forment les hordes de supporteurs du football, décrochent ou non chaque année leur bac, et qui sans que le niveau scolaire y soit, alimentent soit le chômage des jeunes ou la médiocrité ambiante dans des proportions phénoménales.

Petit condensé pris sur le vif du laisser-aller éducatif et de son ampleur, ces vidéos doivent normalement interpeller les responsables et les inciter à en discuter le contenu inquiétant en conseil de gouvernement. Est-ce le profil du bachelier que le Maroc officiel qui glorifie le capital humain dans les discours veut encore promouvoir? Quels leviers actionner pour rompre définitivement avec l’arabisation dont les effets dévastateurs continuent à tirer dramatiquement le niveau vers le bas ? Le temps n’est-il pas encore venu de sortir de l’impasse de « la réforme de l’enseignement », ce concept fourre-tout, pour essayer la piste de la réforme de l’enseignant en tant qu’acteur central de la transmission du savoir ? Il est de plus en plus clair que la réforme de l’enseignant (dans le sens de la formation et de la motivation) passe nécessairement par la mise sur le marché du savoir de professeurs nouvelle génération, non déformés par l’arabisation…

Nous connaissons le cahier des charges (CDC) pour construire une autoroute, un bâtiment ou un complexe résidentiel.  Mais quel est le CDC pour bâtir l’homme marocain ? Personne ne le sait.

Tant que ce virus circule dans le corps éducatif qui en assure ensuite la propagation dans les rangs des élèves, le système éducatif, ainsi chroniquement malade et dérégulé, affichera indéfiniment une méforme éclatante qui l’empêche de retrouver la voie de l’excellence. Une relation rénovée   enseignant-apprenant, porteuse d’une nouvelle approche pédagogique, est la clé de la réussite scolaire et de la performance de l’école. Elle est le vecteur essentiel de ce cercle vertueux que cette dernière a du mal à enclencher nonobstant les budgets colossaux qu’elle engloutit sans résultats probants…

A partir de ces questionnements essentiels, serait alors esquissée la nécessité d’une transformation humaine (une transformation numérique sans capital humain de qualité n’est qu’une dérive numérisée) dont il convient au préalable de définir le cahier des charges. Nous connaissons le cahier des charges (CDC) pour construire une autoroute, un bâtiment ou un complexe résidentiel.  Dans ce domaine, le Maroc a même acquis une expertise indéniable.  Mais quel est le CDC pour bâtir l’homme marocain ?  Personne ne le sait, à commencer par le tuteur du secteur Chakib Benmoussa qui a surpris plus d’un en lançant en mai dernier une consultation nationale en ligne pour recueillir les avis des Marocains sur leur vision d’une école publique conforme à leurs aspirations. On voudrait continuer à noyer le crayon et à lambiner en route qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Quel Marocain voulons-nous pour le beau pays du monde ? Celui des microtrottoirs des bacheliers de la honte, ou un pays où l’école forme à la citoyenneté et inculque un ensemble d’attitudes et d’aptitudes nécessaires à une vie harmonieuse en société et à une vie professionnelle réussie.  

Le Maroc est évidemment à mille lieues de cette vision d’une école qui stimule le rendement et l’imagination des élèves tout en favorisant le développement de valeurs aussi essentielles que la motivation et l’estime de soi, le civisme et le respect, la responsabilité et l’engagement.  A quand le sursaut salvateur ?

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