Impossible qu’ils le fassent de leur propre chef ! Les Marocains qui manifestent de manière pacifique ou violente ne sont que manipulés par les ennemis de l’extérieur… Cette thèse, largement relayée sur les réseaux sociaux par certains milieux, offre l’avantage de rejeter la responsabilité sur une entité obscure plutôt que de regarder la réalité en face et agir en conséquence. Cette vision manichéenne (les bons contre les méchants) propose pour ses défenseurs une échappatoire confortable à une situation complexe qui nécessite des réponses concrètes. Mais gare à la politique de l’autruche et à ses conséquences fâcheuses, notamment la radicalisation des modes d’action , la montée des extrémismes et la fragilisation de la cohésion nationale. Miser sur les gains immédiats de la temporisation sans répondre aux aspirations de la jeunesse est une stratégie de l’illusion.
Cela dit, tout mouvement d’ampleur a le don d’attirer des acteurs aux motivations diverses, y compris des agents provocateurs qui exploitent le terreau fertile de la contestation pour déstabiliser le pays visé . C’est le propre de l’univers numérique qui représente un terrain de jeu idéal pour ce genre de manipulations en raison de l’anonymat et de la viralité. Le mouvement Gen Z 212 n’échappe pas à la règle et ses leaders sont censés être en mesure de déceler les discours qui poussent à la surenchère destructrice. Pour cela, il est essentiel de mettre en place des outils de modération et de communication clairs pour identifier et isoler les tentatives malveillantes. En somme, la plus grande force d’un mouvement comme celui de Gen Z réside dans sa cohésion, sa légitimité et sa capacité à canaliser une colère vers des objectifs constructifs. Laisser les ennemis invisibles pousser à la radicalisation c’est participer, souvent à son insu, à l’auto sabordage de sa propre cause.
Le gage essentiel de la stabilité est l’éducation. Une éducation de qualité, gratuite et accessible à tous, qui permet aux talents de chaque catégorie sociale de s’épanouir tout en entretenant l’espoir et la conviction que l’avenir peut être prometteur.
Les scènes de violences et de vandalisme qui ont émaillé le mouvement de protestation de Gen Z sont regrettables. Rejetées avec vigueur par tous y compris par ce collectif, elles ne doivent pas avoir de place au Maroc dont la population est connue pour son tempérament pacifique. Mais tout le monde est d’accord sur le fait que les politiques suivies notamment par le gouvernement actuel ont fini par installer une certaine violence sociale, sous forme d’agression continue, diffuse et systémique. Celle-ci est vécue depuis quelques années par de larges franges de la population dans la détérioration du pouvoir d’achat, le délitement de la santé publique, l’incapacité de vivre dignement de son travail, la persistance du chômage de masse chez les jeunes, les expropriations brutales sans relogement immédiat, et la paupérisation des masses… Etc…Cette violence sociale, qui impacte la santé mentale et psychologique des victimes, provoque un profond sentiment d’injustice, porte atteinte à la dignité des plus fragiles et bouche les perspectives d’avenir. Bonjour le désespoir…
La révolte du mouvement Gen Z a fait trembler les gouvernants en même temps qu’il a fait voler en éclats certaines fausses certitudes. A commencer par celle-ci: la stabilité politique est une donnée immanente, presque un don de Dieu permanent qui se renouvelle avec la succession des saisons. A rebrousse-poil de cette croyance, la stabilité politique, processus continu et non une essence, est le fruit d’une construction sociale, économique et institutionnelle complexe et toujours fragile, le résultat d’un équilibre dynamique jamais définitivement acquis.
Le gage essentiel de la stabilité est l’éducation. Une éducation de qualité, gratuite et accessible à tous, qui permet aux talents de chaque catégorie sociale de s’épanouir tout en entretenant l’espoir et la conviction que l’avenir peut être prometteur.
Le gros des problèmes du pays viennent justement de la défaillance structurelle de l’école publique que les responsables ont cru pallier en encourageant le secteur privé qui représente à peine 10% des effectifs et en inventant les « écoles pionnières » dont le démarrage bancal promet une énième usine à gaz et une machine budgétivore qui accentue l’inégalité devant l’école. Plus qu’un outil de transmission de la connaissance, l’éducation représente le socle sur lequel se construit la mobilité sociale et la citoyenneté. Au-delà de l’acquisition du savoir fondamental ( lire, écrire et calculer), une école qui se respecte forme des citoyens éclairés, capables de penser de manière critique, de comprendre les enjeux complexes de la société et de participer de manière constructive à la vie démocratique. Et puis, l’école est le creuset où se forge le sentiment d’appartenance à une communauté nationale et une identité collective partagée. Ceci est-il possible dans un système éducatif qui roule à trois vitesses (secteur privé bilingue, un système de type mission et l’école publique pour la masse)?
Une stabilité politique durable n’est pas synonyme d’absence de conflictualité ou de tension sociale mais s’entretient et se préserve dans la capacité d’une société à gérer ses tensions de manière pacifique et constructive grâce à la confiance que les citoyens ont dans les institutions et dans l’avenir.
Les institutions ! Seule l’institution monarchique, garante de la stabilité du pays, symbole de son unité et rempart contre les dérives, jouit de confiance du peuple comme en témoignent les videos-cri du cœur qui circulent sur le Net. Une confiance entretenue par la capacité de la monarchie à se réformer et à répondre aux aspirations du peuple, ce qui lui a permis de traverser par le passé moult crises dans la résilience et l’unité . L’émergence du mouvement Gen Z a révélé plus qu’un malaise social. Une fracture générationnelle née de la défiance envers les corps intermédiaires (partis, syndicats) perçus comme un obstacle à l’épanouissement des jeunes et au décollage du pays. Détail qui a son importance, SAR le Prince Héritier Moulay El Hassan, tout comme la Gen Z, est un « digital native ». Il comprend naturellement son style de communication, ses codes, ses aspirations et son rapport au monde. La Gen Z n’est pas donc un problème à gérer, mais le capital humain pour construire le Maroc de demain.