Le chemin de l’attractivité

Les résultats du bac 2023 viennent d’être rendus publics. Quelque 245 109 candidats ont réussi les examens, contre 231 272 en 2022, soit un taux de réussite de 59,74%, contre 66,28% en 2022. Quelque 189 234 candidats passeront la session de rattrapage. Les chiffres du bac se suivent au fil des années mais ne se ressemblent pas. Mais la question reste la même : A quoi sert le bac dans un pays qui ne sait pas retenir ses compétences? Une infime partie des admis dont les parents sont financièrement lotis poursuivront leurs études supérieures à l’étranger dans différentes filières.

Mais combien reviendront-ils au pays une fois leur diplôme en poche ? Très peu. Le grand nombre préfère prolonger son statut d’expatrié en profitant des opportunités d’embauche offertes par le pays de sa formation post bac ou en tentant sa chance sous d’autres cieux dans le cadre de la mobilité facilitée par la mondialisation des compétences. Libre circulation des capitaux qu’ils soient financiers ou humains.  Comme l’argent, le talent s’installe là où il se sent à l’aise, a des chances de croître, de prospérer et de s’épanouir. Ce que l’on considère communément comme la fuite des cerveaux n’est en fait  qu’une bataille d’attractivité. Impitoyable et sans frontières.

A l’instar de nombre de pays en voie de développement, le Maroc n’est pas très outillé quand il s’agit de garder sa matière grise. Y compris celle qui a émergé de ses propres centres de formation et  universités, notamment les médecins, informaticiens et les ingénieurs dans des secteurs pointus que le Royaume laisse filer alors qu’il en a grandement besoin pour réussir son décollage économique. Une véritable hémorragie continue à le vider de ses talents que les nations occidentales, en mal de main d’œuvre hautement qualifiée pour faire tourner  leur économie et rester dans la course à l’innovation et à la compétitivité, s’arrachent comme des perles rares en rivalisant d’avantages. Devant cet exode continu des cerveaux du cru, les pouvoirs publics semblent démunis, résignés, incapables d’agir pour  les garder sur place.

Jusqu’à quand le Maroc qui a pourtant grandement besoin de ses compétences continuera à jouer gratuitement les formateurs pour le compte du monde occidental dont il renforce ainsi le développement au lieu de construire le sien?

Quel gâchis ! Y a- t-il pire tragédie que de ne pas savoir retenir la crème de son capital humain dont la formation est inestimable? Jusqu’à quand le Maroc qui a pourtant grandement besoin de ses compétences continuera à jouer gratuitement les formateurs pour le compte du monde occidental dont il renforce ainsi le développement au lieu de construire le sien? Une étude réalisée il y a quelques années auprès d’un échantillon de 1882 diplômés marocains (BAC+3) dont la moyenne d’âge est de 35 ans a révélé que 91% d’entre eux souhaitent faire carrière à l’étranger.  

Un résultat significatif de l’environnement du travail au Maroc qui, aux yeux des sondés, est très peu motivant. Convaincre les cadres marocains brillants établis l’étranger de revenir au bercail s’avère tout aussi complexe. Vaste programme qui nécessite un changement en profondeur de paradigme en termes de méritocratie, de perspectives de carrière, de reconnaissance, d’encadrement et de motivation financière. L’environnement professionnel au Maroc, à quelques rares exceptions près, est aux antipodes de ses valeurs.

Et puis, tant que l’éducation dans son acception la plus large au cœur de la politique de l’État n’est pas hissée au sommet des priorités, il est difficile de construire une vision d’avenir prometteuse pour les enfants d’un pays qui attendent la première occasion pour partir… Ce n’est qu’une fois que cette volonté politique réellement acquise et mise en musique qu’il est loisible d’actionner les leviers nécessaires et entreprendre les réformes décisives pour faire du pays ce pôle d’attraction où il fait bon étudier, s’instruire, inventer, produire et innover. Au service de tous. On est loin du compte. Ces choses-là ne se décrètent pas. Elles se construisent. Par l’action et non les professions de foi. Tant que le pays n’aura pas pris résolument le chemin de l’attractivité, les responsables en seront réduits à tenir la comptabilité  des  cerveaux qui s’envolent en se  désolant  et, en tant que peuple, à nous émerveiller devant les progrès technologiques prodigieux  réalisés par les autres.

Ce ne sont pas des professions de foi savantes et des diagnostics mille fois établis  qui changeront cette donne transformée depuis longtemps en repoussoir pour les compétences de ce pays naturellement attirés comme un aimant par les nations développées. Un proverbe bien de chez nous résume parfaitement cette réalité: « Aucun chat ne fuit la maison où se célèbre un mariage».

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