Initiative louable prise en marge de la 28ème édition du Salon de l’Edition et du livre (Siel) délocalisé à Rabat: Signature par le ministère de la Culture d’une convention avec la plus grandebibliothèque numérique francophone Youscribe. Objectif : Équiper quelque 59 bibliothèques du Maroc qui peuvent moyennant un abonnement accéder à des milliers de livres en illimité. Et à portée de main. Sans avoir à se déplacer dans une librairie ou une bibliothèque. Ce qui est de nature à faciliter l’accès pour la population aux ouvrages ainsi à portée de smartphone ou de tablette. Le jeune ministre Mehdi Bensaïd, qui donne l’impression de vouloir faire de la culture le parent riche de la politique gouvernementale, mise sur son nouveau partenaire pour promouvoir la lecture. Un défi est immense pour un pays dont la population est historiquement très fâchée avec le livre. Selon une enquête du HCP datant de 2020, les Marocains consacrent seulement 0,3 % de leur temps libre à la lecture, soit 2 minutes maximum par jour pour les adultes et moins d’une minute pour les enfants. Ce déficit chronique est la marque d’un pays qui n’a pas de traditions de lecture. Cette crise relève d’un phénomène structurel, unique dans le monde arabe, qui trouve son origine dans les défaillances du système éducatif et la démission des parents. Le Marocain ne lit pas parce qu’on ne lui a pas inculqué l’amour du livre et n’est pas non plus sensible à l’importance de l’apprentissage et de l’instruction. L’argument classique que l’on dégaine d’habitude pour expliquer ce problème est la cherté du prix du livre.
Le Marocain ne lit pas parce qu’on ne lui a pas inculqué l’amour du livre et n’est pas non plus sensible à l’importance de l’apprentissage et de l’instruction.
Argument peu convaincant eu égard à l’argent dépensé sans compter par de nombreux Marocains dans plein de futilités ou de sorties coûteuses. En effet, le citoyen lambda n’a pas mal au portefeuille lorsqu’il s’agit de se remplir le ventre dans les restaurants et autres snacks ou sandwicheries. Mais il trouve toutes les excuses du monde pour bouder a nourriture de l’esprit. « Lire, c’est boire et manger. L’esprit qui ne lit pas maigrit, comme le corps qui ne mange pas! », disait Victor Hugo. Quand ils s’attablent dans ces commerces qui poussent comme des champignons que sont les cafés, passe-temps préféré des citoyens, ces derniers sirotent leurs boissons pendant des heures et des heures en admirant les voitures qui défilent, les gens qui passent ou en discutant en groupe de tout et n’importe quoi. La lecture se limite pour certains à quelques quotidiens en arabe achetés par certains cafetiers. Sinon, la tendance générale est à la paresse intellectuelle qui s’est aggravée avec l’avènement des réseaux sociaux avec leurs flots interrompus d’images et de vidéos véhiculant une médiocrité sans frontières. Reconvertir un peuple qui ne lit pas à la lecture numérique, dont les avantages sont non négligeables, n’est pas aussi simple qu’un double clic. Une telle tâche a les allures d’une gageure si ce peuple n’est pas convaincu a priori de l’utilité de se nourrir l’esprit en s’instruisant, soit via un ouvrage papier ou virtuel. Les nouvelles technologies, le smartphone ou la tablette, ne sont in fine qu’un véhicule qui facilite le processus de lecture en se procurant le livre souhaité à tout moment. Sans avoir à bouger de sa place et souvent sans débourser un centime vu que beaucoup d’ouvrages sont libres d’accès. Le ministre de la Culture veut réconcilier les Marocains avec la lecture et il a raison de le faire. Mais encore faut-il qu’il se rapproche de son collègue de l’Education nationale pour que l’école devienne une institution qui cultive le plaisir de lire, une institution qui tourne la page…