Fin de cavale pour Mohamed Boudrika. Le président du Raja est tombé le 17 juillet à Hambourg en Allemagne où il a débarqué en provenance des Emirats-arabes unis pour rencontrer le coach allemand de l’équipe Josef Zinnbauer qui pourrait céder, au vu de ce fait divers pour le moins spectaculaire et de la crise financière où se débattent les Verts, céder aux sirènes d’un nouveau club.
Mal en a pris à Boudrika. Objet d’un mandat d’arrêt lancé par les autorités marocaines pour son implication présumée dans une affaire de faux et usage de faux en relation avec son business immobilier, le passager n’a pas pu franchir les portes de l’aéroport. Celui qui a longtemps nié être en état de fuite, arguant qu’il s’est rendu à l’étranger dans le cadre d’un séjour médical sera interpellé par la police aux frontières allemande qu’il n’a pas réussi à dribbler. Mise en garde-à-vue immédiate du suspect dans l’attente de son extradition au Maroc.
La nouvelle, qui s’est répandue comme une traînée de poudre, a fait vaciller sur ses bases le club-phare de Casablanca. Ce n’est pas là le scénario rêvé pour un club qui venait de remporter un double sacre, championnat et coupe du Trône, et qui se préparait pour conquérir de nouveaux titres notamment à l’échelle continentale.
Dans sa future nouvelle pension, la prison de Oukacha, Mohamed Boudrika, qui a été viré de la chefferie du Raja dans la foulée de son arrestation, ne sera pas dépaysé. Il tiendra compagnie à une petite sélection d’anciens dirigeants du football national : son prédécesseur à la tête du Raja, Abdelaziz Badraoui, expédié à l’ombre pour son implication présumée dans une histoire de gestion locale à Bouznika liée à l’activité de son groupe spécialisé dans la collecte des ordures, l’ex-patron du WAC Saïd Naciri déchu, quant à lui, pour trafic international de drogue dans le cadre de l’affaire dite « Escobar du Sahara » et le président de l’Olympique de Safi Mohamed El Haidaoui condamné à de la prison ferme dans le fameux scandale de la revente au marché noir des billets gratuits du mondial du Qatar. Ce n’est pas seulement le foot qui rassemble ces figures en délicatesse avec la justice . Elles ont un autre dénominateur commun, la politique. M.M Naciri, Boudrika et El Haidaoui ont décroché des mandats électifs, au parlement et dans la démocratie locale. Une affaire encore plus grave qui interroge les critères adoptés par les partis pour intégrer les institutions politiques. Ce mélange des genres, politique et foot, aux antipodes du sport et ses valeurs nobles, sert souvent à ses bénéficiaires de couverture à leurs micmacs et autres trafics. Naciri, El Haidaoui, El Badraoui, Boudrika ! Cela fait franchement beaucoup de détenus dans la sphère du ballon rond et leurs agissements condamnables ternissent non seulement l’image de leurs clubs mais aussi celle du football national.
Ces affaires sont l’expression d’une dérive dans le choix des hommes et la gestion des responsabilités dans le domaine du sport. Elles font également désordre à l’heure où le Maroc commence à installer son leadership sur la scène footballistique africaine dans le sillage de son épopée lors du mondial du Qatar et se prépare à accueillir la CAN 2025 et le mondial 2030. On était en droit d’attendre des nouvelles plus flatteuses.
L’assainissement du foot national et sa restructuration ont traîné plus que de raison. Il est temps que les autorités de tutelle rompent avec cette situation de laxisme qui compromet l’essor du sport le plus populaire.
Pour des clubs aux origines militantes, à l’instar du Raja et du WAC, fondées par des grands noms du nationalisme, force est de constater que l’évolution est catastrophique à cause d’une relève indigne de l’héritage historique des pères fondateurs. A ceux qui venaient de quelque part ont succédé au cours de ces dernières années, via des méthodes opaques, une kyrielle de profils obscurs qui ne viennent de nulle part, à l’image de Boudrika et Naciri. En fait, ces derniers et leurs semblables ne sont au fond que les symptômes d’un écosystème footballistique malade de sa mauvaise gestion et de sa médiocrité. Alors, ils en profitent pour mettre la main sur des clubs historiques au palmarès riche, qui ont décroché plusieurs titres de champions, soulevé bien des trophées au Maroc et ailleurs et fait émerger des talents inoubliables… Ces clubs forts d’une histoire glorieuse, un capital inestimable desservi souvent par une gouvernance boiteuse et opaque, sont bradés hélas au premier venu auréolé d’une réputation de nabab qui pèse plusieurs milliards en cash.
En Europe où les clubs sont gérés comme des entreprises selon les règles du management moderne, les présidents sont élus essentiellement sur la base de leur programme d’action et les objectifs de performance sur lesquels ils s’engagent auprès des actionnaires. Au Maroc, ils sont sélectionnés en fonction de leur assise financière en espèces et leur capacité à financer l’achat de joueurs qu’ils s’empressent de revendre souvent dans des circonstances opaques dès qu’ils commencent à montrer des qualités de jeu. Sous-développé et très peu compétitif, le championnat national est à l’image de ces pratiques qui plombent sa performance, découragent les sponsors et empêchent sa modernisation. De nombreux clubs de la première division continent à refuser de se constituer en société anonyme, alors que loi n° 30-09 promulguée en août 2010 les y obligent, pour éviter justement de rendre publics leurs comptes…
L’assainissement du foot national et sa restructuration ont traîné plus que de raison. Il est temps que les autorités de tutelle rompent avec cette situation de laxisme qui compromet l’essor du sport le plus populaire. Ce n’est pas seulement le chantier des infrastructures que le Maroc doit réussir en perspective du mondial 2030 qu’il co-organise avec l’Espagne et le Portugal. Il est aussi appelé à engager dès maintenant, dans l’exigence et la fermeté, celui de la reconstruction de ses clubs de football et barrer la route aux champions des micmacs qui salissent son image. C’est la condition sine qua non pour jeter les jalons d’un foot performant et compétitif.