Grande et louable résolution de Aziz Akhannouch. A mi-mandat, le Premier ministre sonne la mobilisation pour faire baisser le taux de chômage qui ne cesse de grimper. Sans expliquer pour autant ni le mode opératoire ni les moyens qu’il compte mobiliser pour y parvenir. Or, la tâche est titanesque au vu des derniers chiffres, jugés alarmants, sur la situation de l’emploi. Le taux de chômage au sens HCP est passé ainsi de 11,8% à 13% à l’échelle nationale ( de 15,8% à 16,8% en milieu urbain et de 5,2% à 6,3% dans le monde rural). Ce qui correspond à un total de 1. 580.000 chômeurs, chiffre contesté par l’exécutif qui invoque un décalage considérable avec le volume des inscrits à la CNSS. Une critique que le HCP, qui gagnerait par ailleurs à affiner ses enquêtes en livrant le nombre de demandeurs d’emplois, qui font une démarche active pour en trouver, balaie d’un revers de la main.
Mais la polémique habituelle sur les chiffres du chômage, qui revient comme une litanie depuis des années, ne saurait escamoter ce constat lancinant : l’économie nationale n’est pas suffisamment dynamique pour créer des emplois en nombre suffisants. Pire encore, il en détruit maintenant, principalement dans le secteur agricole en raison du stress hydrique comme le révèlent les récentes statistiques du HCP. Une sonnette d’alarme de plus dans une conjoncture qui commence à devenir anxiogène. Comme le phénomène du chômage est endémique dans ce pays, il est illusoire de croire qu’il se règle par une baguette magique. Et puis, un gouvernement ne crée pas l’emploi qui ne se décrète pas non plus. Ce dernier se construit sur le long cours, dans le cadre d’un travail de longue haleine, par des politiques sérieuses collant à la réalité du terrain, intégrant, en synergie avec toutes les parties prenantes, un certain nombre de paramètres: une formation de qualité, l’attractivité des territoires, l’orientation de l’investissement national vers les secteurs porteurs, la diversification de l’économie et la réforme du code du travail.
Les décideurs doivent plancher sérieusement sur une politique capable de promouvoir le plein-emploi, sûr et durable, qu’il convient de chercher davantage dans les secteurs à fort potentiel d’activité que sont le tourisme et l’industrie.
Ce sont ces leviers qu’il faut en même temps actionner en inscrivant les efforts dans une vision intégrée impliquant les départements ministériels concernés et les régions. Cette coordination est déterminante pour éviter par exemple le grand paradoxe de l’investissement public qui malgré son importance ne fait décoller l’emploi ni le taux de croissance. Un cas parmi tant d’autres et qui mérite d’être décortiqué par les décideurs : Comment se fait-il par exemple que l’autoroute Berrechid-Beni-Mellal, qui a nécessité un effort étatique colossal, n’a pas contribué en termes de création d’emplois et de de richesse au décollage de cette région qui regorge pourtant d’énormes potentialités touristiques et agricoles ? On l’aurait su si le gouvernement s’était réuni avec les représentants de l’administration du territoire et du conseil régional pour définir ensemble une feuille de route incluant les projets porteurs, les plans de formation, d’investissement et d’embauche… Cette absence de vision transversale est caractéristique de bien des territoires minés par le chômage et l’exclusion alors qu’ils sont gorgés d’atouts précieux qui ne demandent qu’à être valorisés. Or, l’attractivité d’une région ( cadre de vie et disponibilités de certaines aménités essentielles …) et sa capacité à attirer de l’activité sont a priori conditionnées par ce principe de transversalité auquel bien des décideurs préfèrent le confort des effets d’annonce… On ne décrète pas l’emploi depuis les bureaux aseptisés ministériels à Rabat ou à coups de tableaux mirifiques sur power point. Encore moins en se contentant de l’ANAPEC devenue depuis quelque temps un bureau de placement de la main d’œuvre qualifiée à l’étranger faute d’opportunités d’embauche à l’échelle locale… Au crédit du gouvernement Akhannouch ( qui, il faut le reconnaître, a été confronté à une conjoncture nationale et internationale très contraignante), le lancement, au sortir de la crise sanitaire, du programme Awrach à grand renfort de subventions publiques, qui a permis de créer des milliers d’emplois précaires aux quatre coins du pays. Mais ce n’est pas suffisant. Les décideurs doivent plancher sérieusement sur une politique capable de promouvoir le plein-emploi, sûr et durable, qu’il convient de chercher davantage dans les secteurs à fort potentiel d’activité que sont le tourisme et l’industrie. Il faut cesser de croire que le pays règlera le problème de l’oisiveté des jeunes par la seule grâce de l’auto-entreprenariat. Encourager l’initiative privée c’est bien, la soutenir à grande échelle c’est encore mieux. L’objectif étant de veiller à ce que le droit à l’occupation professionnelle soit garanti pour tous.