Selon un sondage du Conseil économique, social et environnemental (CESE), quelque 85% des Marocains ne sont pas contents de la manière dont le littoral de leur pays est aménagé. Une insatisfaction qu’ils ont exprimée via un sondage en ligne réalisé entre le 11 et 24 mai dernier. Les personnes interrogées mettent en cause une série de facteurs : l’incohérence des politiques publiques (26%), le mode de gouvernance et la multiplicité des intervenants (26%), le caractère inopérant des documents d’urbanisme (23%) et le problème du foncier (18%). Ces dysfonctionnements ont enfanté au fil des années un massacre en règle du littoral Or, cette richesse exceptionnelle est victime d’une prédation à grande échelle sur fond de bétonnage qui a fini par engendrer un tissu de constructions sauvages et hideuses. A force de laxisme et de complicités souvent sonnantes et trébuchantes, toutes les zones sont devenues pratiquement constructibles. L’occupation du domaine public, souvent un provisoire qui dure, se fait en plus sans cahier des charges ni mise en concurrence. Circulez, il n’y a plus rien à organiser ni à récupérer !
Quid de la loi littoral censée préserver et contribuer à valoriser les sites naturels en front de mer par un encadrement des activités de loisirs liées au balnéaire ? Elle sert visiblement juste à alourdir l’arsenal juridique du pays. Les pouvoirs publics et les élus laissent couler, au grand profit des prédateurs de l’immobilier qui parviennent à leurs fins en faisant construire des complexes résidentiels sous forme de villas et autres appartements sans s’embarrasser d’aucune considération qu’elle soit écologique, touristique, urbanistique ou esthétique.
L’essentiel pour eux c’est qu’ils s’enrichissent par tous les moyens au détriment de l’environnement et de la collectivité en vendant à prix d’or leurs résidences aux inconditionnels de « la vue sur mer » ou d’escapades « pieds dans l’eau ». Sans que ce bétonnage, qui s’insère très rarement dans le paysage, ne génère la moindre dynamique économique en faveur des habitants de la région qui souvent se plaignent de ce coulage de béton qui leur gâche la vue et la vie. La seule valeur ajoutée générée est celle qui profite directement aux promoteurs eux-mêmes qui, une fois leurs masures écoulées, s’en vont s’abattre comme la foudre sur un autre « coin de paradis » maritime à défigurer qu’ils vanteront ensuite à coups de réclames dans les médias. Au rythme où vont les pelleteuses et les appétits des rapaces, il ne restera plus de zone vierge tout au long des belles côtes marocaines qui s’étirent sur plus de 3400 km. L’effet aubaine n’est pas près de s’arrêter tant que les communes, concernées en premier lieu par la protection de leur domaine littoral, n’agissent pas dans le sens d’un développement cohérent de ses espaces en élaborant des schémas de mise en valeur de la mer (SMVM).
Pour un pays qui se veut en pointe en matière de protection de l’environnement, les massacres en front de mer doivent interpeller les responsables et réveiller les consciences polluées par le laxisme.
Dans beaucoup d’endroits magnifiques comme Sidi Rahal et Dar Bouazza, mais aussi dans la belle côte tétouanaise, c’est l’anarchie qui domine avec des constructions moches qui jaillissent de terre dépourvues des attributs d’un programme touristique digne de ce nom. Mais les seigneurs de la pierre, attirés par l’appât du gain, profitent des mesures incitatives accordées au tourisme national et de l’incurie du personnel communal pour se lancer en toute impunité dans un immobilier pur et dur préjudiciable au patrimoine maritime.
Infractions en tout genre, atteinte aux droits des riverains, menace sur les équilibres biologiques…, les scandales sur ce front sont légion. Mais les pouvoirs publics, à commencer par le ministère de l’Environnement, ne font rien pour protéger le littoral contre la mercantilisation sauvage des faux développeurs-aménageurs qui ont poussé comme des champignons tout au long des villes littorales. Pour un pays qui se veut en pointe en matière de protection de l’environnement, les massacres en front de mer doivent interpeller les responsables et réveiller les consciences polluées par le laxisme.
Le littoral appartient à tous les Marocains. Aux autorités d’agir pour le préserver de la rapacité foncière et immobilière. Objectif : en faire conformément à la réglementation en vigueur un levier de développement économique et touristique tourné vers la valorisation du littoral au bénéfice des visiteurs nationaux ou étrangers. Pour y arriver, il faut juste veiller à l’application de la loi et son respect par tous. Au début de l’année, le gouvernement actuel a retiré du circuit législatif un projet de loi relatif aux occupations temporaires de l’espace public laissé par l’exécutif précédent. Derrière ce retrait se profilerait la volonté d’enrichir le dispositif réglementaire pour mieux encadrer l’exploitation du domaine de l’État sur de nouvelles bases balisées par la loi et son respect. En tout cas, il est grand temps de mettre fin aux dérives qui plombent un aménagement cohérent du littoral national.