Menace sur le pouvoir d’achat…

Abdellah Chankou, Directeur de la publication.

Les dossiers chauds de la rentrée politique au Maroc ne se limitent pas seulement à la lutte contre le chômage galopant, la réforme des retraites ou la relance de la dynamique des IDE en baisse depuis plus d’une année. Outre ces chantiers essentiels que le gouvernement est appelé  évidemment à attaquer de front en s’armant de courage politique et d’imagination, se pose l’épineuse et inquiétante question du pouvoir d’achat. Celui-ci n’a de cesse de fondre comme neige au soleil en raison de la flambée continue des prix des denrées  de consommation courante. A commencer par les viandes rouges et blanches qui sont devenues inaccessibles aux couches défavorisées. A 150 DH le kilo d’agneau, 120 DH celui du bœuf et 30 DH le kilo de poulet, le pouvoir d’achat, déjà très faible, passe au hachoir. Pitance quotidienne du peuple, le tagine devient un repas de luxe.

Les produits de substitution, notamment le petit pélagique comme la sardine ont vu eux aussi leur prix prendre l’ascenseur. Une situation que le citoyen lambda, vivant dans un pays de 3500 kilomètres de côtes, a du mal à digérer. Du côté des fruits et légumes, la fièvre des prix n’est pas près de baisser. Pas de promotions sauf chez les vendeurs ambulants qui, fait nouveau, proposent depuis quelques semaines des fruits d’importation, notamment la banane des îles Canaries et la poire de Belgique à des tarifs plus compétitifs que les produits locaux. 

Dans un pays où l’indexation des salaires sur l’inflation n’est pas de mise et où le gros de la population active est composée de travailleurs à faible revenu, le dossier du pouvoir d’achat, qui se trouve au cœur de la paix sociale, doit bénéficier de la plus grande attention gouvernementale.

A ce rythme, il est fort à craindre de se résoudre à faire venir la tomate de Turquie et les pommes de terre d’Allemagne… Mais où sont  passés  les « acquis » du Plan Maroc Vert ? Difficile de croire qu’ils se sont évaporés sous le seul effet de l’insuffisance des précipitations. Et si le stress hydrique, présenté officiellement  comme la cause principale de la hausse des prix des aliments de base, n’était au fond qu’un révélateur des dysfonctionnements chroniques  du secteur agricole national, avancent les esprits immunisés contre le syndrome de Panurge… Les Marocains payent de plus en plus cher leur pitance quotidienne. Et pas seulement. Les prix des autres biens et services aussi. Cette situation n’est pas seulement insupportable pour ceux qui sont payés au salaire minimum ou les couches modestes aux revenus instables dont la petite bourse est durement impactée par un dirham de plus sur un produit. Elle pénalise aussi la classe moyenne qui, devant cette spirale haussière, a du mal à s’en sortir. Gare à la paupérisation de la population!  

Une question se pose d’emblée: l’aide sociale directe pouvant atteindre jusqu’ à 1000 DH par mois, accordée aux ménages vulnérables depuis le début de l’année, a-t-elle réellement encore  un sens dans ce contexte de renchérissement du coût de la vie au-delà de la normale ? La vie chère n’a-t-elle pas bouffé l’argent de ce «bouclier social» ? Dans un pays où l’indexation des salaires sur l’inflation n’est pas de mise et où le gros de la population active est composée de travailleurs à faible revenu, le dossier du pouvoir d’achat, qui se trouve au cœur de la paix sociale, doit bénéficier de la plus grande attention gouvernementale. Mais l’exécutif ne semble pas prendre le dossier au sérieux. Aucune prise de parole officielle n’a eu en effet lieu  pour expliquer les tenants et aboutissants de ce Maroc d’en hausse alors que l’inflation mondiale, provoquée par le début de la guerre Ukraine en février 2021, est revenue à son niveau habituel en passant en août dernier sous la barre de 2% dans de nombreux pays y compris la France… Pourquoi le Maroc fait-il exception ? Qu’est ce qui explique la persistance de ce renchérissement du coût de la vie qui impacte la consommation intérieure tout en faisant perdre au pays sa réputation de pays le moins cher au monde. Côté panier de la ménagère, le Maroc est devenu plus cher que l’Espagne voisine alors que le salaire minimum dans ce pays est de 1260 euros !

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