Le jeudi 3 septembre, le gouvernement Castex inaugurait sa rentrée politique en dévoilant un plan de relance à 100 milliards d’euros, destiné à effacer les effets dévastateurs du Covid-19 sur l’économie française et projeter le pays dans les 30 prochaines années. Le même jour, le gouvernement marocain, réuni sous la présidence de Saad Eddine Al Othmani, a gratifié les Marocains d’une drôle de rentrée axée sur des décrets à mille lieues de leurs véritables préoccupations du moment et des attentes du monde des affaires comme le décret portant création de nouveaux cercles et caïdats ou la validation de nominations dans la haute administration! Circulez, il n’y a rien à voir ni à prévoir ! Certes, comparaison n’est pas raison et la France n’est pas le Maroc. Mais tout de même !
Entre-temps, l’exécutif commettra le scandale de trop: priver les élèves de Casablanca et certaines villes de la rentrée scolaire en arguant de l’aggravation de la crise sanitaire. L’effet de cette annonce dominicale nocturne, qui laissera certainement des traces, est ravageur pour le moral de la nation. Visiblement, la crise sanitaire et ses ravages économiques et sociaux ne sont pas une priorité pour l’exécutif islamiste et n’appellent pas de sa part un programme de relance de l’après-Covid-19 ! Quid du plan de relance de 120 milliards de DH, soit l’équivalent du 11% du PIB, annoncé par le souverain dans son dernier discours de la fête du trône du 30 juillet 2020 ? Où en sont les mesures fortes d’opérationnalisation de la haute instruction royale visant à provoquer ce choc de confiance nécessaire plus que jamais pour convaincre les entreprises d’investir et d’embaucher, encourager l’innovation, sauver des emplois dans les secteurs touchés, maintenir à flots les entreprises les plus impactées et soutenir l’activité et la consommation ? Il s’agit aussi de resolvabiliser les revenus modestes qui ont bénéficié d’un report de leurs crédits bancaires suite au confinement général. L’objectif étant d’éviter une explosion du chômage et l’accentuation de la pauvreté qui consubstantielles à la pandémie sont porteuses d’une menace sérieuse pour la paix sociale.
Pas moyen de parler d’autre chose au Maroc que du coronavirus et de sa courbe des infections à laquelle tout le pays est suspendu, phagocytant au passage l’actualité devenue anxiogène à souhait.
Force est de constater que le gouvernement n’a pas tenu jusqu’ici de discours sur la politique de relance du pays, encore moins sur la manière de gérer l’urgence. Une recette pour rebondir ? Pas chez les islamistes au pouvoir qui déjà en temps normal ont montré leurs limites en matière de gestion des affaires publiques… Une seule réussite à leur actif, cependant : avoir installé le pays entier dans une ambiance dangereusement incertaine, excessivement « covidisée » alimentée jusqu’à l’excès par une communication assidue et néanmoins calamiteuse sur la courbe journalière des contaminations au coronavirus. Les pouvoirs publics ont même trouvé un motif légitime pour alimenter encore plus la psychose collective dans l’envolée spectaculaire des cas d’infections qui se comptent depuis quelques semaines par plus d’un millier par jour et la hausse proportionnelle du nombre de décès ainsi que celui des cas graves admis en réanimation. Cette grande peur a légitimé la prise de décisions pas toujours frappées du coin de la cohérence comme la fermeture des salles de sport casablancaises, la suspension de l »enseignement enprésentiel tout en laissant ouverts des cafés où les gestes barrières sont rarement respectés…
Si la situation épidémiologique s’est détériorée pendant le mois d’août avec une circulation active du virus, c’est à cause d’une population indisciplinée qui prend à la légère les mesures de protection comme le port du masque et la distanciation physique : Le bouc émissaire est tout trouvé. Pourquoi interroger la stratégie des autorités en matière de lutte contre la pandémie truffée moins de nombre d’erreurs comme la non-interdiction de l’aïd Al Adha qui a contribué sans conteste à la propagation du virus aux quatre coins du pays. Pas moyen de parler d’autre chose au Maroc que du coronavirus et de sa courbe des infections à laquelle tout le pays est suspendu, phagocytant au passage l’actualité devenue anxiogène à souhait.
Si le virus tue au Maroc beaucoup moins que dans beaucoup de pays, il fait vivre plein de profiteurs déclarés ou cachés de l’économie du Covid. Or, il faut savoir vivre avec le virus en attendant la découverte du vaccin. Cohabiter avec le Covid tout en gérant la situation sanitaire sur le terrain suppose, toutefois, de la part du gouvernement une autre politique qui permet de détacher un peu les yeux sur cette fameuse courbe qui rythme et monopolise, à la fois, depuis plusieurs mois, l’actualité nationale. Escamotant tout ce qui n’a pas trait au Covid… Le défi pour l’exécutif actuel, qui n’est pas celui de la conjoncture très difficile actuelle, est de voir au-delà de la routine du décompte quotidien des infectés pour parler aux Marocains d’autre chose. De leur avenir et du Maroc d’après que l’on espère différent de celui d’avant, histoire de leur donner au moins de l’espoir. Un peu d’optimisme contagieux, bon sang !…