Disparition mystérieuse à Tata

Ibtissam Moujahid.

Depuis le 22 février, les habitants d’un douar du sud du Maroc sont sans nouvelles d’une fillette de 13 ans. Mobilisés pour la retrouver, les enquêteurs n’écartent aucune piste.

L’impensable s’est produit récemment dans un douar paisible de la commune de Tlit, dans la province de Tata, du nom de Taourirt Ntilass. Les habitants, braves et sans histoires, n’ont jamais imaginé, même dans leurs pires cauchemars, qu’un jour un de leurs enfants allait disparaître brutalement sans laisser de traces.  Sous le choc et inquiets, ils n’en reviennent toujours pas, ayant du mal à réaliser que Ibtissam Moujahid, 13 ans, a pu quitter le domicile familial sans revenir. « Les temps ont visiblement changé dans le mauvais sens, lâche, la voix nouée par l’émotion, un jeune habitant du douar. Jusqu’ici, on laissait nos enfants jouer dehors et se déplacer librement sur plusieurs kilomètres sans s’inquiéter. Personne ne leur a jamais fait du mal ». Il ajoute, songeur : « La disparition mystérieuse de  cette fille est un précédent fâcheux qui a brisé soudainement le sentiment de sécurité et de confiance qui prévalaient au sein de la population ». Les faits remontent à lundi 22 février. Selon le récit qui a circulé, la collégienne est sortie vers le coup de 10 heures avec sa copine pour  rejoindre son père au souk hebdomadaire. Au milieu de la route, elle se souvient avoir oublié quelque chose à la maison et elle fait aussitôt demi-tour. Mais la petite Ibtissam n’arrivera  jamais  chez elle. Comme volatilisée. Un vrai mystère.

A-t-elle été kidnappée en cours de route ? A-t-elle fugué ? Les gendarmes enquêteurs qui ont débarqué immédiatement sur les lieux n’écartent aucune piste.  Pour le moment, pas de traces alors qu’ils ont passé au peigne fin, assistés  de leur brigade canine, tous les coins et recoins du douar et des villages avoisinants.  Dans leurs recherches, ils ont découvert à Tafroukt (un douar situé à quelque 3 km de Taourirt Ntilass où se déroule chaque année le moussem de Sidi M’rri) une espèce de fosse assez profonde avec où sont enterrés des vêtements qui se sont avérés ne pas appartenir à Ibtissam qui reste introuvable. Les parents et les proches de cette dernière sont meurtris. Traumatisés. Ne sachant quoi faire face au malheur qui s’est subitement abattus sur eux, ils s’accrochent dans leur calvaire à l’espoir de voir leur fille revenir saine et sauve à la maison. Un espoir partagé par tous les habitants du douar, grands et petits, dont certains ont perdu le sommeil à cause de ce drame. Stoïque et plein de foi, le père ne veut pas tellement croire à la thèse qui circule, celle d’un enlèvement par les chasseurs de trésors. Ces derniers ont la réputation d’enlever des enfants qui présentent des signes particuliers. « Je ne sais pas si ma fille est zouhrie ou non, je ne suis pas expert en la matière », dira-t-il au micro d’une web TV.

L’opinion publique nationale est régulièrement secouée par des affaires de kidnapping de ce profil de gamins qui arboreraient des signes particuliers dans les mains et les yeux. Les enfants porteurs de ces traits distinctifs sont supposés être dotés de pouvoirs surnaturels décisifs dans la découverte du trésor. « Un enfant zouhri est réputé posséder la capacité exceptionnelle de voir ce qui cache dans le sous-sol», croit savoir un chercheur de trésor repenti. Dans leur quête obsessionnelle des pièces d’or et autres pierres précieuses  anciennes enfouies sous terre et supposément contrôlées par des mauvais génies, les chasseurs de butins vont jusqu’à sacrifier les enfants zouhris lors de rituels sataniques où ils peuvent servir d’offrande… En juillet 2020, la gendarmerie royale de Tameslouht, située à dix-huit kilomètres de Marrakech, a interpellé  une bande de chasseurs de trésors, composée de quatre individus dont un fkih. Ces derniers étaient en pleine action au milieu de la nuit : ils creusaient la terre à l’aide d’outils rudimentaires. Les enquêteurs ont saisi chez eux plusieurs manuscrits et inscriptions ésotériques leurs indiquant les lieux où les trésors seraient enfouis. La Brigade  de police chargée de sécuriser les abords des établissements scolaires dans la ville d’Azilal  a cravaté quatre personnes, dont deux sœurs, pour leur implication présumée dans un réseau spécialisé dans le kidnapping de mineurs « zouhris ». La principale suspecte, en plein chasse de ses proies, a été arrêtée près d’un établissement scolaire en flagrant d’examen des lignes des mains de certains élèves, « dans le but de les détourner et les exploiter dans des rituels de recherche de trésors», avait expliqué la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) dans un communiqué publiée à cette occasion. L’enquête a permis l’arrestation d’une femme, de son mari, de sa sœur et d’un quatrième complice. Les suspects étaient en possession d’outils d’excavation, d’amulettes et de talismans utilisés dans des pratiques de sorcellerie.

Les armes du charlatanisme

Les charlatans sont persuadés que le Maroc regorge de précieux trésors anciens enfouis sous terre et mènent inlassablement des recherches jour et nuit pour trouver le Graal qui leur ouvrirait les portes de la richesse. Pour arriver à leurs fins, ces aventuriers des temps obscurantistes sont prêts à tout, y compris enlever des enfants jugés « zouhris » et les sacrifier comme des moutons. Généralement démunis et ignorants, ces individus sans foi ni loi ne possèdent comme armes que les mythes, la superstition et des pratiques d’un autre page qui subsistent encore au Maroc malgré ses dehors de pays moderne. Le charlatanisme est un état d’esprit, une culture bien enfouie dans les tréfonds d’une mentalité que seule une bonne éducation peut changer.

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