Les images de son arrestation musclée samedi 11 mai ont fait le tour du monde. Et pour cause. Le président tunisien Kais Saied a envoyé des policiers en civil encagoulés pour cueillir l’avocate tunisienne Sonia Dahmani alors qu’elle était en plein direct avec la chaîne française France 24 dont la caméra a été violemment arrachée de son trépied par un policier en colère pour mettre fin à la diffusion de la scène en direct. Chroniqueuse de télévision, Mme Dahmani, arrêtée après des propos sarcastiques lors d’une émission télé sur la situation du pays, a le tort de faire partie des voix dissonantes que le locataire du palais de Carthage, très allergique à la liberté d’expression et à la critique , s’emploie depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2019 à faire taire en les expédiant devant la justice puis à l’ombre pour complot contre la sécurité de l’État ou de diffusion de fausses informations dans le but de porter atteinte à la sûreté publique. En somme, le genre d’allégations qu’affectionnent les dictatures. Kais Saied ne fait pas dans le détail. Dans la brutalité, il a le mérite d’avoir développé un certain sens de l’innovation. Il faut reconnaître aussi que ses opposants mettent un point d’honneur à l’énerver par leurs critiques. M. Saied est très clair dans sa démarche : Soit on lui cire les pompes et il vous laisse tranquille, soit il envoie ses sbires réprimer ses opposants provocateurs. Il faut aussi avouer que même son prédécesseur feu Ben Ali n’avait pas osé, au plus fort de la répression policière de son régime déchu, de tels coups de force comme celui perpétré contre l’avocate Sonia Dahmani. Deux chroniqueurs de radio et télévision ont également été placés en détention dimanche pour des critiques sur la situation du pays, au lendemain de l’interpellation brutale de l’avocate. La Tunisie vit au rythme d’une régression flagrante en matière des droits et des libertés. Selon le Syndicat national des journalistes, en un an et demi, plus de 60 personnes parmi lesquelles des journalistes, des avocats et des opposants au président ont fait l’objet de poursuites sur la base d’un décret promulgué en septembre 2022. Ce dernier punit de jusqu’à cinq ans de prison quiconque utilise les réseaux d’information et de communication pour «rédiger, produire, diffuser (ou) répandre de fausses nouvelles (…) dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou de porter préjudice à la sécurité publique». Le régime de Kais Saied a instauré un climat irrespirable en Tunisie en matière des droits de l’homme, aggravé par une crise économique et sociale étouffante. Les braves Tunisiens ont fait leur révolution pour finalement porter au pouvoir un dictateur et languir dans le chômage et les privations. Sous Ben Ali, c’était franchement beaucoup mieux sur tous les plans. Oser dire en Tunisie est passible de la peine de mort ?
- lun, 7 octobre 2024