Liban : Le spectre d’un retour à la guerre civile

Un manifestant brandissant drapeau libanais devant un tas de pneus en feu sur une artère de Jal el Dib, ville dans la banlieue nord de Beyrouth, le 11 juin 2020, Patrick BAZ/AFP.

Les refugiés palestiniens puis les syriens – qui sont un fardeau de plus en plus lourd pour les finances du pays du cèdre-, le Hezbollah et ses milices, un véritable État dans l’État libanais qui n’en fait qu’à sa tête, la tension permanente avec Israël qui ne respecte ni l’espace aérien libanais ni ses terres frontalières qu’il continue d’annexer (Les Fermes de Chebaa), le froid avec l’Arabie saoudite de MBS qui lui a coupé les vivres pour ne pas avoir désarmé le Hezbollah ni rompu ses relations avec la république islamique d’Iran, allié objectif du Courant patriotique libre, le parti président chrétien maronite le général  Michel Aoun… Mis ensemble pendant longtemps ces éléments éruptifs ont fini par exploser à la face d’une classe dirigeante aussi impotente et laxiste que corrompue. Une grave crise sociale, politique et économique sans précédent depuis des décennies qui risque de faire revenir le pays aux années noires de la guerre civile de 1975-1990, d’autant plus que la démission du Premier ministre sunnite Rafik Hariri le 29 octobre 2019, après 13 jours de mobilisations contre la vie chère, le chômage et une classe politique clientéliste et confessionnaliste, n’a rien arrangé. Pire : la nomination le 19 décembre 2019 du technocrate et ancien ministre de l’éducation Hassan Diab pour former un nouveau gouvernement n’a fait qu’attiser les braises : Bien que les factions  sunnites, chiites et chrétiennes maronites représentées dans un parlement hétéroclite aient avalisé sa nomination après plusieurs jours de tractations et de marchandage, ces dernières s’emploient dès le retour dans leurs quartiers à saper toute action du nouvel arrivant.

Concrètement, Diab doit former un gouvernement fort et stable capable de mettre au point un plan de sortie de crise qui soit et réaliste et transparent afin de convaincre les bailleurs de fonds de Bretton Woods et  autres de sortir le chéquier pour renflouer les caisses d’un État (en défaut de payement pour la première fois de son histoire) siphonnées par la fuite des devises et les friponneries. Seulement il y a toujours des protagonistes  de la scène politique libanaise que la transparence dérange dont le Hezbollah que les sanctions économiques américaines contre ses sources occultes de financement obligent de verser encore plus dans le trafic et la contrebande avec notamment la Syrie de Assad et l’Iran de Khamenei.

Hassan Diab est à la croisée des chemins pour ne pas dire dans l’impasse. En dépit de messages rassurants qu’il ne cesse d’envoyer aux manifestants ces derniers ne semblent pas décidés à se calmer. Les incendies de banques, la destruction de bâtiments publics, les accrochages avec les forces de l’ordre continuent et ne font que gagner en violence. Dès sa prise de fonction de chef de gouvernement fin 2019, Diab a déclaré comprendre les protestataires. « Ils ont le droit de protester, les manifestants souffrent depuis des années et nous devons gérer tous les problèmes qu’ils ont soulevés, ils ont 100 % raison. Il nous faut la volonté et l’administration pour le faire. » a-t-il déclaré. Paroles en l’air. Pas plus tôt que samedi dernier alors qu’il adressait un discours aux Libanais où il n’ pas maché ses mots à l’égard de ceux «qui ont kidnappé l’État et hypothéqué le destin du peuple », des centaines de manifestants en colère face à l’aggravation de la crise économique se sont encore rassemblés à travers le Liban pour un troisième jour consécutif, après que de violentes émeutes nocturnes aient suscité la condamnation de l’élite politique. Une classe politique en plus hypocrite qui clame ce qu’elle ne fait jamais.

« Nous sommes ici pour exiger la formation d’un nouveau gouvernement de transition et des élections législatives anticipées », a déclaré à l’AFP Nehmat Badreddine, activiste et manifestante du mouvement civil près du Grand Sérail, le siège de la primature à Beyrouth. Un nouveau gouvernement de transition et des élections législatives anticipées  cela signifie plusieurs mois supplémentaires d’immobilisme et d’instabilité. Pauvre Liban !

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