Le premier ministre espagnol a obtenu jeudi 9 novembre, par l’intermédiaire d’un de ses émissaires, l’accord indispensable à son maintien au pouvoir. Un accord très critiqué par la droite conservatrice et l’extrême droite. Explications.
Après plusieurs semaines de tractations entre le PSOE (Parti socialiste) et le Parti indépendantiste Junts, une première étape est franchie. L’ancien président du gouvernement catalan et eurodéputé de Junts, Carles Puigdemont s’est exprimé devant la Presse depuis Bruxelles, où il s’était exilé dans la foulée du référendum sur l’indépendance de la Catalogne en 2017. Pour le leader indépendantiste, il s’agit là « d’une étape inédite qu’il va encore falloir explorer » et pour laquelle « il n’existe d’autre limite que la volonté du peuple de Catalogne et que l’unique institution légitime qui le représente, c’est le Parlement catalan. Les limites, c’est le Parlement de Catalogne qui les fixe et personne d’autre ». Près de quatre mois après les élections législatives en Espagne, et après avoir déjà obtenu le soutien de la gauche indépendantiste d’ERC actuellement au pouvoir, le chef de file des socialistes s’assure, par ce pacte, le nombre de votes suffisants pour décrocher la confiance du Parlement, très fragmenté et renouveler ainsi son mandat de Premier ministre.
En contrepartie des voix décisives des sept députés de Junts, Carles Puigdemont et son Parti attendent d’abord une loi d’amnistie pour clore, après quatre ans, le dossier judiciaire pour l’ensemble des dirigeants et militants impliqués dans le processus d’indépendance du 1er octobre 2017. Également soutenue par les partis basques et l’extrême gauche catalane, la loi sur l’amnistie devrait être votée dès l’investiture de Sánchez. Mais les négociations ne s’arrêtent pas là ! Dans le texte de l’accord signé ce 9 novembre, il s’agit d’offrir la pleine normalité politique, institutionnelle et sociale comme condition indispensable pour aborder les défis de l’avenir proche ». En clair, la stabilité du futur gouvernement central pourrait donc dépendre de l’avancée des négociations quant à « la résolution du conflit politique en Catalogne » et donc de l’organisation d’un nouveau référendum comme celui tenu en 2014 en Ecosse.
Outre la question de l’amnistie, l’accord scellé par Pedro Sánchez avec les indépendantistes catalans réveille une fracture sur un thème très sensible : le financement des régions et la répartition des impôts. Pour obtenir leurs voix, indispensables à sa reconduction au pouvoir, le Premier ministre socialiste sortant Pedro Sanchez a fait plusieurs concessions de taille. À la demande de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), parti séparatiste à la tête de la région, il a accepté l’annulation de 15 milliards d’euros de dette contractée par la Catalogne vis-à-vis de l’État après la crise financière de 2008, soit près de 20 % de son ardoise. Si les socialistes promettent que cet accord sera étendu à toutes les régions ayant recouru au même fonds, créé par l’État pour aider des communautés autonomes asphyxiées durant cette période compliquée, cette concession fait grincer des dents dans les collectivités, de droite comme de gauche. Cet accord politique a suscité une vive controverse dans la classe politique espagnole. Échanger des voix contre un accord avec les indépendantistes catalans, il n’en fallait pas plus aux partis de droite et d’extrême droite pour fustiger Pedro Sánchez, accusé de se rabaisser à tirer là ses dernières cartouches pour se maintenir coûte que coûte à la tête du gouvernement. Questionnée à ce sujet par la chaîne Antena 3, la présidente PP de la communauté de Madrid, Isabel Diaz déclare que le pacte signé entre le PSOE et Junts signifie pour l’État espagnol d’ « entrer en dictature ».