Juste après l’obtention de son quatrième mandat à la tête de l’USFP, l’inamovible Driss Lachgar s’est confié à notre journaliste en se félicitant de sa longévité politique exceptionnelle.
Propos recueillis par Laila Lamrani
Monsieur Lachgar, félicitations pour ce quatrième mandat. Vous ne pensez pas qu’il serait temps de passer le flambeau ?
Passer le flambeau ? Pourquoi faire ? Il fonctionne encore très bien entre mes mains. Et puis vous savez, le feu de l’engagement ne s’éteint jamais… surtout quand il chauffe un fauteuil ministériel.
Mais comment expliquez-vous cette longévité exceptionnelle ?
Quand on aime, on ne compte pas. Et puis, la base du parti m’a encore choisi. Bon, c’est à peu près la même base depuis 2001, mais elle est fidèle, c’est ce qui compte.
On parle pourtant de pressions, de verrouillage interne, d’exclusion de figures montantes…
Écoutez, l’USFP est un grand parti démocratique. Très grand. Tellement démocratique que parfois, on préfère éviter les élections internes, le débat… par précaution. Et puis, c’est normal d’écarter un peu la relève. Elle bouge trop, elle remet tout en question, elle fait des manif…
On dit que vous rêvez secrètement de revenir au gouvernement…
Non, non, je le dis très ouvertement et haut et fort : je suis disponible, jour et nuit, pour servir la Nation… surtout depuis un ministère peinard et climatisé. Je peux gérer n’importe quel portefeuille : culture, jeunesse, silence, statu quo, archives… tout sauf la réforme.
L’opposition vous est-elle insupportable à ce point ?
Je suis pour l’opposition mais constructive… surtout quand elle construit un pont solide vers le gouvernement. L’opposition, c’est bien quand on n’a pas d’autre choix. Mais moi, j’aime les responsabilités. Enfin, les titres.
Certains vous accusent de sacrifier les compétences du parti pour préserver votre poste….
Sacrifier est un grand mot. Je dirais plutôt : mettre au congélateur. Ils sont là, ils attendent leur tour. Ils prendront la relève… quand je prendrai ma retraite politique. C’est-à-dire jamais.
Si demain le chef du gouvernement vous appelle, vous acceptez ?
Je décroche avant la première sonnerie. Je suis prêt à tout : entrer par la porte, la fenêtre ou même par la serrure. L’important, c’est d’être dedans.
Un dernier mot aux jeunes militants qui réclament du renouveau ?
Ah, la jeunesse ! Moi aussi, j’ai été jeune… dans un autre siècle. Ils doivent apprendre la patience et attendre que le fauteuil se libère. Et le mien, il est e ncore très confortable.
Vous ne craignez pas que l’USFP devienne un parti-musée ?
Mais c’est très bien, un musée ! C’est respecté, c’est propre, ça ne crie pas. Vous avez vu le PJD ce qu’est devenu le PJD dont le chef n’arrête pas de crier dans les brancards. Nous au moins, on ne fait pas de vagues. On reste constants… dans la stagnation.
Pensez-vous à un jour passer le flambeau ?
Bien sûr. Mais je cherche encore le bon moment. Peut-être après 2050, si la situation politique se stabilise et se crédibilise . Ou si je perds mes lunettes. Mais rassurez-vous : j’encadre déjà les jeunes… de loin.
Que répondez-vous à vos détracteurs?
Qu’ils se calment. Moi, je suis là pour incarner le changement dans la continuité. Et en politique marocaine, rien n’est plus moderne… que la continuité.
Et la Gen Z , qu’en pensez-vous ?
Ah, ces jeunes… ils sont bien gentils avec leurs réseaux sociaux, leurs stories, leurs slogans colorés. Mais ils manquent de réalisme. On ne gouverne pas un pays avec des reels et des likes ! Il faut des structures solides, comme un bon vieux bureau politique de 25 membres… tous au-dessus de 60 ans.
Donc vous leur tendez la main ?
Bien sûr ! Je leur dis : venez ! Intégrez le parti ! Mais d’abord, il faut qu’ils acceptent les règles : loyauté absolue, pas trop de questions, et pas d’ambition avant 20 ans de service.
Vous vous revendiquez toujours de l’héritage d’Abderrahim Bouabid… Pourtant, beaucoup disent que vous avez dilapidé ce capital moral et politique. Que répondez-vous ?
Ah, Bouabid… Quelle grandeur! Une légende. Une source d’inspiration. D’ailleurs, je cite son nom à chaque congrès. Après, bon, c’est vrai, l’USFP d’aujourd’hui n’a plus trop de militants, plus trop d’idées, ni trop d’ancrage… mais on a gardé le logo et la couleur ! C’est déjà beaucoup, non ?