Le ministre istiqlalien du commerce et de l’industrie Ryad Mezzour nous a donné rendez-vous dans un entrepôt au port de Casablanca, plein de containers en provenance de Tunisie.
Il paraît que vous avez l’intention de réviser l’accord de libre-échange entre le Maroc et la Tunisie avant que vous ne fassiez marche arrière. Pourquoi ce rétropédalage ?
J’ai été effectivement soupçonné d’avoir freiné alors que je n’avais pas accéléré, pour utiliser une expression très courante dans un secteur dont j’ai la charge : l’automobile. En fait, dans mon attitude, peut-être j’ai laissé croire à une révision de cet ALE dont j’ai finalement juste opéré certains petits réglages tarifaires.
Donc pas de révision en vue ?
Je rassure tout de suite mes amis tunisiens qui ont exprimé une inquiétude sur ce sujet. Ils ont déjà assez de problèmes politiques et économiques pour que je rajoute à leur désarroi.
L’Accord d’Agadir signé entre le Maroc, la Tunisie, l’Égypte et la Jordanie est toujours en vigueur. Une circulaire de l’Administration des douanes et des impôts indirects, datant du 3 janvier 2022, qui porte sur la mise à jour du tarif douanier marocain des droits d’importation de la Tunisie, a été interprétée comme une révision de l’ALE entre les deux pays.
Et pourtant, il y a lieu de réviser l’accord d’Agadir puisque le Maroc est également déficitaire avec les pays signataires de cet Accord à hauteur d’environ 5 milliards de DH alors qu’ils sont par rapport à notre pays à un niveau de développement comparable…
L’ajustement douanier que nous avons opéré vise justement à introduire un peu d’équilibre en faveur du Maroc dont la balance commerciale est déficitaire au profit de la Tunisie qui nous nous fourgue pour 2,28 milliards de DH de produits contre 1,19 milliard de DH de marchandises marocaines importées par la Tunisie. Moralité : Nous sommes les beaux dindons de la farce du libre-échange mondial. Pas un seul partenaire, UE, États-Unis, Turquie… avec lesquels nous soyons rentables. Ce qui est en soi un exploit qui n’est pas donné à toutes les nations.
Quelle est votre analyse du problème?
Nous importons tout et n’importe quoi beaucoup plus que ce que nous exportons. D’où le creusement continu du déficit commercial national qui a atteint des niveaux abyssaux. Mon prédécesseur que vous appelez gentiment au Canard Moulahom Hafid, qui a eu l’extrême gentillesse de me refiler son poste pour aller s’occuper de son business juteux, a fait preuve d’audace en faisant réviser l’ALE avec la Turquie…
Et vous, comptez-vous vous montrer les dents face à l’Union Européenne ?
L’Union européenne ? Vous me prenez pour un grand ministre ou quoi! Ministre du petit commerce et de l’industrie de l’import, je n’ai même pas pu me payer la petite Tunisie.