La ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville Fatima-Zahra Mansouri reçoit dare-dare une équipe du Canard pour lui parler de son dernier grand arrêté ministériel…
Vous venez de publier un drôle d’arrêté exigeant des agents immobiliers de contribuer à la lutte contre le blanchiment des capitaux dans leur secteur d’activité. Qu’est-ce qui justifie ce sursaut subit de transparence ?
Le Gafi, ma chère! In extenso, le Groupe d’action financière, ma belle ! Ce machin ne veut pas lâcher la bride à notre pays sur ces histoires de financement du terrorisme et de blanchiment des sous dont j’ai personnellement du mal à saisir le sens, sachant que les vrais terroristes et trafiquants ne sont pas ceux que l’on veut nous faire gober. Et puis, l’argent, à mon humble avis de ministre dépassée par la spéculation foncière et des promoteurs de façade, n’a ni odeur ni couleur.
Mais encore ? Pourquoi cet arrêté ?
Pour que le Maroc puisse quitter la liste grise de ce Gafi, j’ai été mise à contribution pour lutter contre la prolifération du blanchiment de l’argent sale dans le circuit immobilier national.
Mais ce phénomène n’est pas nouveau, l’immobilier en général est connu pour être une grande lessiveuse…
Je le sais. Mais j’ai été obligée de pondre cet arrêté dans l’urgence pour montrer la bonne foi du Maroc dans le combat de ce fléau…
Pensez-vous qu’un agent immobilier va jouer le jeu et dénoncer ses clients douteux aux services de votre ministère ?
Je sais que mon texte est peu catholique car il tend à faire des courtiers immobiliers des auxiliaires du ministère de l’Habitat. Mais sur ce coup, ils doivent faire preuve de patriotisme et de probité et nous signaler les personnes louches et leurs projets douteux.
Dans votre arrêté, il est mentionné que l’agent immobilier doit recueillir un complément d’informations sur le client, sur les raisons des opérations réalisées ou envisagées mais aussi sur la source de son argent ou de ses biens… Là vous demandez carrément au pauvre samsar de faire un travail d’enquêteur… Ce qui est illégal.
Je sais que le travail d’un agent immobilier est de vendre des logements pour gagner sa vie et non pas de jouer les délateurs et sentir si les fonds de l’acquéreur potentiel dégagent des relents de blanchiment ou pas.
Mais les voies du béton sont insondables. J’ai déjà lancé un programme de formation au profit de la première brigade d’agents renifleurs des clients douteux. Vaste chantier.
Et comment comptez-vous y prendre quand les promoteurs immobiliers sont eux-mêmes des blanchisseurs d’argent sale, ce qui n’est pas rare sous nos cieux ?
Zut, Je les ai oubliés ceux-là alors qu’ils sont légion. Je vais vite accoucher d’un autre arrêté pour les pousser à se dénoncer eux-mêmes auprès de mes services de propreté immobilière. On n’arrête pas les arrêtés. w
