Une équipe du Canard a été reçue par le président du Haut Commissariat au Plan Chakib Benmoussa dans la foulée de son dernier rapport sur les inégalités sociales au Maroc.
Propos recueillis par Laila Lamrani
Les derniers chiffres publiés par le HCP montrent une accentuation des disparités sociales. Le Maroc social se porte-t-il mal à ce point ?
Oui, malheureusement car les indicateurs ne sont pas rassurants. Au Maroc, les pauvres s’appauvrissent, la classe moyenne s’effrite, les riches s’enrichissent et le gouvernement regarde ailleurs. Cette situation est politiquement délicate.
Ce n’est pas nouveau, c’est un schéma classique que vous présentez…
Certes, mais ces dernières années, nous avons constaté une accélération de la dynamique de la paupérisation qui touche jusqu’à la classe moyenne. Les nouveaux pauvres sont issus de cette classe connue pour ses capacités de consommation et d’épargne. Ceux-là ont du mal à joindre les deux bouts. Nous avons affaire à une classe très moyenne et même en dessous de la moyenne pour certains segments.
Qui est responsable de cette situation ?
Je ne sais pas. En tout cas, ce n’est pas le HCP. Reste qu’une panoplie de mesures sont prises mais leurs effets sur le coût de la vie reste très faible pour ne pas dire nul.
Prises par qui ?
Par le gouvernement actuel qui donne l’impression de ne pas prendre les problèmes par le bon bout.
Ce gouvernement n’aime pas la critique émanant des institutions indépendantes. Ne craignez-vous pas que les enquêtes du HCP vous attirent ?
Le HCP n’est pas une antenne du gouvernement pour relayer ses données. Notre travail consiste à présenter la réalité du pays telle qu’elle se présente.
Certains pensaient que votre nomination à la tête du HCP en lieu et place de Ahmed Lahlimi qui était connu pour ses études avait pour objectif d’introduire un peu de censure dans la machine…
Le HCP n’est pas ma propriété pour que je puisse maquiller les chiffres afin de plaire à untel ou untel. Les inégalités sociales sont là et s’aggravent à vue d’œil.
Que faut-il faire pour renverser la vapeur ?
Il faudra changer de politique de façon à appauvrir un peu les riches et enrichir un peu les pauvres.