Nizar Baraka, ministre de l’Equipement et de l’eau : Il pleut très peu mais mon ministère arrose mieux…

Une équipe du Canard a été reçue par le ministre de l’Equipement et de l’eau Nizar Baraka pour faire le point sur son action en tant que ministre au cœur de l’urgence hydrique.

Laila Lamrani

C’est quoi cette histoire d’ensemencement artificiel dont vous avez parlé devant le Parlement ?

C’est un programme baptisé Al Ghait qui coûte une pluie de milliards. 

Confronté à la sécheresse, le Maroc a effectué pas moins de 163 opérations depuis 2020 dans l’espoir de provoquer la pluie qui a fini par arriver.

Mais au cours des dernières années, on a eu surtout des inondations qui ont frappé les régions sud du pays il y a quelques mois, et très peu de pluies… Vous ne trouvez pas que cette technique, en plus d’être inutilement coûteuse, est suspecte?

Pas du tout. Il ne faut pas donner crédit aux racontars colportés par les réseaux sociaux. Moi je suis un ministre qui mouille la chemise pour que notre pays soit bien arrosé et dépasse son stress hydrique. Quant à l’aspect financier de la chose, c’est un peu l’arroseur arrosé.

Quelle est la particularité du ministère de l’Equipement et de l’Eau?

C’est un ministère en perpétuelle action et interaction . Ce que les inondations détruisent comme infrastructures, notamment les routes et les ponts, mon ministère se mobilise pour les réparer. Sans compter la construction de barrage et autres usines de dessalement. Je suis donc à la tête du ministère qui engloutit le plus de fonds publics.

L’argent coule donc à flots? 

Absolument. Mais sans faire de vagues. Comme quoi, le stress hydrique ne fait que des malheureux en ce sens qu’il a un grand pouvoir arroseur.

La solution efficace contre le stress hydrique a été trouvée : dessaler pour continuer à mieux gaspiller tranquillement…

Avec la surconsommation qui caractérise le mode de vie des Marocains et surtout le modèle agricole national, je crains que l’on assèche nos mers et nos océans. On adore se noyer sous les problèmes et même dans un verre d’eau plutôt que de prendre le robinet par le bon bout. Franchement, il m’arrive d’essayer d’agir mais je suis souvent victime du phénomène de l’évaporation des idées, une conséquence insidieuse et encore méconnue du gaz à effet de serre.

Il vaut mieux économiser votre génie flottant en attendant que vous mettiez en place une véritable politique d’économie d’eau…

Comme vous voulez, je vais dans ce cas continuer à me la couler douce, au risque de priver le pays d’une belle source d’inspiration. Ce qui nous arrive est aussi la faute au changement climatique et au ciel devenu de moins en moins en moins généreux.Le changement climatique a bon dos. Il nous permet d’avaler et faire avaler toutes les couleuvres sans rien tenter véritablement pour promouvoir le changement politique.

Nizar Baraka qui parle de changement politique ! On dirait que le changement climatique vous a changé…

L’urgence climatique m’a appris que rien n’est urgent tant que le monde est encore debout et que l’argent facile ou difficile coule à flots.

Il y a plus grave que le stress hydrique, le stress politique. Notre paysage partisan est devenu anxiogène. Surtout avec ses procès qui se multiplient contre les élus prévaricateurs qui traversent l’ensemble des partis.

Au fait, que pensez-vous du dernier remaniement gouvernemental ?

Il ne coule pas de source mais ressemble à une auberge espagnole. Tout le monde y a trouvé son compte. Sauf les naïfs qui s’attendaient à un véritable changement. 

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