Ces virus qui minent la santé

La crise sanitaire est une aubaine pour les faiseurs de marchés publics et ceux, pratiquement les mêmes, qui les trustent depuis des années. Et pour cause… La suppression de la procédure classique des appels d’offres pour cause de pandémie et son remplacement par des marchés gré-à-gré a ouvert un boulevard, que dis-je, une autoroute devant les prédateurs qui usent de mille artifices pour détourner les fonds publics par le jeu de la surfacturation et autres ententes illicites. Interpellé à ce sujet jeudi 17 septembre, devant la Commission des secteurs sociaux à la première Chambre, le ministre de la Santé Khalid Aït Taleb a balayé toutes les critiques sur un supposé monopole des transactions relatives à l’acquisition du matériel Covid-19 par les opérateurs du biomédical.

Or, notre ministre, que le Canard soupçonne d’être honnête mais pas très au fait de tous les micmacs mitonnés par certaines directions, n’a pas convaincu ses interlocuteurs et encore moins l’auteur de ces lignes dont le journal a, à maintes reprises, levé un coin de voile sur des magouilles, preuves à l’appui, qui minent les marchés lancés par ce ministère. Sans que les responsables de ces actes délictueux récurrents, devenus même chroniques, ne soient jamais inquiétés. Pas un seul accusé n’a été traduit devant la justice pour répondre de ses agissements douteux ! Tant d’impunité a de quoi surprendre, donnant l’impression que les saigneurs de la Santé sont au-dessus des lois !

Il est très difficile de moraliser le secteur de la commande publique en général tant que ceux qui utilisent cette dernière pour siphonner l’argent du contribuable pour s’enrichir sans cause sont exclus de la reddition de comptes.

Du temps des appels d’offres et les conditions draconiennes qui les accompagnent, les grands manitous de la commande publique du ministère ont trouvé le moyen de concocter dans l’opacité totale des marchés sur mesure pour privilégier leurs « clients » habituels, a fortiori dans des marchés gré-à-gré qui autorisent au nom de l’urgence sanitaire toutes les dérives et autres complicités. Les concernés peuvent accorder tel ou tel marché à qui ils veulent, aux copains et aux coquins, sans risque d’être soupçonnés de quoi que ce soit.  Le contexte exceptionnel actuel a bon dos. Il sert de paravent derrière lequel se cachent les experts de l’enrichissement indu. L’argent du Fonds de lutte contre le Covid  coule à flots. Servez-vous !  

Non, M. Aït Taleb, votre défense de la « légalité» des «247 contrats conclus avec 98 sociétés» entre le 16 mars et le 30 août (d’autres ont été lancés depuis) n’est pas juste et manque d’autant plus de clarté que vous n’avez produit aucune preuve étayant vos dires.

Il est vrai que vous avez centralisé les marchés Covid à votre niveau tout en écartant les opérateurs sujets à caution qui avaient l’habitude de monopoliser la commande publique du secteur de la santé dans une démarche de transparence et de souci de préservation des deniers publics. Mais il y a eu, malgré tout, des dépassements, un surenchérissement des prix précisément, sur les kits de dépistage sérologiques (dont l’efficacité n’a pas été démontrée) et PCR ainsi que d’autres équipements facturés au ministère que vous dirigez.

Ce n’est pas une nouveauté, c’est la règle  qui prévaut à la santé sur le moindre marché public. Les preuves, vous en avez à tire-larigot. Il vous suffit juste de consulter les quelques enquêtes diligentées sous la pression médiatique par l’inspection générale du ministère au sujet de certains marchés en relation avec les fameux appels d’offres suspects lancés à l’époque de votre prédécesseur Lahoucine Louardi (voir Le Canard libéré n° 454). Ce scandale retentissant, qui a éclaboussé l’image de l’urgentiste du PPS n’a jamais été instruit par la justice. Il est très difficile de moraliser le secteur de la commande publique en général tant que ceux qui utilisent cette dernière pour siphonner l’argent du contribuable pour s’enrichir sans cause sont exclus de la reddition de comptes. Le népotisme, la corruption et les ententes sur les prix sont les pires virus qui minent le corps de la santé publique et dont la recherche du vaccin ne mobilise personne…

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