Litige Maroc Telecom-Wana Corporate : La Cour d’appel confirme la sentence

La Cour d’appel de commerce de Casablanca a confirmé mercredi  3 juillet 2024 la sentence prononcée en janvier dernier par le tribunal de commerce de Rabat. Ce Jugement ordonne à Maroc Telecom d’indemniser Wana Corporate d’un montant de 6, 4 milliards de dirhams au titre de dommages et intérêts pour des pratiques anticoncurrentielles. La condamnation de Maroc Telecom à cette très lourde  amende  a  trait au sempiternel dossier conflictuel du partage de la boucle locale en cuivre. Le réseau cuivre désigne l’ensemble des câbles en cuivre installés sur le territoire national, relient les foyers et permettent l’accès aux services de téléphonie fixe et d’Internet en ADSL. S’estimant lésé par Maroc Telecom qui est le propriétaire de ce réseau au Maroc,  Inwi  lui a réclamé au titre du préjudice supposé subi quelque 6,8 milliards de DH dans le cadre d’une procédure judiciaire initiée en en 2021 ! Une somme colossale qui correspond à environ 20% du chiffre  d’affaires et un peu plus du résultat annuel de la deuxième capitalisation boursière du Maroc . Certains observateurs s’interrogent en privé sur le sens de ce jugement de nature à  faire dévisser l’action Maroc Telecom en bourse. A rappeler que l’opérateur a déjà payé une amende correspondant à 10% de son chiffre d’affaires, soit la somme de 3,3 milliards de DH, versée au Trésor public  pour «  abus de position dominante » sur le même  dossier de dégroupage de la boucle locale  suite à sa condamnation en février 2020 par l’ANRT. Ce n’est pas fini. Maroc Telecom subit une autre sanction  financière en juin 2022  d’un montant de 2,4 milliards de DH pour «  pratiques discriminatoires contre les concurrents ». 

S’agissant de Wana Corporate, propriétaire de l’opérateur Inwi, dont les résultats ne font l’objet d’aucune communication, il accuse Maroc Telecom de pratiques anticoncurrentielles sur le dossier censé être clos en relation  avec l’ADSL (Internet fixe), une technologie ringardisée par la fibre optique et la 5G en devenir où le Maroc accuse un certain retard, redevable à l’ANRT, alors qu’il accueille la CAN 2025 et la coupe du monde 2030. Contrairement à Maroc Telecom et Orange qui proposent  depuis longtemps des offres de fibre optique à leurs clients, Inwi  continue à s’accrocher à l’ADSL qui a disparu commercialement  dans beaucoup de pays. Le partage des infrastructures de Maroc Telecom, qui est l’opérateur historique, permettrait à la concurrence d’accéder, moyennant un loyer, à ses lignes téléphoniques en cuivre. Or, Maroc Telecom n’est pas opposé au principe du partage de ses infrastructures dont il détient la propriété, explique une source proche du dossier. Ce que l’entreprise, détenue majoritairement par l’émirati Etisalat  après sa cession en 2013 par le français Vivendi, conteste depuis le début ce sont les tarifs de loyers jugés modiques que l’ANRT avait cherché à lui faire accepter.  Et puis, au-delà de la dimension financière, Maroc Telecom, de par son statut de leader, nourrit une ambition plus large pour le secteur national des télécoms qui va au-delà du simple partage en contrepartie d’un loyer. C’est le sens de l’offre que le leader des télécoms avait soumise à l’ANRT et que celle-ci a curieusement rejetée. Cette offre dresse une vision ambitieuse pour l’ensemble du secteur des télécoms national avec comme fil conducteur l’encouragement en vue de leur extension des investissements dans les installations haut débit. 

Pour relever ce grand défi qui se trouve au cœur de la réduction de la fracture numérique et des inégalités des Marocains face aux nouvelles technologies, il faut évidemment plus qu’une utilisation passive des réseaux par la concurrence. En un mot, tous les opérateurs sont appelés à mettre la main à la poche pour contribuer au développement du secteur dans la perspective de la 5G qui apporte des débits plus importants qui ne peuvent que soutenir l’effort de digitalisation national et contribuer au développement du pays . A l’heure du télétravail, des visioconférences et de l’école à distance… imposés par la crise sanitaire qui a fait exploser les usages et les besoins aussi bien  des particuliers que des entreprises, les combats d’arrière-garde sont inutiles, voire contre productifs…