Le PJD a trouvé une autre activité parallèle qui lui va comme des babouches et par le biais de laquelle il se plaît à se signaler régulièrement à l’opinion publique : les démissions en cascade à défaut de pouvoir peser sur le cours de la vie politique par le travail. Après la vague des défections des élus communaux qui a submergé le parti au cours de ces dernières semaines, c’est le tour de leurs ténors et ministres de manifester leur désir de prendre la tangente : le président du conseil national et membre du secrétariat général du PJD, Idriss El Yazami, qui s’est désolé dans une longue, datée du 25 février, de l’état actuel du parti dont les positions ne sont, selon lui, plus conformes à ses principes.
En un mot, il reproche à Al Othmani de s’être renié et vendu son âme au diable qui s’est échappé visiblement de la lanterne. Autrement dit, ce proche de Benkirane n’est, lui, pour rien dans les turpitudes spectaculaires qu’il a pointées alors qu’il est numéro 2 du parti, maire de Fès et occupé naguère le poste de ministre du Budget. Pour sa part, le ministre des Relations avec le Parlement Mustapha Ramid aurait démissionné, ainsi qu’il l’a expliqué dans la lettre qu’il a adressée au Premier ministre, pour des raisons de santé avant d’opérer aussitôt un grand rétropédalage qu’il a justifié sur son compte Facebook par le refus du souverain de le laisser partir. On attend les prochains démissionnaires. Certainement pas Abdelaziz Rabbah ni Abdelkader Amara qui depuis le début se sont empressés d’aller à la soupe avec entrain tout en se gardant de cracher dedans. Ces deux-là, classés par le courant benkiranien dans le camp des opportunistes, se contentent de compter les points dans l’optique de se poser bientôt en recours et faire tomber le parti dans leur escarcelle une fois la parenthèse Al Othmani refermée. Ainsi va l’actualité des islamistes légalisés. Dans une ambiance pesante entre chien et loup et beaucoup moins triomphaliste que lors de leurs premières années de pouvoir. Aujourd’hui, les frères d’hier sont devenus les ennemis d’aujourd’hui et ne savent plus où donner de la barbe malgré les tentatives de Al Othmani de jouer les équilibristes pour maintenir une certaine cohésion interne qui a volé en éclats.
Entre la pression de la base, pressée de renvoyer Al Othmani dans son cabinet dégarni de psychiatre, et la crainte des tenants de la participation d’être expédiés dans le de l’opposition après avoir gouté au confort des fauteuils, le PJD traverse la pire crise existentielle de son histoire. Empêtré dans ses propres contradictions, affaibli par des scandales en série, le parti ne trouve plus grâce aux yeux d’une bonne partie de ses membres. Et que dire alors des citoyens-électeurs qui séduits par leurs discours islamo-démagogiques les ont portés au pouvoir (exécutif et communal) ? Que reste-t-il de cette formation qui avait réussi à récolter des voix au-delà même de son bassin électoral, captif des quartiers populaires ? En fait, pas grand-chose si l’on en juge par le malaise profond qui mine le parti. En 10 ans d’exercice, le pouvoir a fait son effet. L’usure est là, aggravée par l’incompétence des ministres PJD qui n’ont pas réussi à imprimer leur style à la gouvernance, réduits qu’ils sont à gérer des crises à répétition avec ses partenaires gouvernementaux. Face à cette situation, les initiatives et les reformes émanent du palais qui a repris les choses en main en recadrant plusieurs fois l’exécutif islamiste sur des dossiers relevant en principe de ses attributions comme la protection sociale et la santé, la formation professionnelle et les investissements… Même si les islamistes gagnent les prochaines législatives, ils seront à nouveau obligés de composer avec une coalition hétéroclite de plusieurs partis, ce qui prolongera encore leur supplice aux affaires. Autres temps, autre ambiance. Abdelilah Benkirane avait l’avantage de masquer l’incompétence du parti par sa bouffonnerie et ses sorties enjouées qui amusaient le petit peuple. Avec l’arrivée de Al Othman, un homme austère, mais transparent et fidèle, on ne rit plus. Le PJD pleure. Il s’est dévoilé.