Président Conseil Régional du Tourisme de Casablanca Settat (CRT-CS) Othmane Chérif Alami livre au Canard sa vision d’une coupe du monde réussie tout en abordant les chantiers d’envergure mis en route par les pouvoirs publics pour relever ce grand défi planétaire.
Le Canard Libéré : Quelle est selon vous la Coupe du monde idéale pour le Maroc? Comment le grand professionnel des voyages que vous êtes la voit pas seulement sur le plan touristique mais aussi sur les autres plans non moins déterminants ?
Othmane Chérif Alami : Une Coupe du monde réussie est celle qui permet d’accueillir le plus possible de spectateurs dans les meilleures conditions. Le citoyen marocain est très enthousiaste pour la co-organisation de la World Cup 2030 avec l’Espagne et le Portugal « Yalla Vamos » enfin au Maroc et contribuera, par son amour pour le football, pour l’équipe nationale (qui a fait notre fierté en se qualifiant pour les demi- finales de Coupe du Monde Qatar 2022) et son sens de l’hospitalité à la réussite de ce grand événement. En outre, l’État a mis en route une série de projets d’envergure de mise à niveau des infrastructures attendues pour la Coupe du Monde 2030 à Casablanca et dans d’autres villes du Royaume. Dans la région Casablanca-Settat par exemple, le RER reliera Benslimane et le nouveau stade d’une capacité de 115.000 spectateurs à l’aéroport Mohammed V et à d’autres quartiers périphériques de la métropole, le réseau de Tramway (4lignes) et de Bus à haut niveau de service (BHNS) de Casablanca vont sans conteste contribuer à l’amélioration de la mobilité urbaine… Il y a lieu de citer la connexion de l’aéroport Mohammed V à la ligne à grande vitesse (Casablanca-Tanger) pour desservir Rabat et Tanger qui accueilleront également les matchs de Coupe du Monde… Sans oublier le projet de ligne LGV Kénitra Marrakech. Côté équipements sportifs, le complexe sportif prince Moulay Abdellah de Rabat a été fermé et en partie rasé pour être entièrement rénové. Sa capacité passera de 45.000 à 66.000 places. Le Grand Stade de Tanger (68.000 places) sera également relié par train à l’aéroport international Ibn Battouta de Tanger. Les stades de Marrakech et d’Agadir (45.000 places) font à leur tour l’objet d’un programme de rénovation totale.
S’agissant des infrastructures, le tunnel programmé pour relier Marrakech à Ouarzazate vise à rapprocher les deux villes touristiques, ce qui permettra aux touristes et visiteurs du Maroc de faire le trajet dans un délai relativement court. La relance du fameux tunnel de Gibraltar reliant le Maroc à l’Espagne est de nature à sceller définitivement la proximité entre le Royaume du Maroc et le Royaume d’Espagne et par la même occasion de rapprocher davantage l’Afrique et l’Europe. La construction des nouveaux ports, ceux de Dakhla Atlantique et Nador West Med, viendra renforcer le maillon de la chaîne du transport maritime.
Last but not least, la dynamique actuelle autour des usines de dessalement d’eau de mer (le Maroc en compte déjà 11 dont 4 dédiés à l’industrie) et 9 programmés à l’horizon 2030. Celle de Casablanca, située à Mharza Sahel à proximité de la station balnéaire Sidi Rahal au sud de la ville et dont les travaux ont déjà commencé, permettra de desservir une population de 7,5 millions d’habitants autour de Casablanca.
Quelle est la feuille de route du Conseil Régional du Tourisme de Casablanca Settat (CRT-CS) dans la perspeti9ev de ces deux grands évènements sportifs ?
Dans le domaine du tourisme, le Conseil Régional du Tourisme de Casablanca Settat (CRT-CS) préconise éventuellement l’ouverture progressive de l’aéroport de Benslimane au trafic dans le cadre la préparation de la Coupe du Monde 2030. Cet aéroport pourrait accueillir les compagnies Low cost pour permettre aux touristes nationaux et internationaux de bénéficier de vols de et vers la région à des prix compétitifs. Cette plateforme aéroportuaire dispose d’un atout technique exceptionnel et en fera le deuxième aéroport de la région Casablanca-Settat. Toutes ces réalisations en cours annoncent une Coupe du monde exceptionnelle qui exige naturellement l’amélioration de l’offre hôtelière et d’hébergement.
Plus d’unités pourraient voir le jour, notamment dans la région autour du nouveau stade de Benslimane. Ainsi, pour répondre à la forte demande lors de la Coupe du Monde 2030, la construction d’hôtels de transfert (d’une capacité de 80 chambres avec une superficie de 40 m²/chambre) proches des stades d’entraînement s’impose à Benslimane et Mansouria. Dans ce cadre, les autorités et le secteur privé joignent leurs efforts afin de bien se préparer à cette échéance planétaire. Le comité de la FIFA se rendra bientôt au Maroc dans le cadre de ses missions d’inspection et de vérification de la conformité des différentes installations aux normes requises.
Pensez-vous que le Maroc a tous les atouts en main pour réussir ce défi d’envergure planétaire ?
Oui bien sûr ! Notre pays possède tous les atouts pour réussir cet événement d’envergure et fait de son mieux pour la mise à niveau du pays à travers les grands chantiers déjà programmés. Nous avons pour nous l’hospitalité, l’amour du football, les infrastructures sportives existantes et qui seront améliorées et celles à venir comme le Grand stade de Casablanca à Benslimane, les infrastructures hôtelières et d’hébergement classées qui seront à leur tour consolidées, l’enrichissement de l’offre culturelle et d’animation avec l’émergence de nouveaux musées, la construction de parcs d’attractions…, les infrastructures de transport (TGV, RER, tramways, BHNS, autoroutes…), les monuments historiques et toute l’ambiance et la ferveur que sait créer le peuple marocain autour du football avec les grandes équipes des différentes villes et l’équipe nationale évidemment qu’ils sauront encourager avec enthousiasme jusqu’au bout .
Faut-il rappeler que nous avons l’un des meilleurs groupes de supporters au monde qui créent une ambiance incroyable sur les gradins et à l’extérieur . La preuve en a été fournie de manière éclatante lors du mondial qatari en 2022 qui a vu des milliers de Marocains se rendre au pays hôte pour soutenir son équipe nationale.
S’il y a une chose que les autorités se doivent de corriger pour que le mondial 2030 soit historiquement friendly, ce serait laquelle à vos yeux ?
Nous souhaitons une simplification de la procédure des visas pour les étrangers par l’adoption des visas électroniques pour tous les visiteurs qui en ont besoin pour entrer au Maroc. Nous espérons également améliorer l’organisation, la sécurité, la propreté, la fluidité des flux de voyageurs dans les aéroports et concéder quelques libertés aux touristes tout en veillant au respect de l’ordre public.
Le Maroc est un pays connu et apprécié pour ses traditions d’accueil et d’hospitalité. Mais est-ce suffisant pour réussir un événement de l’envergure du mondial ?
Pas forcément. Mais cela reste un élément essentiel. La coupe du monde 2030 n’est pas la première compétition mondiale organisée par le Maroc. Souvenez-vous de la coupe du monde des clubs en février 2023 et la prochaine CAN 2025. Le Maroc s’est forgé une expérience considérable dans l’organisation des grandes manifestations.
D’une envergure plus grande, le mondial 2030 mettra à l’épreuve les capacités du Maroc à réussir l’organisation au niveau de l’accueil, de la sécurité, de la fluidité, de l’hébergement et de l’offre d’animation…
Comme vous le savez, la coupe du monde est une méga-fête qui se déroule essentiellement en plein air, dans la rue. Quels sont les dispositifs à mettre en place sur le terrain en termes d’animation et de divertissement pour que les supporteurs du monde entier se sentent dans leur élément ?
En effet, l’animation dans la Coupe du monde est très importante. A titre d’exemple, pendant la World Cup Qatar 2022, le groupe Qatar Airways et Qatar Tourism ont mis au point plusieurs programmes de divertissement comme l’accueil de 60 artistes internationaux pour animer des spectacles lors de la compétition. On peut citer également la création de beach clubs, les fan zones, les parcs à thème, le festival de musique Daydream, l’activation de Lusail Boulevard, la Qatar Airways Sky House, le Winter Wonderland et la cérémonie de baptême du navire de croisière MSC World Europa…
Au Maroc, l’ONMT et RAM pourraient sponsoriser de tels événements. Je pense à l’animation des grands boulevards de Casablanca, Tanger, Rabat et Marrakech, Agadir, Fès… lors de la Coupe du monde 2030. Des concerts en plein air pourront être donnés autour du stade. Des animations au quai de croisières du Port de Casablanca avec l’accueil de grands navires de croisière, dans les gares LGV, de parcs à thème, de fan zones autour des stades, de beach clubs à Mansouria, Tanger et Agadir…
Il y a énormément d’actions de ce genre à déployer en partenariat avec les sponsors et la Fifa pour créer de l’animation et offrir du divertissement à nos visiteurs et permettre aux fans du football venus du monde entier de vivre une expérience mémorable.
Parlons maintenant des retombées de l’organisation du mondial par le Maroc. Au-delà des gains en termes d’image et de rayonnement, une telle opération est-elle rentable financièrement ?
Tous les investissements et les chantiers que le Maroc aura ouverts sont nécessaires pour le pays et bénéfiques pour sa population avant de l’être pour nos hôtes en 2030.
Ces efforts déployés par les pouvoirs publics induiront une amélioration significative des infrastructures qu’on pourra rentabiliser sur la durée en attirant notamment des dizaines de millions de touristes chaque année, ce qui rejaillira sur le volume des recettes en devises. Les fruits d’une manifestation comme la coupe du monde sont cueillis après. A titre d’exemple, le Qatar a accueilli 2 millions de touristes en 2022, année d’organisation de la Coupe du Monde. En 2023, le nombre de touristes a doublé pour atteindre 4 millions. En outre, tous les pays ayant accueilli la fête mondiale du foot, le Brésil 2014 et Russie 2018 ont connu une hausse de l’activité touristique après l’événement.
Métropole qui ne manque pas d’atouts mais parent pauvre de la promotion touristique, Casablanca est en train de vivre une véritable transformation sur le plan infrastructurel.
Quels sont selon le président du CRT de la région Casa-Settat que vous êtes les autres leviers à actionner pour faire de la capitale économique du pays une véritable destination touristique ?
Nous saluons et accompagnons tous les efforts du Conseil de la région Casablanca-Settat, de la Wilaya et du Conseil de la ville de Casablanca pour activer le plan de transformation de la ville auquel nous contribuons et contribuerons au niveau de la promotion. D’ailleurs, en 2030, la région aspire à attirer 6 millions de touristes (avec une durée de séjour de 2 à 4 nuitées). Il s’agit d’un million de touristes d’affaires et MICE (réunions, incentives, conférences, expositions), 1 million de touristes pour le City Break, 500.000 croisiéristes et 3,5 millions de nationaux. Pour ce faire, il est nécessaire que les grands projets de la région soient opérationnels au moins un an avant l’échéance notamment concernant le Grand Palais des Congrès prévu en 2029 qui doit programmer ses premiers événements plusieurs mois à l’avance. Le futur terminal 3 de l’aéroport Mohammed V, le quai de croisières opérationnel fin 2024, le Palais de la foire (dont les travaux de rénovation vont commencer incessamment) qui sera prêt en 2026 et les investissements privés d’hôtels, de restaurants et d’animation sur la côte balnéaire de Bouznika à Oualidia… également très attendus. Nous sommes très optimistes pour l’avenir du tourisme à Casablanca.