Le Maroc a occupé une place peu flatteuse dans le palmarès des IDE (investissements directs étrangers) en Afrique en 2023 publié en juin dernier par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Il pointe à la 16e place avec 1,09 milliards de dollars, ne devançant que le Niger, le Tchad, la Guinée et la Mauritanie ! Pour le Royaume qui a drainé en 2022 quelque 2,2 milliards de dollars d’IDE, la chute est spectaculaire et méritait de ce fait une bonne explication officielle qui ne viendra pas. Certainement embarrassé par cette grosse contre performance, le gouvernement a préféré s’emmurer dans le silence là où il aurait fallu qu’il réagisse pour en objectiver les raisons. Celles-ci sont certainement à chercher au-delà de la tendance mondiale à la baisse des investissements étrangers dirigés vers le continent qui n’en a capté que 3,5%… Il y a de quoi s’interroger à cet effet sur le pouvoir attractif de ce dispositif et la pertinence des facteurs d’attractivité offerts par les décideurs politiques. Surtout que l’exécutif a adopté en mars 2023 une nouvelle charte d’investissement comportant une série de mesures jugées incitatives, notamment l’octroi d’une subvention pouvant atteindre jusqu’à 30% du montant de l’investissement.
Or, un investisseur ne choisit pas une destination pour le développement de son business en fonction des avantages financiers ou fonciers offerts. D’autres paramètres décisifs entrent en ligne de compte et influencent son choix…
C’est connu, un investisseur étranger met en tête de ses préoccupations la stabilité du régime politique du pays et en deuxième sa stabilité économique (équilibre du budget, équilibre de la balance des paiements, taux d’inflation, taux d’endettement extérieur, stabilité du taux de change). Sur ces deux plans, le Maroc offre des atouts incontestables renforcés par son emplacement géographique privilégié mais aussi par la qualité de ses infrastructures. Les capitaux étrangers aiment aussi les pays qui offrent un climat d’investissement attractif en termes de législation sociale, de flexibilité du marché du travail, du niveau d’imposition fiscale, de procédures administratives, de délais de constitution d’une société, de liberté de transfert des capitaux et régime des changes, et de qualité du cadre de vie pour les expatriés… Les pays qui deviennent des références dans la captation des flux des IDE sont ceux qui offrent également une sécurité juridique et judiciaire pour les investisseurs, un prérequis tout autant décisif dans l’acte d’investir. C’est à l’aune de cette batterie de conditions qu’une charte d’investissement doit être appréciée et non seulement des avantages matériels qu’elle accorde aux groupes multinationaux. Un investisseur ne choisit pas une destination pour le développement de son business en fonction des avantages financiers ou fonciers offerts. Un investisseur est à la recherche d’un pays qui lui assure une main d’œuvre qualifiée et productive, un environnement sain et transparent. Certes, les pouvoirs publics marocains ont consenti de nombreux efforts pour améliorer le climat des affaires mais reste à agir sur certains principaux déterminants des investissements étrangers. Les freins qui restent à lever sont connus et maintes fois dénoncés, en l’occurrence une administration lente et inefficace qui a besoin d’un choc de simplification des procédures.
Le problème du Maroc, qui lui joue bien des tours, c’est qu’il reste au milieu du gué, hésitant, à trop vouloir ménager le chou et la chèvre, d’aller jusqu’au bout des processus de modernisation engagés tous azimuts.
Si le Maroc s’est engagé de manière volontariste sur la voie de l’administration électronique, débouchant sur la dématérialisation d’un bon paquet de documents et de démarches, la transformation numérique tant attendue, celle qui permet par exemple de créer son entreprise en moins de 24 heures sans bouger don son siège, tarde à venir. Tout comme la mise en place d’un dispositif numérique national, à l’image de Absher en Arabie Saoudite, visant à faciliter le quotidien de la population et des usagers en réduisant de manière significative leur déplacement dans les divers bureaux physiques du service public. Avec tout que cette dépendance génère comme tracas et autres pratiques corruptives. La corruption ! C’est assurément le principal mal qui ronge le pays et lui fait perdre bien des opportunités d’investissement.
Malgré la création dès 2007 de l’Instance nationale de la prévention et de la lutte contre la corruption, le Maroc a du mal à en finir avec ce fléau devenu endémique, voire systémique qui lui vaut des classements peu flatteurs dans les classements mondiaux de la perception de la corruption (97e position dans le classement de 2023 de Transparency International, soit un recul de 5 points et une perte de 24 places en 5 ans).
Le problème du Maroc, qui lui joue bien des tours, c’est qu’il reste au milieu du gué, hésitant, à trop vouloir ménager le chou et la chèvre, d’aller jusqu’au bout des processus de modernisation engagés tous azimuts. Dans un monde en perpétuelle changement, où la technologie bouleverse la société et la vie des entreprises, faire du surplace équivaut à reculer par rapport à ceux qui ont fait le choix résolu d’avancer. Le gouvernement doit d’autant plus agir pour faire sauter les derniers verrous qui réduisent l’attractivité du pays qu’il table sur la réalisation de l’objectif de 550 milliards de DH d’investissements privés d’ici 2026. Or, attirer du capital dans des secteurs porteurs et les transferts de technologies associés, pour booster la croissance, créer de l’emploi et financer l’Etat social ne se décrète pas.